“Leave the oil in the soil, the coal in the hole, and the tar sand in the land” est l’un des slogans les plus entendus à Copenhague. Il ne s’agit pas que d’une revendication environnementale : elle s’appuie sur des luttes sociales, violemment réprimées.

La semaine passée (NDT : la première semaine de décembre), la région de Piura dans le nord-ouest du Pérou a été le témoin de violences policières qui ont fait deux morts parmi la population. Des responsables politiques locaux exigent l’ouverture d’une enquête approfondie tout en appelant les parties au dialogue.

Mercredi 2 décembre dans l’après midi, Vincente Robledo Ramirez – 55 ans, père de huit enfants – et Castulo Correa Huayama – 36 ans, père de six enfants – ont été tués lors d’affrontements entre la police nationale et des paysans. Six d’entre eux ont été blessés et deux autres arrêtés. La police a indiqué qu’elle comptait plusieurs blessés dans ses rangs, sans autres précisions.

Le week-end suivant, plus de deux mille personnes se sont rassemblées pour pleurer les deux victimes. Huancabamba, théâtre des affrontements, est une province rurale éloignée de tout, où les paysans s’opposent depuis six ans au projet d’exploitation d’une mine. Situé dans la zone de Rio Blanco, le gisement est la propriété d’une entreprise sino-britannique composée du consortium chinois Zijin, majoritaire, et de la société britannique Monterrico Metals.

Le fils de Vincente Robledo Ramirez, Juan Amancio Romero, a demandé aux autorités d’ouvrir une enquête. En outre, il les a exhortées à respecter la décision du peuple qui s’oppose à l’exploitation de la mine ainsi qu’aux activités d’une ONG, considérée comme proche du consortium, et dénonce l’intervention de la police.

Le FDSFNP – front pour le développement durable de la frontière nord du Pérou, une coalition de responsables des communautés locales opposées à la mine – a également réclamé des investigations tout en réitérant sa « volonté de dialoguer » avec le gouvernement.

Ces faits portent à sept le nombre des morts dans la région. Le premier novembre, deux gardes et le directeur de la mine avaient été tués par des individus non identifiés pendant une attaque armée qui fait actuellement l’objet d’une enquête. En 2004 et 2005, deux paysans avaient été tués lors de la répression de manifestations.

Selon Defensoria del Pueblo – un organe étatique pour la défense des droits fondamentaux des citoyens – la police a indiqué que les évènements de la semaine passée se sont produits lors de l’arrestation de Lorenzo Roja, dans la zone de la communauté de Cajas Canchaque. Le chef de la police régionale, Walter Rivera, a expliqué que cette arrestation s’inscrivait dans le cadre des enquêtes sur l’attaque de novembre contre le site minier, précisant que les personnes impliquées avaient refusé de coopérer. Le président de la communauté paysanne Servando Aponte a contredit la version de la police. Arrivés sur les lieux sans mandat d’arrêt, les policiers se sont comportés, selon lui, avec arrogance. Les voisins de Lorenzo Roja sont alors intervenus pour lui porter secours.

Depuis six ans, le projet, à Rio Blanco, d’une mine de cuivre et de molybdène à ciel ouvert rencontre l’opposition des communautés paysannes qui redoutent un impact sur les ressources en eau et sur leurs activités agricoles dans toute la zone drainée par le cours d’eau. La société minière n’est jamais parvenue à obtenir l’approbation des deux tiers des assemblées locales, indispensable pour démarrer l’exploitation. Le 16 septembre 2007, trois districts ruraux de Huancabamba et Ayabaca ont participé à un référendum populaire et ont réaffirmé leur opposition, la majorité ayant voté contre toute activité minière dans la région.

Les premières tentatives de dialogue ont été interrompues en raison du refus du gouvernement de prendre en compte les résultats du référendum de 2007. Depuis, plus de trois cents responsables locaux ont dû se défendre contre diverses procédures judiciaires qu’ils considèrent comme un véritable harcèlement politique en raison de leur rôle dans l’organisation du référendum. Récemment, suite à l’attaque contre le site minier, les tensions se sont intensifiées. Les opposants à son exploitation sont devenus la principale cible de l’enquête policière.

Une seule piste

Selon Javier Jahncke, de la Fedepaz – fondation oecuménique pour le développement et la paix qui participe à un réseau national prônant un usage durable des ressources naturelles ainsi que la défense des droits des communautés indiennes et des populations rurales – dans ses investigations sur l’attaque du site, la police n’a retenu qu’une seule piste : celle des paysans.

Le lendemain de l’attaque, le FDNSFNP – front pour le développement durable de la frontière nord du Pérou – avait présenté ses condoléances aux familles des victimes et exigé une enquête approfondie. D’après l’ONG britannique de soutien au peuple péruvien, Peru Support Group, Monterrico Metals s’était montrée « prompte à se distancier de toute accusation portée contre des groupes appartenant aux communautés locales, remerciant ces mêmes communautés d’être venues en aide aux employés de la mine qui s’étaient enfuis lors de l’attaque ».

Jahncke s’est dit préoccupé par le fait que la police se focalise sur l’implication des opposants à la mine, excluant toute autre piste. Ainsi, selon lui, d’autres scénarios tout aussi plausibles ont été ignorés : tentative de braquage, représailles suite à un conflit entre des employés, etc. Il souligne qu’il n’a eu accès à aucune des preuves sur lesquelles la police affirme travailler.

Une membre du Congrès, originaire de la région de Piura, a également recueilli des témoignages selon lesquels la police aurait détenu et torturé des membres des communautés locales afin d’obtenir des aveux dans le cadre de cette enquête.

Jahncke s’interroge également sur les récentes violences au moment où un juge de la Cour suprême britannique vient de confirmer la décision de geler les avoirs de Monterrico Metals, dans le cadre d’un procès intenté contre cette société par vingt-neuf hommes et femmes de la région de Piura, ayant présenté un « dossier fort défendable », concernant des cas de tortures qui ont eu lieu sur le site de la mine de Rio Blanco en 2005.

« Ce procès a sérieusement écorné l’image de Monterrico Metals et par extension, de Zijin », commente Jahncke. Il se pose donc la question de la manière dont les dernières violences en date seront utilisées. Les paysans victimes de cette situation pourraient être les mêmes que ceux qui ont eu recours à la justice britannique pour pouvoir être entendus, puisqu’un tel procès n’est pas prêt de débuter dans leur pays ».

Craintes d’une militarisation

Aussi, Jahncke considère-t-il ces violences comme un moyen d’assurer la mise en œuvre de l’exploitation de la mine, « quel qu’en soit le prix ». Il craint que le gouvernement ne veuille donner l’image d’une population rurale « ingérable et violente » pour « justifier la militarisation de la région ».

Quelques jours à peine après l’attaque du gisement, le premier ministre Péruvien Velásquez Quesquén a annoncé lors d’une réunion où Jian WU – le directeur général du consortium Zijin – était présent, que le gouvernement étudiait la possibilité d’installer un camp militaire dans la région.

Cependant, Jahncke estime que « ces conflits ne se résoudront pas grâce à une protection militaire des activités minières. Cela ne ferait que jeter de l’huile sur le feu, générant une situation encore plus conflictuelle et augurant le pire ».

Plus généralement, il s’inquiète de ce que le gouvernement continue à apporter son appui au Consortium « au détriment des droits à la propriété des communaut
és locales ».

« Tant que cette situation sera perçue comme privilégiant les droits de quelques-uns au détriment des droits du plus grand nombre, droits légitimes bafoués depuis des années, le problème ne sera pas résolu, conclut-il. Nous continuerons à être témoins d’autres décisions allant à l’encontre des droits des communautés locales et le conflit ne cessera de s’envenimer. C’est la dernière chose que nous souhaitons. Espérons qu’il en soit de même pour le gouvernement ».

Source : http://upsidedownworld.org/main/con…

(traduction par Nicolas Haeringer, révisée par Sylvie Le Bras, dans le cadre du projet www.m-e-dium.net)