L’une des prémisses de l’ouvrage de théorie politique Zoopolis (2011) est que l’utopie animaliste ne se réduit pas à l’abolition de l’exploitation animale. En effet, prendre en considération les intérêts des animaux non humains requiert un pas de plus : la reconnaissance de leur agentivité, désirs et volontés, et l’intégration de ce qu’ils ont à nous dire dans l’organisation sociale. Dans ce texte, Axelle Playoust Braure dévoile quelques-unes des multiples façons dont une telle société interespèce pourrait être structurée.

Axelle Playoust Braure est journaliste scientifique pigiste, co-autrice de Solidarité animale. Défaire la société spéciste (La Découverte, 2020).

There’s really no such thing as the ‘voiceless’. There are only the deliberately silenced, or the preferably unheard[1].

– Arundhati Roy, 2004

L’un des apports majeurs de l’antispécisme est sa critique du différentialisme d’espèce, ce postulat d’une irréductible différence de nature entre les humains et les autres animaux[2]. Pour autant, le projet antispéciste ne présuppose ni ne souhaite une identité entre les uns et les autres. Il existe bel et bien des différences variées entre individus multiples, ces derniers entretenant entre eux des relations elles-mêmes variées. Les antispécistes ne défendent donc pas une stricte égalité de traitement[3].

Ce qui est maintenu néanmoins, c’est que les différences existant entre les humains et les autres animaux ne légitiment en rien les discriminations que subissent les seconds au bénéfice des premiers. Elles n’empêchent pas non plus de concevoir un projet de société multi-espèces fondé sur des normes de justice et de solidarité, une utopie interespèce. L’antispécisme consiste, tout bonnement, à prendre au sérieux ce que vivent les autres animaux, intimement, à la première personne, en eux-mêmes et pour eux-mêmes : leurs désirs, leurs préférences, leurs besoins, leurs diverses conceptions de la vie bonne.

Actuellement, et il est édifiant que cela ne fasse pas davantage l’objet d’une indignation collective, le statut social et légal des animaux domestiqués, notamment ceux dits d’élevage, est un statut de propriété[4]. Nous les utilisons comme des ressources, des aliments et des moyens pour servir nos fins propres, comme le philosophe Enrique Utria en fait le triste constat[5] :

Leur sang clarifie nos vins. Leur sang séché et leurs plumes sont notre engrais. Leur fumier est un fertilisant. Leur graisse est dans nos savons. Leur graisse est dans nos murs – dans la peinture et dans les biocombustibles des cimenteries. Leur peau est nos chaussures. Leur peau est sur nos fauteuils. Leur peau est sur nos portes-monnaies. Leur peau est sur nos sacs à main. Leur vessie filtre nos jus de fruit. Leurs os blanchissent les sucres de nos cafés. Leur chair est notre viande. Ils sont nos donneurs d’organes, les testeurs et goûteurs de toute molécule introduite sur le marché. Tous les actes de la vie humaine sont scandés par des portions, des traces, des effluves de leur cadavre et de leurs produits dérivés.

Mais l’abolition de l’exploitation animale est le point de départ et non le terme du projet antispéciste. Un principe de non-nuisance est radicalement insuffisant pour construire un projet politique de société interespèce juste. C’est ce point que je souhaite développer dans ce texte, à partir notamment de l’ouvrage de théorie politique Zoopolis, de Sue Donaldson et Will Kymlicka.

Ne pas s’en tenir à ne pas nuire

Le projet politique antispéciste ne revient pas à abolir toute relation avec les autres animaux. Comme le soulignent les auteur·rices de Zoopolis, « c’est une grave erreur de penser que nous pouvons nous acquitter de nos devoirs envers les animaux sauvages en transformant certains territoires en “zones interdites”[6] », et « les relations entre les humains et les animaux domestiques peuvent être réorganisées de façon juste si l’on accepte de considérer les animaux comme des membres et des citoyens de la communauté politique ». Nous partageons un seul et même monde avec les autres animaux, même si celui-ci abrite des formes de relation très diversifiées. Ainsi, le projet antispéciste ne relève pas seulement de la philosophie morale. Partager les ressources et les lieux implique aussi de convoquer la théorie et l’action politique, l’urbanisme, l’éthologie, la géographie et bien d’autres disciplines.

Domestiques, liminaires, sauvages

Il est utile de rappeler que les animaux non-humains ne peuvent être réduits à une distinction binaire : d’un côté les animaux sauvages, perçus comme exempts de toute empreinte humaine et donc prétendument libres, épargnés et épanouis, de l’autre les animaux domestiques, nécessairement dépendants, diminués et sous notre coupe. Cette dichotomie, en plus d’être simpliste dans sa conception du sauvage et de la domesticité, contient un vaste impensé : les animaux liminaires (du latin limen, qui signifie « seuil »)[7]. Ni domestiques, ni pleinement sauvages, « les étourneaux, les renards, les coyotes, les moineaux, les colverts, les écureuils, les ratons laveurs, les blaireaux, les mouffettes, les marmottes d’Amérique, les cerfs, les lapins, les chauves-souris, les rats, les souris et bien d’autres encore[8] » sont dits opportunistes : ils profitent des infrastructures et des activités humaines, sans pour autant rechercher activement des relations intersubjectives avec des humain·es.

La théorie politique au fondement de l’antispécisme, telle qu’elle transparaît dans Zoopolis, n’est donc ni uniforme, ni rigide : elle est modulée par des degrés de proximité socio-spatiale et par des désirs réciproques, qui peuvent évoluer au fil du temps selon les individus. Si les animaux domestiques cherchent pour la plupart activement le lien avec des humain·es, les animaux sauvages fuient en général leur présence tandis que les animaux liminaires se satisfont de vivre dans les interstices humaines ; mais certains animaux peuvent passer du sauvage au liminaire, ou du domestique au liminaire, et vice-versa, parfois à plusieurs reprises au cours de leur vie. Ces catégories, dynamiques et relationnelles, ne doivent pas être appréhendées de façon essentialiste, et de nombreux cas sont ambigus.

L’agentivité animale, point de départ et boussole

Le projet antispéciste n’a de sens que s’il est fondé sur la reconnaissance de l’agentivité des autres animaux. Une approche misérabiliste, qui ne les considère que comme des victimes passives subissant la violence humaine, ne restitue que partiellement ce qu’ils sont – à savoir aussi des individus qui développent des projets, qui sont auteurs et acteurs de leur existence, qui négocient leurs conditions de vie et luttent pour leur liberté. Ce ne sont pas seulement des objets de considération morale, ce sont des sujets politiques. Cette agentivité est réellement au cœur du projet antispéciste, car l’objectif est d’éviter que les animaux non humains ne se retrouvent sous la tutelle de normes qu’ils n’ont pas contribué à définir. Comme tout autre groupe social, ils doivent avoir voix au chapitre concernant les orientations politiques qui ont, d’une façon ou d’une autre, des répercussions sur leur existence.

Toutefois, pour beaucoup, la notion d’agentivité politique animale est abstraite, voire inconcevable. Donaldson et Kymilcka, de même que la philosophe Eva Meijer[9], considèrent que cette difficulté à voir les autres animaux comme des êtres politiques provient en partie d’une conception exagérément restrictive de l’agentivité et de la participation politiques, une conception anthropocentrée et capacitiste car réduite à la délibération orale, à l’argumentation désincarnée, ainsi qu’au vote par les urnes et aux formes canoniques de la mobilisation collective (grève, manifestation, regroupement associatif, etc.). Ces façons de faire de la politique sont certes importantes, mais elles sont loin d’épuiser le répertoire possible.

Bien que les autres animaux ne partagent pas le langage humain, un accès à leurs besoins et préférences est possible dès lors qu’une réelle attention est portée à leur propre registre d’expression. En d’autres mots, les animaux non humains ne sont pas des incapables. Ils envoient de nombreux signaux expressifs, notamment corporels, concernant leurs désirs, leurs volontés et leurs préférences – à qui veut bien les voir.

Les animaux ne parlent pas, il est vrai ; pourtant, ils s’expriment. Ils communiquent à d’innombrables occasions leur volonté, leurs limites, leurs désirs ; ils cherchent par des moyens divers à gagner leur liberté ou à négocier leur condition. Ils ne comprennent peut-être pas ce que sont les droits, mais leurs actions n’en sont pas moins politiques. Oui, il faut oser le terme : les animaux font de la politique, au même titre que les humains[10].

Le projet d’une société démocratique fondée sur la justice interespèce nécessite ainsi d’établir « de nouvelles procédures de prise de décision par lesquelles tous ceux qui sont affectés sont consultés[11] », et il est évident que certaines de ces procédures ne ressembleront pas à celles que nous connaissons déjà.

Les animaux domestiques, particulièrement, parce qu’ils ont développé d’importantes dispositions à vivre au contact d’humain·es du fait de la domestication, sont dans bien des cas en mesure de nous donner leur assentiment ou de nous signifier leur refus. Certains peuvent être socialisés de façon à acquérir des normes de vie collective interespèce et à se familiariser avec l’usage d’outils et autres dispositifs.

Toute personne ayant vécu avec des animaux domestiques sait qu’ils ont des préférences, des intérêts, des désirs, et qu’ils sont capables de les transmettre de façon intentionnelle, par une grande diversité de procédés. Ils se dirigent vers la porte pour montrer qu’ils veulent sortir. Ils miaulent face au frigidaire pour demander de la nourriture. Ils frottent leur museau contre votre bras pour obtenir de l’affection. Ils vous chargent en battant des ailes et en criant pour que vous reculiez. Ils tirent une laisse hors du placard pour vous faire comprendre que l’heure de la promenade est arrivée. Ils se courbent pour vous inviter à jouer avec eux. Ils regardent avec insistance le canapé ou le lit pour demander s’ils peuvent y sauter. Ils s’arrêtent si, par inadvertance, vous vous êtes trompés de virage au cours d’une promenade dans le parc. Ils traversent le champ et se frottent contre vous pour obtenir une friandise à la pomme. Ils se pressent face à la porte d’une grange pour indiquer qu’ils veulent s’abriter de la pluie. À travers un vaste répertoire de vocalisations, de gestes, de mouvements et de signes, les animaux domestiques nous disent ce qu’ils veulent et ce dont ils ont besoin[12].

La compréhension interespèce est ainsi non seulement possible, mais aussi bien plus courante qu’on ne le pense généralement. Toutefois, la capacité des animaux non-humains à communiquer efficacement leurs besoins et désirs dépend beaucoup de la place et de la crédibilité accordée à cette expression. Or, à l’heure actuelle, ces animaux sont pris dans un rapport de pouvoir tellement défavorable et font l’objet d’un tel mépris que leur agentivité n’est bien souvent pas reconnue comme telle[13]. Par ailleurs, comme le souligne Eva Meijer, il est crucial de ne pas réduire l’agentivité animale à de la micro-agentivité, c’est-à-dire à des choix portant simplement sur une sphère d’activités limitée, comme le type de nourriture consommée[14]. Ces choix sont profondément importants[15], mais les autres animaux devraient aussi pouvoir participer au « jeu démocratique » de la vie en société au sens large, c’est-à-dire en redéfinir les fondements et les règles.

Il reste donc un saut à franchir entre le registre expressif bien réel des autres animaux et leur capacité effective à prendre part aux processus de participation politique. Comment recueillir leur propre conception de la vie bonne, et intégrer celle-ci dans l’organisation concrète de la société ? Comment repenser nos concepts et processus politiques en incorporant l’agentivité animale ?

Les sanctuaires et l’agentivité interdépendante

Concernant les animaux domestiques, des facilitateur·trices de confiance peuvent être choisi·es pour consulter, recueillir et représenter les différents points de vue. Il s’agirait d’individus qui connaissent bien les animaux en question, capables d’interpréter leurs besoins physiologiques et sociaux spécifiques à la lumière de connaissances éthologiques, mais sans pour autant négliger l’importance des variabilités individuelles. Il est crucial que les intérêts de ces médiateur·trices n’entrent pas en conflit, ou le moins possible, avec ceux des animaux. Difficile de faire pire qu’actuellement dans le domaine. À ce jour, en France comme dans bien d’autres pays, c’est le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation qui est en charge des questions de « bien-être animal ». L’une des revendications du Parti animaliste français est d’ailleurs de « créer un ministère de la Protection animale, comprenant aussi une direction consacrée à la protection des animaux aquatiques, afin de sortir la protection animale du ministère de l’Agriculture et de mettre fin au conflit d’intérêts qui lui est consubstantiel[16] ».

Il est également important d’offrir aux animaux domestiques la possibilité de participer à de multiples interactions sociales (de les initier, mais aussi de les éviter ou de les quitter). On apprend en effet à se comporter au contact des autres[17], lorsqu’on est engagé·e dans des situations de négociation, de coopération, de réciprocité, de confiance et d’apprentissage mutuel.

Certains sanctuaires, parce qu’ils permettent l’existence de telles interactions, jouent déjà un rôle considérable dans l’inscription de l’agentivité animale dans l’imaginaire et les pratiques. Parce que ce sont des environnements au contexte unique, où des efforts actifs sont menés pour que les non-humains aient des opportunités d’exprimer leurs préférences, ils nous permettent d’apprendre des animaux eux-mêmes et donc de réaliser concrètement, même si imparfaitement, une justice interespèce.

Imparfaitement, car les sanctuaires sont contraints d’opérer dans un contexte encore largement spéciste. Les animaux non-humains qui y vivent ont pour la plupart connu une vie d’exploitation en élevage avant d’arriver au sanctuaire ; leur corps est affecté par des mutilations et des modifications génétiques qui leur causent des douleurs chroniques et nécessitent des soins importants. La géographe Claire Camblain m’a fait part d’autres liens contraints entre le monde de l’élevage et les sanctuaires : en France, ces derniers doivent officiellement se déclarer comme des exploitations agricoles, tenir un « registre d’élevage » qui détaille le nombre et l’identité des résidents non humains, se soumettre à des contrôles inopinés des services vétérinaires, les corps des résidents décédés doivent être collectés par des services d’équarrissage, etc.

Dans un article de 2020[18], Charlotte E. Blattner, Sue Donaldson et Ryan Wilcox livrent ainsi les résultats de leur « ethnographie multi-espèces » réalisée en avril 2018 au sanctuaire VINE, situé dans le Vermont, au nord-est des États-Unis. VINE est « une communauté dans laquelle des animaux anciennement élevés vivent avec des humain·es qui ont à cœur de favoriser leur agentivité et de faire progresser la justice interespèce[19] ». Plus de 600 individus non humains d’environ 16 espèces différentes résident à VINE. Ils peuvent y évoluer de façon relativement libre et les espaces ne sont pas ségrégués par espèce. L’article, qui prend la forme d’un compte-rendu d’observation illustré de photos, restitue la façon dont certaines procédures, installations et attentions, qu’elles soient d’ordre spatial ou social, de même que certains rituels et rôles sociaux, respectent et favorisent – ou au contraire limitent – l’agentivité relationnelle des animaux non humains. Comme le souligne Sue Donaldson, les sanctuaires « constituent des laboratoires où de nouvelles idées de justice interspécifique peuvent être testées et mises en pratique[20] ».

La présence comme intervention politique

Ainsi, nous n’avons pas besoin d’attendre que les thèses antispécistes soient largement acceptées et traduites dans les institutions officielles pour réaliser concrètement le projet d’une prise en compte des intérêts des autres animaux. Le travail de Paris Animaux Zoopolis (PAZ) en est un autre exemple remarquable. L’association, qui s’inspire explicitement des thèses de Donaldson et Kymlicka, mène depuis 2017 différentes campagnes destinées à rendre les milieux urbains plus accueillants et respectueux des animaux liminaires.

Pour que Zoopolis ne reste pas qu’une théorie couchée sur le papier, PAZ déploie une stratégie consistant à normaliser et à rendre légitime la présence non humaine en ville. Le pari est que si tout un chacun peut faire le constat quotidien que les autres animaux sont parmi nous, qu’ils partagent les mêmes espaces et que cela se passe sans heurts, le projet de société multi-espèces sera d’autant plus facilement accepté. À l’inverse, comme le fait remarquer Estiva Reus, « les pratiques qui rendent invisibles une partie des habitants, et les mesures qui les désignent comme indésirables, entretiennent le mépris dans lequel on les tient, et facilitent la négligence ou l’oubli de leurs besoins et aspirations[21] ».

Avec le durcissement des conditions de vie dans la nature, l’étalement urbain et la végétalisation des villes, l’écosystème urbain se révèle favorable à beaucoup d’animaux non humains, qui y trouvent des refuges et profitent des opportunités en termes d’abris, d’eau et de nourriture : c’est ce que la philosophe Joëlle Zask nomme l’appel de la ville. Ils sont nombreux à prospérer dans des milieux anthropisés : la ville est tout simplement leur habitat, leur lieu de vie, leur environnement.

Voilà par exemple qu’à Singapour, des loutres ont appris à traverser des rues, les adultes intimidant les chiens qui pourraient les attaquer et protégeant le cortège de leurs petits comme le ferait un agent municipal au niveau du passage piéton situé à la sortie de l’école. Les singes apprennent à chaparder, les kangourous, à défier toutes les barrières qui les séparent d’étendues herbeuses appétissantes, les ratons laveurs, à ouvrir des poubelles sécurisées[22].

Pourtant, le plus souvent, la présence des non-humains en milieu urbain dérange, fait désordre. Nous les percevons comme des intrus, cherchons à les éloigner ou à les faire disparaître. Les milieux urbains sont en grande partie conçus contre les animaux – le marché de la destruction des nuisibles est florissant, à tel point que se développe désormais la chasse urbaine.

Philippe Reigné, professeur de droit et cofondateur avec Amandine Sanvisens de PAZ, fait même le constat d’une dégradation progressive de l’image et de la situation des animaux liminaires à travers le monde[23]. Ainsi, si les pigeons au XIXe siècle sont encore perçus comme parfaitement innocents, dans les États-Unis des années 1960 ils commencent à être qualifiés de « rats volants », accusés d’être sales et porteurs de maladies. Se développe un sentiment de dégoût moral à l’égard des animaux liminaires. Dans le cas des rats notamment, ce dégoût survient lorsque ceux-ci circulent dans des espaces perçus comme réservés aux humain·es, les jardins municipaux ou les quais fluviaux.

Ainsi aujourd’hui, par facilité, par ignorance des alternatives et pour répondre à des motifs hygiénistes souvent questionnables ou à un simple « inconfort visuel[24] », les municipalités font appel aux dératiseurs et autres « services antinuisibles ». Les méthodes utilisées sont la plupart du temps extrêmement cruelles : anticoagulants et poisons appétants qui mettent plusieurs jours à tuer, pièges à colle qui poussent les animaux à se démembrer, gaz ou neige carbonique, explosions de terriers… Il s’agit d’un « système où la moindre gêne causée par les animaux liminaires aux humains peut déclencher des représailles d’une extrême violence[25] ».

Une organisation sociale non spéciste se doit au contraire de privilégier des méthodes non létales à chaque fois qu’une gestion de population d’animaux liminaires s’avère nécessaire. L’enjeu est de prévenir les conflits interespèces en visant le contrôle de la reproduction (vaccins contraceptifs, stérilisation) et en gérant de façon plus efficace les déchets alimentaires, dont la présence en grandes quantités favorise l’explosion démographique de certains animaux, particulièrement des rats. Pour reprendre la proposition du philosophe Baptiste Morizot à l’égard des animaux sauvages, sur laquelle je reviens plus bas, il s’agit de raisonner et d’agir en diplomate.

Voisiner avec les non-humains

Au-delà de l’interdiction de leur mise à mort, les besoins des animaux liminaires devraient être pris en compte dès la conception de l’espace public. Actuellement, « nos routes et nos allées n’en sont pas pour les animaux[26] ». Une voie d’amélioration consiste à rendre les espaces partagés plus inclusifs et adaptés aux différents usages, par exemple en opacifiant les parois de verre et les fenêtres des bâtiments pour éviter que les oiseaux ne les percutent en plein vol, ou en trouvant des solutions pour faciliter leur nichage[27]. Le Project Safe Flight de l’organisation Georgia Audubon à Atlanta (États-Unis) est un bon exemple de ce qui peut être mis en place pour éviter que des oiseaux n’entrent en collision avec des bâtiments urbains. L’entreprise française Nat’H fabrique quant à elle des « gîtes, abris, nichoirs en béton de bois, à intégrer ou non dans le bâti », conçues pour les mésanges, hirondelles, martinets, chouettes, chauve-souris, moineaux, lézards et rougequeues noirs. PAZ propose également de favoriser des plantations adaptées aux besoins nutritionnels des animaux liminaires[28].

Ce partage de l’espace demande de fines connaissances éthologiques : suivre nos intuitions anthropocentrées, aussi bien intentionnées soient-elles, nous conduira à commettre des erreurs potentiellement lourdes de conséquences. Il ne sera donc pas inutile de former des agent·es municipaux·ales chargé·es de ces questions. Par exemple :

Les hérissons ont besoin d’espaces calmes, de couloirs qui leur permettent d’accéder aux parcs ou aux jardins, de buissons sous lesquels ils construisent le nid dans lequel ils vont passer l’hiver. Une fois ces comportements mis au jour, les riverains doivent apprendre à éviter les clôtures enterrées trop profondément, à ne jamais perturber les hérissons quand ils sont dans leur nid, éventuellement à prévoir une végétation buissonnante adaptée[29].

Joëlle Zask va jusqu’à proposer une philosophie du voisinage avec les animaux liminaires, approche différente de celle de la cohabitation, trop intime en ce qu’elle implique un mode de vie et des usages communs. Pour la philosophe, l’enjeu réside dans le fait de trouver et de maintenir les « bonnes distances » :

Ce qui est ici décisif, c’est qu’on ne choisit pas ses voisins. Ils ne sont ni les membres de notre famille, ni de notre maisonnée, pas plus qu’ils ne sont nos amis. S’il arrive qu’ils le deviennent, ils perdent alors le statut de simples voisins. Les voisins ne se fréquentent généralement pas régulièrement. Dans la grande ville, ils ne se rencontrent qu’épisodiquement et s’ils se connaissent, c’est superficiellement. Leurs relations sont informelles et flottantes. Elles appartiennent au domaine peu exigeant des “liens faibles”. […] Les relations de voisinage nécessitent une logistique et des configurations spatiales bien précises. Il faut des lieux, non pas publics, mais communs, des lieux de rencontre, des lieux où se croiser sans buter les uns dans les autres, une liberté d’aller et venir à son rythme, éventuellement des endroits où s’installer momentanément. Il faut des marchés, des cafés, des petites places ; bref, une certaine disponibilité, non seulement des esprits, mais aussi des espaces[30].

La question de l’espace est en effet centrale. Lorsque, pendant le confinement, des renards ont délibérément choisi le cimetière du père Lachaise pour construire leur terrier et avoir leurs petits, leur présence a suscité des réactions pour le moins contrastées. Tandis que la mairie de Paris a indiqué vouloir les déplacer hors de la ville, PAZ a au contraire proposé que soit reconnue la légitimité de cet investissement du lieu. Car dans bien des cas, et particulièrement dans celui des animaux liminaires, les animaux « votent avec leurs pieds », c’est-à-dire qu’ils expriment leur conception de la vie bonne par leur choix de lieu de vie. Dès lors, seule une raison impérieuse peut justifier de les déloger, par exemple s’ils sont en danger imminent (incendies, inondations…) ou s’ils représentent un danger pour d’autres.

L’aménagement d’une coexistence possible peut reposer sur des dispositifs de questionnement tels que les animaux apportent eux-mêmes des éléments de réponse. Dans le cas des roussettes de Tel-Aviv, la protection d’espaces dédiées ne s’est pas faite en amont, mais en aval, consécutivement à leur installation. Les plages californiennes qui sont désormais réservées aux lions de mer sont une réponse à leur « décision » d’y venir pour y élever leurs petits. L’observation des emplacements que les animaux sélectionnent, de leurs déplacements, de leur territorialisme, de leur comportements vis-à-vis de leurs congénères, et de mille autres variables tangibles que les urbanistes et les riverains pourraient mettre à profit s’ils en avaient connaissance est une piste concrète pour penser l’intégration des bêtes [sic] sauvages dans un espace pluralisé[31].

L’approche diplomate et ses interprètes

Des solutions de cohabitation existent donc avec les animaux qui nous sont proches, membres de nos foyers, communautés et voisinages – dès lors que leur agentivité est prise en considération. Mais le rapport aux animaux sauvages doit lui aussi faire l’objet d’un traitement politique à part entière.

Lorsqu’on pense à ces derniers d’un point de vue antispéciste viennent en premier lieu à l’esprit les violences directes et intentionnelles que leur causent les humain·es (pêche, chasse, piégeage, captivité, etc.). Évidemment, ces nuisances directes doivent être interdites. Mais à nouveau, cela ne suffira pas. Que ce soit pour des motifs agricoles, industriels, d’infrastructures de transport et de communication (routes, voies ferrées, lignes électriques), environnementaux ou scientifiques (conservation, restauration, mesures, prélèvements), de très nombreuses activités humaines ont un impact plus ou moins indirect sur la vie des animaux sauvages – souvent négatif, à travers la dégradation, la réduction ou la pollution de leurs habitats. Dans ces cas, la réponse à apporter est moins évidente. Il est impossible de sanctuariser les espaces sauvages dans l’optique d’assurer aux animaux non humains une existence en autarcie, à l’abri de toute interférence humaine. Comme le rappellent Donaldson et Kymlicka, « l’immense majorité des animaux sauvages vivent ou se déplacent dans des régions directement influencées par les activités humaines[32] ».

Pour autant, ce n’est pas parce que nous sommes à l’ère de l’anthropocène que le concept de sauvage n’a plus de sens. Il y a toujours de multiples « formes de vie qui sont parmi nous par elles-mêmes[33] », c’est-à-dire qui sont en contact avec les infrastructures humaines mais qui conservent leur propre géopolitique, leur propre façon d’habiter le monde, et qui maintiennent donc une forme de singularité et d’indépendance à l’égard du monde humain. Comment mettre de la justice dans nos relations avec elles ?

Le philosophe Baptiste Morizot propose dans Les Diplomates une approche selon lui à même de « résoudre sans violence des problèmes de cohabitation entre communautés[34] » : la diplomatie interespèce. Dans ce cadre, « il ne s’agit plus de réguler, exterminer, apprivoiser, ou contempler, mais de négocier[35] ».

L’approche par la négociation fonctionne en identifiant les compétences diplomatiques de l’autre partie, ce qui doit permettre d’utiliser un répertoire commun pour lui faire parvenir des messages qu’elle peut décrypter et comprendre. Le malentendu est toujours possible et cela demande donc, comme pour les animaux domestiques et les animaux liminaires, une « finesse éthologique », c’est-à-dire la capacité d’appréhender les enjeux depuis le monde cognitif des êtres avec qui l’on cherche à négocier. Il s’agirait, dans le cas des loups par exemple, d’adopter un « raisonnement cynocéphale ». Parmi les compétences diplomatiques de ces carnivores sociaux se trouve leur sensibilité au concept de territoire et leur intelligence inductive, c’est-à-dire leur capacité à apprendre de leurs expériences. On sait également que les loups sont généralement néophobes. Tout cela peut être utilisé pour « poser des limites et signifier des interdits[36] », conditionner les loups à ne pas s’approcher des troupeaux, dévier leur intérêt et les dissuader durablement d’attaquer les moutons – notamment en installant des pièges non létaux ou des répulsifs olfactifs et sonores[37]. Des enjeux similaires se posent avec les étourneaux en Bretagne, les flamants roses en Camargue[38], les macaques à Singapour[39] ou encore les mouettes aux Pays-Bas[40], avec à chaque fois des solutions différentes à trouver, toujours conciliantes plutôt que va-t-en-guerre.

L’ouvrage de Morizot contient une « galerie des diplomates », quinze portraits de femmes et d’hommes dont les travaux ou les choix de vie se distinguent par leur attention portée à l’agentivité des autres animaux. Ces figures diplomates font directement écho à ce que la philosophe Eva Meijer nomme en 2013 les interprètes, dans sa propre théorie de la communication politique animale[41]. Les interprètes désignent celles et ceux qui maîtrisent plusieurs langages humains et animaux, qui peuvent initier et participer à des « conversations politiques » interespèces, et ainsi se faire l’intermédiaire entre différentes communautés humaines et animales.

Intervenir ou laisser faire ?

L’existence et les préoccupations des animaux sauvages ne se réduisent évidemment pas aux interactions avec les mondes humains, que celles-ci soient directes ou indirectes. Dans la nature, les animaux interagissent entre eux, vivent des moments de joie et de détresse, hors de toute observation et intervention humaine. La question peut dès lors se poser de notre devoir d’agir face aux souffrances d’origine non anthropique rencontrées par les animaux sauvages. En effet, la nature est loin d’être un paradis pour les animaux qui y vivent : beaucoup meurent très jeunes, avant même d’être en mesure de se reproduire, victimes de maladies, de parasites, d’accidents et de famine[42]. Pour reprendre les propos du systématicien et zoologiste français Guillaume Lecointre : « Les systèmes vivants sont altérés en permanence. Si vous les voyez réguliers, c’est qu’il y a des morts que vous ne voyez pas derrière. La régularité du vivant se paye au prix d’un vaste cimetière[43]. » Face à ces aléas, faut-il porter secours ou laisser faire ?

Quelle quantité d’efforts peut être exigée des humains face à la souffrance des animaux sauvages ? Sommes-nous dans l’obligation d’aider un animal uniquement lorsque cela ne coûte presque rien ou avons-nous la responsabilité de mettre en œuvre les moyens nécessaires même lorsque ceux-ci sont coûteux, et si oui, jusqu’où[44] ?

Donaldson et Kymlicka considèrent que dans la plupart des cas, et contrairement aux animaux domestiques, les animaux sauvages « ne veulent pas et n’ont pas besoin de l’assistance d’êtres humains préposés à l’interprétation et à l’expression de leur bien subjectif[45] » ; que c’est le principe de souveraineté qui doit primer[46]. Néanmoins, souveraineté et interventionnisme ne sont pas si opposés dans les faits, ce que reconnaissent pleinement les auteur·rices de Zoopolis :

C’est une erreur de penser que le respect de la souveraineté exige le respect inconditionnel d’un principe de non-interférence. Toutes les interventions humaines ne représentent pas une menace pour les valeurs d’autonomie et d’autodétermination. Certaines formes d’intervention positive permettent au contraire de les promouvoir[47].

Il reste que l’intervention en solidarité avec les animaux vivant dans la nature est une question compliquée, à la mise en œuvre délicate. D’autres échelles que celles de l’individu sentient[48] ont leur pertinence pour la mener à bien. Les animaux sauvages ne sont pas une « simple juxtaposition d’individus, dépourvus d’organisation sociale[49] », pas plus qu’ils ne peuvent être appréhendés de façon disjointe de leur environnement. Nous avons donc des raisons de souhaiter que les programmes d’assistance aux animaux sauvages n’érodent pas la capacité future de ces derniers à vivre dans des communautés souveraines et des environnements résilients, en veillant notamment à ne pas « zooifier » ces communautés, c’est-à-dire à ne pas créer des situations de dépendance continue et irréversible. Il s’agit d’éviter l’interférence constante, susceptible de créer de la vulnérabilité comme a pu le faire la « surdomestication » du pastoralisme ovin, via son action directe positive : contact permanent, choix de tous les aspects de l’existence, contrôle de la reproduction et sélection des traits désirables, qui créent des « ressources dociles » et fragiles[50].

Wild Animal Initiative (WAI) travaille au développement d’une telle approche précautionneuse de l’assistance aux animaux sauvages. L’organisation recommande de commencer par des interventions mineures, maîtrisées, informées et potentiellement réversibles : les projets pilotes à petite échelle permettent d’accumuler des connaissances en agissant de façon prudente. Dans cette perspective, WAI forme des alliances avec les milieux scientifiques déjà bien établis – comme l’écologie de la restauration et la conservation compassionnelle[51] – afin de développer un nouveau champ de recherche académique : la biologie du bien-être en milieu sauvage[52].

Morizot me semble proposer de façon similaire de « s’insérer dans l’histoire évolutive des relations écologiques pour en valoriser certaines plus que d’autres[53] », celles qui ne sont pas fondées sur la nuisance et la prédation.

Le pilotage est possible, car l’écologie scientifique a montré qu’il existe une grande plasticité des interactions écologiques : les prédations peuvent se muer rapidement en mutualismes, et inversement, en fonction des transformations du milieu. […] Les formes de la cohabitation avec une diversité ample ne sont pas données ni imposées par la nature. On peut toujours en inventer d’autres, comme le montre la permaculture qui crée des relations mutualistes entre des espèces qui n’ont pas forcément évolué ensemble. Les humains n’ont pas fini d’inventer toutes les relations mutualistes, potentialisantes, émancipatrices qu’ils pourraient concevoir à l’égard des espèces de leurs communautés biotiques, et de ce point de vue-là, aucun canon strictement naturel ne peut constituer une norme[54].

Ce pilotage ne consiste donc pas à prendre la nature comme guide moral, à souhaiter maintenir les milieux naturels dans un état de référence largement fantasmé. Il n’y a en effet ni ordre, ni équilibre, ni état primordial à maintenir ou recouvrer à tout prix. Il y a par contre des connaissances scientifiques à rassembler et à mettre au service de projets éthiques et politiques[55]. Dans cette perspective, il me semble qu’il ne s’agit pas tant de préserver la capacité des animaux sauvages à s’épanouir dans des communautés indépendantes et résilientes que d’organiser les milieux naturels pour que les animaux sauvages acquièrent ou approfondissent cette capacité.

Lièvres assoupis et souris repues

Nous ne savons pas encore à quoi ressembleront les contours d’une société post-abolition. Celle-ci sera co-construite avec les autres animaux, dès lors qu’ils seront reconnus comme des sujets politiques et que leur agentivité sera mieux prise en considération. Les catégories politiques humaines ne seront probablement pas satisfaisantes dans tous les cas, et c’est l’une des limites de Zoopolis, mais une version élargie de ces concepts est un bon point de départ pragmatique. Les mouvements antispécistes pourraient, en tout cas, être davantage organisés de façon à ce que les autres animaux puissent eux-mêmes proposer des réponses et des orientations.

Cette utopie est déjà à l’œuvre partout où l’agentivité animale est reconnue, favorisée et utilisée pour ajuster l’organisation sociale : au sein de la communauté multi-espèces que forme le sanctuaire VINE, lorsqu’une campagne de Paris Animaux Zoopolis aboutit et permet à des animaux liminaires d’occuper plus sereinement les espaces qu’ils ont choisi, lorsque nous sommes capables de négocier sans violence avec des communautés d’animaux sauvages et de leur venir judicieusement en aide.

Je terminerais en soulignant que faire ainsi de la politique et de la diplomatie interespèces ne pourra qu’enrichir notre conception de l’agentivité et de la politique humaines. Il existe des bénéfices considérables et pourtant insoupçonnés pour les humain·es au fait de prendre en compte les perspectives et les désirs des autres animaux. Cela nous encourage, voire nous contraint à nous intéresser aux individus tels qu’ils sont vraiment, avec leurs besoins, leurs spécificités, leurs vulnérabilités.

Alors les personnes s’assoient sur les bancs en bois et essaient de comprendre comment elles ont pu en arriver là. Elles se demandent aussi comment elles pourraient changer. En fait, elles regrettent beaucoup de n’avoir pas su écouter les enfants quand ils étaient encore au village… Pendant qu’elles réfléchissent en silence, tout doucement, des lièvres viennent brouter les trèfles frais dans les jardins, des pigeons s’installent dans les poulaillers à moitié cassés, et des souris visitent les clapiers aux portes ouvertes. Toute la nuit, tandis que chacun réfléchit, les animaux s’amusent dans les enclos abandonnés. Lorsqu’elles retournent à leurs maisons, quelle surprise de trouver dans les jardins des lièvres assoupis, des souris repues, et des pigeons endormis ! Mais personne ne les réveille… Depuis ce jour-là, les animaux et les gens du village vivent tranquillement au village. Le soir, tout le monde s’échange des nouvelles sur la place du village, partage des gâteaux et des fruits, s’amuse et chante[56] !

[1] « Il n’existe rien de tel que des « sans-voix ». La seule chose qui existe sont des êtres qui sont délibérément réduits au silence, ou qui sont volontairement ignorées. » (ma traduction)

[2] Je remercie chaleureusement Yves Bonnardel, Claire Camblain, Frédéric Côté-Boudreau, David Faucheux, Valéry Giroux, Noé le Blanc et Amandine Sanvisens pour leur précieuse relecture de ce texte.

[3] Voir à ce sujet la partie « Le différentialisme comme prescription d’une différence naturelle » de mon mémoire de master de sociologie (Université du Québec à Montréal, 2018) : « L’élevage comme rapport d’appropriation naturalisé : le cas du publispécisme ». Voir également D. OLIVIER, « Qu’est-ce que le spécisme ? » et « Les espèces non plus n’existent pas », Cahiers antispécistes, n° 5, 1992 et n° 11, 1994, et V. GIROUX, L’antispécisme, Que sais-je ?, 2020.

[4] F. BURGAT, Être le bien d’un autre, Rivages, 2018.

[5] E. UTRIA, Essai sur les droits des animaux, thèse de doctorat en philosophie, soutenue en 2016.

[6] S. DONALDSON et W. KYMLICKA, op. cit., p. 108 et p. 97.

[7] P. REIGNÉ et A. SANVISENS, « Protégeons les animaux “liminaires” qui vivent en liberté dans l’espace urbain », Le Monde, 07/08/2021.

[8] S. DONALDSON et W. KYMLICKA, op. cit., p. 20.

[9] Au sujet de la négation de l’agentivité politique et de l’exclusion du processus démocratique qu’elle induit, voir également Iris Marion Young (2000).

[10] F. CÔTÉ-BOUDREAU, « Les animaux luttent aussi », Ballast, vol. 8, n° 2, 2019, p. 90-101.

[11] E. MEIJER, « Interspecies Democracies», dans Animal Ethics in the Age of Humans (dir. B. BOVENKERK et J. KEULARTZ), 2016, p. 64 (ma traduction).

[12] S. DONALDSON et W. KYMLICKA, op. cit., p. 155-156.

[13] Dans le cadre de l’exploitation animale se déploient de multiples cas de résistance et de protestation animales. Voir à ce sujet J. HRIBAL, Fear of the Animal Planet. The Hidden History of Animal Resistance, AK Press/Counterpunch, 2010, et S. DONALDSON et W. KYMLICKA, op. cit., p. 165.

[14] E. MEIJER, op. cit., 2016, p. 66.

[15] Comme le rappelle Frédéric Côté-Boudreau, « la politique est affaire de vie courante plus que de Chambre des députés », op. cit..

[16] Frédéric Côté-Boudreau m’a cependant fait remarquer que « protéger peut être fait dans un cadre paternaliste où les animaux ne sont que des patients moraux », et que si l’on souhaite prendre au sérieux l’agentivité animale, il faudrait plutôt parler de « ministère de Représentation des animaux ».

[17] La conception interdépendante de l’agentivité et de l‘autonomie est particulièrement développée au sein des théories féministes. Voir à ce sujet le chapitre 5 de la thèse de doctorat en philosophie de Frédéric Côté-Boudreau, « Inclusive Autonomy: A Theory of Freedom for Everyone », 2019 (particulièrement la sous-partie « The Collective Support Behind Individual Autonomy »).

[18] C. E. BLATTNER, S. DONALDSON et R. WILCOX, « Animal Agency in Community: A Political Multispecies Ethnography of VINE Sanctuary », Politics and Animals, vol. 6, 2020.

[19] Ibid., p. 5.

[20] S. DONALDSON, dans La pensée végane (dir. Renan Larue), PUF, p. 481.

[21] E. REUS, « Quels droits politiques pour les animaux ? Introduction à Zoopolis de Sue Donaldson et Will Kymlicka », Cahiers antispécistes, n° 37, 2015, p. 43.

[22] J. ZASK, Zoocities. Des animaux sauvages dans la ville, Premiers Parallèles, 2020, p. 73.

[23] P. REIGNÉ, « Rats, pigeons, lapins… Ces animaux dont les villes ne veulent plus », Libération, 22/12/2016.

[24] La formule est utilisée sur le site de la Mairie de Paris, sur la page « La présence de nourriture est la raison principale de la recrudescence des rats », mise à jour le 25/03/2019.

[25] E. REUS, op. cit., p. 81.

[26] J. ZASK, op. cit., p. 123.

[27] Concernant l’espace public, des initiatives visant la réparation des injustices historiques et la compensation symbolique à l’égard des victimes du spécisme devraient aussi être envisagées, par exemple des monuments en leur mémoire. C’est l’une des revendications de Paris Animaux Zoopolis.

[28] Paris Animaux Zoopolis, « Animaux liminaires et alimentation : l’interdiction du nourrissage n’est pas acceptable », octobre 2021, PDF consultable en ligne.

[29] J. ZASK, op. cit., p. 168-169.

[30] Ibid., p. 161-163.

[31] Ibid., p. 121-122.

[32] S. DONALDSON et W. KYMLICKA, op. cit., p. 98.

[33] B. MORIZOT, Les Diplomates. Cohabiter avec les loups sur une autre carte du vivant, Wildproject, 2016, p. 87.

[34] Ibid., p. 30.

[35] Ibid., p. 37.

[36] Ibid., p. 34.

[37] Ibid., p. 97-99.

[38] R. MATHEVET et A. BÉCHET, Politiques du flamant rose. Vers une écologie du sauvage, Wildproject, 2020.

[39] J.-H. YEO et H. NEO, « Monkey business: human–animal conflicts in urban Singapore », Social & Cultural Geography, vol. 11, n° 7, p. 681-699, 2010.

[40] E. MEIJER, op. cit., 2016, p. 64-65.

[41] E. MEIJER, « Political Communication with Animals », Humanimalia, vol. 5, n° 1, 2013.

[42] Voir le travail de l’organisation Animal Ethics.

[43] Voir à ce sujet la conférence « La sélection naturelle, un concept audacieux », disponible sur YouTube.

[44] V. MARIS et É. HUCHARD, « Interventionnisme et faune sauvage », Les ateliers de l’éthique / The Ethics Forum, vol. 13, n° 1, 2018, §10.

[45] S. DONALDSON et W. KYMLICKA, op. cit., p. 247.

[46] Certain·es théoricien·nes des droits des animaux, comme Tom Regan, considèrent qu’il faut laisser les animaux sauvages « vivre en paix ». On peut se demander si cette formule a du sens dans le cas d’animaux sauvages dont la vie est remplie de souffrances.

[47] S. DONALDSON et W. KYMLICKA, op. cit., p. 251.

[48] La sentience désigne la capacité d’éprouver des choses subjectivement, d’avoir des expériences vécues.

[49] Ibid., p. 244.

[50] B. MORIZOT, op. cit., p. 74-76.

[51] Voir, au sujet de la conservation compassionnelle, l’article de Clément Cesbron paru dans L’Amorce : « Ne plus tuer au nom de la nature. Débats autour de la compassion au sein des sciences de la conservation », 2021.

[52] A. PLAYOUST BRAURE, « Incertain n’est pas insoluble. Le rôle de la biologie du bien-être dans le projet d’assistance aux animaux sauvages », conférence donnée lors des Estivales de la question animale 2021.

[53] B. MORIZOT, op. cit., p. 282.

[54] B. MORIZOT, op. cit., p. 281 et p. 283.

[55] Y. BONNARDEL, « En finir avec l’idée de Nature, renouer avec l’éthique et la politique », Les Temps Modernes, mars-juin 2005.

[56] C. GUYARD, L’Arche spatiale, « Brochure pour nenfants et autres êtres sensibles », La Criée, date inconnue.