DOSSIER GRENELLE “OGM”. Ancien secrétaire national des Verts de 2003 à 2005, Gilles Lemaire revient sur ses satisfactions et déceptions au lendemain du Grenelle de l’Environnement. 21 novembre 2007.
Quel bilan général tirez-vous du Grenelle de l’Environnement ?
Sur la question des OGM, je ne boude pas mon plaisir. Sur les autres thématiques, les résultats sont plus douteux. Concernant le bâtiment, la perspective d’un « New deal » permet sans nul doute au patronat d’y trouver son compte. Par contre, on peut être déçu que la PAC (Politique Agricole Commune) ou les questions internationales n’aient pas été discutées, que le nucléaire n’était pas été « négociable ». Les mesures financières et les décrets d’application suivront-ils ?
Alors pourquoi une avancée sur les OGM et pas sur les autres questions, notamment agricoles ?
Il y a sans doute eu des marchandages entre le gouvernement et la FNSEA au détriment d’autres questions agricoles, mais personne ne peut nier le fait que, sur les OGM, une avancée significative a été arrachée. Sur les pesticides, par contre, en obtenant l’ajout dans le discours du président Sarkozy de la mention « si possible », la FNSEA a clairement réussi à réduire la portée de la mesure qui visait une réduction de 50 % de leur utilisation dans le délai de 10 ans.
Pour en revenir aux OGM, ils suscitent une mobilisation permanente depuis dix ans et ils représentent un point emblématique pour des organisations comme Greenpeace ou les Amis de la Terre qui ont participé à ce Grenelle. Tout en étant lucide sur le caractère favorable de la conjoncture (puisque, du point de vue économique, les OGM ne représentent pas grand-chose et la montée récente des prix des céréales a sûrement calmé les ardeurs des céréaliers), il faut se satisfaire du fait que les participants aient décidé de discuter cette question, de reconnaître les risques qui lui sont associés et donc de proposer des mesures adéquates pour y pallier.
Mais si la question des OGM ne se posait qu’en termes de discussion entre acteurs concernés, ne pensez-vous pas qu’elle aurait pu être traitée hors du cadre d’un Grenelle, censé aborder toutes les questions relatives à l’écologie ?
Le Grenelle de l’Environnement se situe dans un cadre politique et social qui caractérise la France d’aujourd’hui. La décision sur les OGM aurait-elle pu être obtenue autrement ? Peut-être mais ce n’est pas le plus important.
Comme je l’ai dit plus haut, je suis satisfait du résultat sur les OGM même si il y a de quoi être déçu par rapport aux autres thématiques. Il est important d’engranger des résultats concrets, même si celui-là ne fait pas de la France un pays pionnier qui sort de l’agriculture industrielle.
Assiste-t-on, selon vous, à une dépolitisation de la question écologique ?
La première chose à retenir c’est qu’à travers ce Grenelle, il y a eu débat sur le bilan de la situation et sur les mesures à prendre entre cinq partenaires différents : l’État, les collectivités locales, les ONG environnementales, les syndicats de salariés et le patronat.
C’est complètement inédit ! C’est un processus qui a obligé l’ensemble des acteurs à parler de la même chose, à souvent faire les mêmes constats et à débattre des mesures à prendre. On est d’accord sur le constat et sur l’urgence de la situation mais on n’est pas d’accord sur les moyens d’y répondre. C’est donc très positif sur le plan politique puisque ça oblige les différents acteurs à prendre position et à exprimer des choix politiques divergents, mais parfois aussi convergents, sur les mêmes questions. C’est donc une manière éclatante de redonner vigueur au débat politique sur les questions écologiques.
Quelle est la place des acteurs associatifs qui n’ont pas été invités ou qui ont refusé de participer au Grenelle ?
Ce choix leur appartient. C’est la perpétuelle contradiction entre révolutionnaires et réformistes. Moi, personnellement, je me considère comme un réformiste radical.
La question se pose différemment pour le réseau Sortir du Nucléaire. À partir du moment où il n’était pas question d’envisager la sortie du nucléaire, refuser d’aller discuter de l’énergie était tout à fait défendable.
Je comprends la position des décroissants lorsqu’ils défendent le caractère non négociable de l’écologie. Là encore, c’est une posture politique et stratégique. Mais à partir du moment où l’on se positionne dans le champ du réformisme radical c’est qu’on ne s’inscrit pas dans cette logique. La question aux décroissants c’est : quelle stratégie adopter pour que les choses changent ?
Ces divergences stratégiques vont-elles laisser des traces dans le mouvement écologiste français ?
Je ne pense pas. Il y a toujours eu et il y aura toujours des discussions sur le plan de la stratégie à adopter. Mais le dialogue et l’obligation de dialogue restent. Les débats et les mobilisations rassemblant tous les écologistes sont et resteront une nécessité pour faire avancer les questions environnementales.
Si l’on revient aux OGM, quelle sera la suite à donner au mouvement des Faucheurs Volontaires ?
Il est certain que si aucun OGM-pesticide n’est cultivé à l’avenir, les fauchages n’auront plus lieu d’être. Mais n’oubliez pas que les motivations des faucheurs volontaires ne se réduisent pas à la question des OGM ; ils veulent une agriculture saine, de proximité, respectueuse de l’environnement, permettant d’autres rapports Nord Sud… Tous ces combats sont loin d’être finis. Alors le collectif des faucheurs disparaîtra peut-être mais les militants resteront et se retrouveront sur d’autres terrains de lutte.
De plus, en ce qui concerne les OGM, la vigilance restera de mise tant que la loi n’aura pas été écrite et votée. Les Faucheurs Volontaires participeront aux débats autour de cette loi. En ce qui concerne le calendrier, Nathalie Kosciusko-Morizet (Secrétaire d’État à l’Écologie) nous a annoncé qu’elle ferait son possible pour qu’une première lecture ait lieu au cours du mois de janvier ; il y a un sérieux doute que le gouvernement soit prêt à temps et, en tout cas, la deuxième lecture n’aura lieu qu’au printemps, dans le meilleur des cas. C’est pourquoi les Faucheurs resteront très présents sur cette question dans les mois à venir.
Le premier pas consiste à ce que la France dépose sa demande d’application de la clause de sauvegarde auprès de la Commission européenne. Cette clause permettra de suspendre l’autorisation de culture commerciale du MON810 qui est actuellement le seul maïs OGM autorisé à la culture en France. Le 9 novembre, à l’occasion d’une rencontre avec des représentants des Faucheurs Volontaires, de Greenpeace, de la Confédération paysanne et des Amis de la Terre, Nathalie Kosciusko-Morizet a affirmé que la demande serait faite dans les quinze jours. Aucun OGM-pesticide commercial ne pourra être semé au printemps 2008 puisqu’il faudrait que la France, auparavant, redépose une deuxième demande auprès des instances européennes avec un argumentaire qui remette en cause celui qu’ils auront eux-mêmes précédemment avancé pour obtenir la clause de sauvegarde.
Et en ce qui concerne les actions judiciaires en cours ?
Nous sommes toujours condamnés. José Bové est toujours sous le coup de 4 mois de prison ferme. Ce qui est d’ailleurs aujourd’hui totalement absurde puisqu’il est déjà condamné – à Toulouse – pour le fauchage d’un essai de maïs, le BT11, que le Commissaire européen propose désormais d’interdire. Le commissaire européen à l’environnement, Stavros Dimas, en se fondant sur de nouvelles études scientifiques, considère que cette variété de maïs OGM ne présente pas toutes les garanties d’innocuité environnementale. Donc, nous le clamons : la condamnation de José Bové n’a plus lieu d’être puisqu’il a agi contre un essai de maïs que l’on propose désormais d’interdire !
De plus, au vu des déclarations du Grenelle, nous demandons une amnistie à l’égard des personnes condamnées. Tous les recours juridiques ont été faits : l’amnistie est la seule solution. Même si notre action est illégale aux yeux du droit français, elle était légitime hier, et cette légitimé est encore plus manifeste aujourd’hui.
Concernant les demandes de dommages et intérêts (notamment ceux réclamés par Biogemma), nous demandons à l’État, qui a les moyens de mettre la pression sur les firmes semencières, de prendre ses responsabilités.
Propos recueillis par Édouard Morena