Recension de : Entrer en pédagogie antiraciste. D’une lutte syndicale à des pratiques émancipatrices
Entrer en pédagogie antiraciste. D’une lutte syndicale à des pratiques émancipatrices est un ouvrage collectif coordonné par la commission antiraciste de SUD Éducation 93. Publié par SHED publishing en septembre 2023, ce livre propose une réflexion sur la reproduction des schémas racistes existants et sur la conception d’« une école de la transformation sociale » (p. 23). Ainsi, les 23 contributions, écrites par un·e ou plusieurs auteurs/trices, proviennent soit de la communauté éducative, soit du monde de la recherche. Chacune de ces contributions offre, avec un angle différent, un bilan approfondi de la réalité du racisme systémique prévalent dans le milieu scolaire, tout en proposant une réflexion sur les pratiques et les contenus éducatifs.
J’aborderai ci-après les trois thèmes suivants : appréhender le racisme dans le système éducatif français, agir à travers les pédagogies critiques et œuvrer collectivement (avec les syndicats, les parents, etc.). Étant donné que l’enchaînement des chapitres ne parait pas suivre une logique particulière, j’ai regroupé certains chapitres qui abordent des thèmes similaires. Cette recension ne cherche pas à résumer l’intégralité du livre, mais plutôt à mettre en lumière les arguments qui apportent des réponses à la problématique énoncée.
Appréhender le racisme dans le système éducatif français
Tout d’abord, l’ouvrage présente la réalité du racisme systémique dans l’éducation, défaisant l’idée d’une école exempte de discriminations. Il explore aussi les manifestations du racisme, met en lumière les défis auxquels sont confronté·es les membres racisé·es de la communauté éducative, et souligne la complexité des rapports de race, tout en notant les obstacles auxquels font face les sciences sociales pour étudier ces phénomènes.
Le chapitre 8, L’école de la périphérie. Un contexte propice à l’analyse intersectionnelle, écrit par Francine Nyambek-Mebenga, explore le racisme en tant que système de domination, mettant en avant les processus de racialisation et de racisation[1], « autrement dit : le fait d’assigner aux individuës[2] et à des groupes une catégorie explicitement ou implicitement raciale […], pour les dominer ou les exploiter, pour les exclure ou les combattre. » (p. 116). Ainsi la race est, comme le sexe ou la classe, un rapport social de pouvoir structuré par des catégorisations qui définissent nos interactions quotidiennes. Par conséquent, « le racisme […] fabrique la race et non l’inverse. » (p. 116).
Les auteurs/trices, telles que Nacira Guénif et Myriam Cheklab, exposent la nature systémique du racisme, soulignant le rôle crucial de l’école dans sa perpétuation. En effet, dans le chapitre 1, Qu’est-ce qu’unxe élève raciséëe ? Ancrage sociologique et contextualisation, Nacira Guénif explique en quoi les processus de scolarisation et de racisation s’effectuent en parallèle. Cette conjonction altère, exclut et prive les élèves racisé·es d’une partie de leur identité, les appréhendant comme non conformes au système éducatif. Parallèlement, Myriam Cheklab, dans le chapitre 12, Pour des pédagogies décoloniales. Pistes pour se défaire de la colonialité à l’école, met en lumière les racines coloniales de l’École républicaine. Elle constate également les ruptures avec « leur culture, […], leur histoire, […] leur communauté, […] leur langue » (p. 193) produites par l’institution et subies par les personnes racisées.
Pour étayer ce constat, les chapitres 4, La question de l’islamophobie au sein de l’Éducation nationale, écrit par Marwan Muhammad, et 16, Pour une vie scolaire sans racisme, basé sur un entretien entre la commission antiraciste de SUD Éducation 93 et une conseillère principale d’éducation (CPE), décrivent des phénomènes de racisme observés dans les établissements. Précisons que le chapitre 4, contrairement au chapitre 16, se focalise sur une forme particulière de racisme : l’islamophobie. Dans ce chapitre, Marwan Muhammad examine la manière dont l’État exclut les personnes assignées comme musulmanes, en conditionnant l’accès à l’éducation, notamment à travers la loi de 2004, dont les effets néfastes sont discutés. Il met en lumière les actions du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) en la matière. Le chapitre 16 offre un témoignage sur la présence du racisme ordinaire, plus ou moins visible, au sein d’un établissement scolaire.
Le racisme dans le système scolaire ne se limite pas aux élèves, mais affecte également les membres de la communauté éducative racisé·es. Le chapitre 19, Les travailleurës précaires non-blanchës de l’enseignement. Analyse et témoignages d’AED, d’une AESH et d’une enseignante contractuelle, coécrit par Lola Ondikwa, SDSR, Nãna et D., se concentre principalement sur les conditions des travailleurs/euses précaires non blancs/ches de l’Éducation nationale. Il recueille les témoignages d’un·e AED (Assistant·e d’éducation), d’une AESH (Accompagnante des élèves en situation de handicap) et d’une enseignante contractuelle. Tous/tes décrivent la précarité de leur situation, exacerbée par un racisme latent. Par exemple, dans ce chapitre, Nãna, une ancienne enseignante contractuelle, relate son parcours et détaille comment l’Éducation nationale et ses collègues l’ont renvoyée en permanence à une forme d’altérité, ceci s’ajoutant à sa précarité professionnelle. Elle décrit son épuisement, les raisons de sa démission et le long processus de reconstruction à la suite de ces violences racistes. Par ailleurs, dans le chapitre 20, Cultiver notre « reste à vivre ». Ou comment se protéger stratégiquement du racisme en milieu scolaire, Marie Dasylva expose la solitude et l’épuisement éprouvés par les individu·es racisé·es face à un système éducatif raciste.
Bien que la présence d’un racisme systémique dans le système scolaire ait été établie, comme indiqué dans le chapitre 7, Parcours scolaires, orientations et discriminations ethnoraciales écrit par Ugo Palheta, « formuler l’hypothèse d’une discrimination ethnoraciale systémique au sein de l’école française » reste difficile (p. 103), contrairement aux discriminations de classe et de sexe. Affirmer l’existence de discriminations ethnoraciales au sein de l’école se heurte à plusieurs obstacles, notamment l’idée d’égalité des chances et la responsabilité imputée aux personnes racisé·es pour leur échec scolaire. En parallèle de ces constats, le chapitre 9, Racisme à l’école. Entre déni de l’institution et ambivalence de la sociologie, écrit par Fabrice Dhume, explore la dimension antiraciste à l’école, depuis les années 1990. Il analyse lui aussi comment l’institution scolaire nie et externalise les discriminations raciales, en attribuant la responsabilité des inégalités subies aux individus.
Enfin, les chapitres 7, 8, 9 et 14 soulignent les défis auxquels font face les sciences sociales pour aborder les rapports de race. Fabrice Dhume, dans le chapitre 9, montre que, bien que le phénomène du racisme scolaire ait fait l’objet de dénonciations dans la recherche au cours des années 1970-1980, sa critique s’est affaiblie par la suite. En outre, dans le chapitre 14, Inégalités scolaires : race ou classe ?, Mélissa Pandor-Margulis revient sur la législation sur les statistiques ethniques[3], laquelle entrave l’étude des effets de la race. Même s’il reste difficile de récolter des données sur le racisme pour les étudier, de plus en plus d’études[4] permettent de mettre en lumière les rouages de ce système. Les travaux mentionnés, tant quantitatifs que qualitatifs, mettent en évidence les conséquences négatives de la race sur la scolarité des élèves racisé·es. Cette professeure de français explore le concept de race et met en évidence l’impossibilité d’échapper à la catégorisation raciale et à ses effets. Elle explique que les opportunités des élèves racisé·es ne changent pas en fonction de leur origine sociale.
Agir en utilisant les pédagogies critiques…
Ainsi, après avoir exploré la multidimensionalité du racisme dans le système éducatif français, l’ouvrage offre des outils et des techniques issus des pédagogies critiques pour aborder ces problématiques.
Tout d’abord, dans les chapitres 3, 5, 6, 10, 11, 12, 13, 15, 17 et 18 présentant des approches pédagogiques antiracistes, les mêmes éléments clés que ceux des pédagogies critiques sont utilisés. Cela inclut la pédagogie dialogique, la valorisation des expériences individuelles, la création d’un safe space, la connexion entre la théorie et la pratique, la transformation des savoirs et de leur mode de transmission, ainsi qu’une modification de la posture enseignante[5].
Ces différents chapitres s’inscrivent dans une approche pédagogique commune, celle de la pédagogie dialogique. Ces pédagogies partagent l’objectif de créer un espace structuré favorisant les échanges et la confrontation d’idées, tout en mettant en avant la valorisation des expériences individuelles et la promotion d’une écoute mutuelle. En effet, le chapitre 17, Faire circuler bell hooks en montant un club égalité dans son établissement écrit par Manel Ben Boubaker et Maliga Tony-Nyemb, présente la création d’un club de l’égalité, inspiré de bell hooks. Son objectif est de fournir un espace en dehors des programmes officiels pour permettre des réflexions et des actions collectives, en mettant l’accent sur la valorisation des expériences individuelles et en favorisant l’écoute mutuelle, le tout dans un cadre structuré. Aussi, le chapitre 18, Un CDI inclusif dans l’intérêt des élèves des quartiers populaires. Point de vue d’une professeure documentaliste écrit par Hanane Ameqrane, présente le CDI (Centre de Documentation et d’Information) comme un safe space dont l’objectif est de favoriser la liberté d’expression des élèves, en les encourageant à s’exprimer librement, tout en se détachant des stéréotypes.
Néanmoins, l’utilisation d’une pédagogie dialogique, qui a pour double objectif la liberté d’expression et la protection des élèves présent·es, peut présenter des limites. Une totale liberté de parole des élèves pourrait par exemple conduire à l’émergence de discours racistes. À cette interrogation, Karim Bettayed et Houyem Rebai apportent une réponse, dans le chapitre 3, Construire une pédagogie antiraciste pour les plus petitxes. En effet, lorsque des discours ou actes racistes arrivent dans leur classe, ces enseignant·es choississsent de prendre un temps pour en discuter avec leurs élèves. Un des objectifs de Karim Bettayed et Houyem Rebai est d’essayer de faire comprendre que le racisme est systémique plutôt qu’individuel. En plus d’une discussion, ces enseignant·es expliquent qu’il est important de prendre au sérieux ces évènements et d’en discuter avec la direction et les parents. Ceci vise à sensibiliser l’élève auteur/trice sur la gravité de ces actes ou paroles et à effectuer un travail de coéducation sur ce sujet.
Cet ouvrage explore également les approches pédagogiques critiques qui s’appuient sur les principes des savoirs militants[6] pour remettre en question les biais et les lacunes dans l’éducation.
Ainsi, lorsqu’il s’agit de parler du racisme en classe, Maliga et Sol, dans le chapitre 6 Parler de racisme et de rapports sociaux de race aux adolescentxes, abordent la question de la légitimité des enseignant·es blancs/ches à discuter du racisme, proposant des approches concrètes. Elles suggèrent que plutôt qu’un problème de légitimité, il s’agirait davantage d’un tabou autour de la race, engendrant un inconfort à traiter cette problématique. À un sentiment d’illégitimité s’ajouterait l’idée que le racisme incombe surtout aux « concerné·es ». Maliga et Sol expliquent qu’une façon possible d’aborder cette question pour les enseignant·es blanc/ches pourrait être de discuter du privilège blanc. Toutefois, Maliga et Sol insistent sur l’idée que discuter du racisme en classe ne présente un intérêt que si les catégories et leurs effets sont au cœur de la réflexion. Aussi, Karim Bettayed et Houyem Rebai (chapitre 3), tout comme Maliga et Sol, mettent en avant la nécessité pour les enseignant·es de maitriser le vocabulaire lié aux discriminations raciales, dans le but de permettre aux élèves d’aborder de manière autonome ces questions. Saïd Bouamama, dans le chapitre 10, intitulé Pour une pédagogie prenant les élèves comme iels sont et non comme iels devraient être, souligne également que la maîtrise du vocabulaire est cruciale pour éviter la stigmatisation et, par conséquent, la réalisation de la « prophétie autoréalisatrice » (p. 146). En effet, la prophétie autoréalisatrice se manifeste lorsque les attentes formulées, souvent à travers le choix du vocabulaire, influencent le comportement d’une manière qui confirme ces attentes.
Par ailleurs, cet ouvrage souligne l’importance de repenser les savoirs enseignés. Pour ce faire, Karim Bettayed et Houyem Rebai (chapitre 3) mettent en valeur la culture des élèves et des parents, tandis que d’autres, comme Saïd Bouamama (chapitre 10) et Manel Ben Boubaker (chapitre 11), explorent la nécessité de décoloniser les savoirs. Manel Ben Boubaker, dans le chapitre 11 Technique d’enseignement décolonial en histoire-géographie, expose ses réflexions sur l’enseignement de l’histoire et la géographie du point de vue des groupes dominés, fournissant des suggestions pratiques et un glossaire décolonial clair. Elle décrit également les obstacles rencontrés au sein de l’Éducation nationale en ce qui concerne l’adoption de cette approche dans les programmes scolaires. Le chapitre 3 souligne la nécessité de développer des supports et des outils théoriques sur la construction des savoirs, en raison du récit colonial prévalent dans les manuels scolaires. Néanmoins, les élaborer peut être une tâche longue et complexe.
Enfin, reconsidérer la posture enseignante et engager des réflexions sur sa propre position revêt une importance cruciale dans le contexte des pédagogies critiques, et c’est également ce que propose cet ouvrage. Dans le chapitre 10, Saïd Bouamama explore la question de la pratique pédagogique dans un contexte « de décalage social entre unxe enseignantxe et ses élèves. » (p. 139). Ce sociologue met en avant la « posture d’engagement pour l’égalité » (p. 143), dont le but est de susciter une pensée critique chez les élèves et surtout placer la confiance et la crédibilité au cœur de la relation pédagogique. Pour cela, l’enseignant·e doit notamment se positionner « contre les inégalités et les discriminations, puis contre les réécritures idéologiques de l’histoire » (p. 143).
…et œuvrer collectivement.
Cette section explore un aspect essentiel des pédagogies critiques abordé dans le livre : l’action collective en tant que moyen de lutte et de transformation sociale. L’ouvrage discute de diverses formes d’action collective, telles que l’ouverture de l’école et la promotion de la cohésion entre les membres du personnel éducatif et les syndicats. Cependant, il souligne également que ces initiatives sont souvent entravées par l’intervention de l’État. Par ailleurs, il met en évidence l’importance du bien-être individuel des personnes racisées pour que l’action collective soit efficace en matière de lutte contre le racisme.
Certain·es auteurs/trices insistent sur le lien crucial entre l’équipe pédagogique, les élèves, les parents ; et d’autres mettent en lumière l’importance de l’ouverture de l’école vers des partenaires culturels.
L’alliance et les stratégies d’auto-protection contre le racisme, entre le personnel éducatif et les élèves sont évoquées dans le chapitres 19 et 3. Lola Ondikwa, travaillant comme AED, souligne la « politique répressive des corps racisés dans l’éducation » (p. 288) et les stratégies adoptées par certain·es membres du personnel pour contourner ou repousser cette réalité. Elle met en lumière l’importance du dialogue pour éviter les sanctions liées au racisme systémique.
Mounir Othman, dans le chapitre 2 intitulé Récit de lutte de parents d’élèves en Seine-Saint-Denis, met en avant le rôle des parents et souligne l’importance de la coéducation entre les différents acteurs. De plus, l’idée de valoriser les connaissances des parents est présentée comme un moyen de renforcer la confiance au sein de la communauté éducative, favorisant ainsi l’engagement et le bien-être des élèves à l’école (chapitre 3).
Karim Bettayed et Houyem Rebai (chapitre 3) envisagent que l’ouverture de l’école peut se faire également vers d’autres partenaires, comme des institutions culturelles et les intervenant·es extérieur·es, sélectioné·es pour leurs animations utilisant une perspective décoloniale.
De surcroît, plusieurs auteurs/trices reconnaissent les syndicats comme des lieux essentiels pour la création d’un collectif pour lutter contre le racisme. Ainsi, dans le chapitre 19, Nãna souligne que le syndicat est crucial pour la formation d’un collectif engagé dans la lutte. De même, D., dans ce même chapitre, insiste sur l’importance de l’adhésion à un syndicat pour connaître ses droits.
Cependant, ces espaces sont aussi des lieux où le racisme peut demeurer invisible, et où la lutte antiraciste peut être marginalisée, comme le souligne le chapitre 22 Antiracisme et syndicalisme. Histoire et actualité d’un double front, rédigé par la commission antiraciste de SUD Éducation 93. Cette commission a pour double mission de lutter contre le racisme dans le domaine éducatif et d’imposer la lutte antiraciste au sein du syndicat. Ce chapitre détaille la manière dont cette commission a créé des espaces, tels que les camps d’été décoloniaux pour diffuser des outils militants et théoriques auprès d’autres personnes racisées. Des mécanismes tels que la non-mixité sont présentés comme des outils favorisant le partage d’expériences et la réflexion sur les pratiques sans craindre d’attaques.
Néanmoins, en dépit des nombreuses initiatives entreprises détaillées ci-avant, tant à l’échelle individuelle que collective, plusieurs chapitres soulignent la persistance du racisme d’État et les mesures répressives adoptées par les autorités. En effet, dans le chapitre 17, bien que le club égalité mis en place par Manel Ben Boubaker et Maliga Tony-Nyemb soit conforme aux textes institutionnels, ces professeures ne reçoivent pas d’indemnité pour les heures supplémentaires effectuées dans le cadre du projet. Dans le chapitre 18, Hanane Ameqrane relate la répression de l’Éducation nationale qu’elle a subie en lien avec les projets réalisés avec les élèves. Au contraire, les chapitres 22 et 23 soulignent l’utilisation, par les représentant·es étatiques, des ressources et du pouvoir de l’État, pour contrer la commission antiraciste de Sud Éducation 93. Ces contributions décrivent la fatigue des membres face à ces pressions, menaces et violences institutionnelles. Ces chapitres abordent également les multiples obstacles au syndicalisme mis en place par l’État.
Enfin, pour lutter dans un collectif, préserver son individualité est essentiel. En effet, « [i]l y a une complémentarité : des individuës fortifiéëes formeront un collectif fort » (p. 310), souligne Marie Dasylva, dans le chapitre 20. Au vu des conséquences physiques et psychologiques du racisme, il semble crucial de conclure l’examen des arguments principaux de ce livre par ce point. Selon cette coach, le bien-être individuel des personnes subissant du racisme est primordial pour constituer un collectif.
Le livre est remarquable dans son ambition d’exhaustivité et sa clarté. La lecture de cet ouvrage incite à réfléchir sur la promotion d’un dialogue entre les élèves et à la création d’un espace sécurisé pour tous/tes. En effet, dialoguer sur les discriminations pourrait avoir des répercussions différenciées, renforçant la position des dominants tout en heurtant et en infériorisant les élèves en situation de domination. Dans cette perspective, l’établissement d’un espace sécurisé apparaît essentiel pour atténuer les risques de renforcement des inégalités et encourager une compréhension mutuelle. Se pose alors la question de la possibilité d’un tel espace sécurisé à l’école, et le cas échéant, de ses caractéristiques essentielles. Aussi, en tant qu’ancienne enseignante contractuelle blanche, ce livre me semble incontournable pour toute personne, surtout blanche, accédant à un poste au sein de l’Éducation nationale. En effet, Entrer en pédagogie antiraciste expose de manière complète comment le système éducatif actuel est intrinsèquement imprégné d’un racisme systémique. Il s’avère être également un outil indispensable pour envisager une réelle transformation antiraciste du système éducatif en fournissant des ressources à la fois théoriques et pratiques. Il offre également des moyens de conceptualiser des initiatives collectives visant une transformation sociale.
Bibliographie
Birnbaum Yaël, Laure Moguérou, et Primon Jean-Luc, Les enfants d’immigrés ont des parcours scolaires différenciés selon leur origine migratoire., INSEE, 2012. https://www.insee.fr/fr/statistiques/1374016?sommaire=1374025
Brun, Solène, et Cosquer, Claire. Sociologie de la race. Armand Colin, 2022.
Ichou, Mathieu. 2013. «Différences d’origine et origine des différences : les résultats scolaires des enfants d’émigrés/immigrés en France du début de l’école primaire à la fin du collège.» Revue française de sociologie 54 (1): 5-52. https://doi.org/10.3917/rfs.541.0005
Loiola, Francisco A., et Borges, Cecília. “La pégagogie de Paulo Freire ou quand l’éducation devient un acte politique.” dans La pédagogie – Théories et pratiques de l’Antiquité à nos jours, de Clermont Gauthier et Maurice Tardif. Québec: Gaëtan Morin, 2017.
Mazouz, Sarah. Race. anamosa, 2020.
Pereira, Irène. «Pédagogie critique informelle : Savoirs subalternes et savoirs critiques.» Les Cahiers de Pédagogies radicales (2023). https://pedaradicale.hypotheses.org/4431).
Primon, Jean-Luc. «Ethnicisation, racisation, racialisation. Une introduction.» Faire savoir, 6 (2007): 3-14. https://doi.org/10.34847/nkl.c8b3e8jx
[1] Les différences entre les concepts de racialisation et de racisation ne sont pas encore stables dans la littérature scientifique (Jean-Luc Primon, «Ethnicisation, racisation, racialisation. Une introduction.», Faire savoir, 6 (2007): 3-14.). Cependant, une clarification de ces concepts a été apportée par Sarah Mazouz, Solène Brun et Claire Cosquer. Ainsi, selon elles, la racialisation peut être définie comme le processus « produi[sant] […] une « condition sociale » [(Sarah Mazouz, Race (Anamosa, 2020), 40-41.)], forgée par le privilège blanc ou l’expérience de formes diverses de domination, d’exploitation et d’oppression en raison de son assignation raciale. » (Solène Brun et Claire Cosquer, Sociologie de la race (Armand Colin, 2022), 27.). La racisation peut être définie comme « le processus par lequel un groupe dominant définit un groupe dominé comme étant une race » (Mazouz, Race, 49). Ainsi « [l]a racisation ne désigne […] qu’un aspect des processus de racialisation, celui de la production de l’assignation racialisante. » (Mazouz, Race, 49).
[2] Au début de l’ouvrage, une note explicite que l’écriture multigenre est la graphie utilisée par Shed publishing. Ainsi, dans les citations figurant dans ce texte les indications suivantes s’appliquent pour la lecture : « [l]es -x , le -æ, accent tréma, -fv et l’accord de proximité sont des variantes neutres que nous utiliserons en fonction des mots employés. » (p .9) L’orthographe de ce mot et des citations suivantes répond aux règles de l’écriture multigenre (voir note de bas de page n°1).
[3] En France, les statistiques ethniques sont fortement encadrée par la loi. L’article 6 de la loi du 6 janvier 1978 indique qu’ « [i]l est interdit de traiter des données à caractère personnel qui révèlent la prétendue origine raciale ou l’origine ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques ou l’appartenance syndicale d’une personne physique ou de traiter des données génétiques, des données biométriques aux fins d’identifier une personne physique de manière unique, des données concernant la santé ou des données concernant la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle d’une personne physique.» . Ainsi, cette loi empêche d’étudier les catégories comme la race ou l’origine ethnique et donc leurs effets sociaux.
[4] Voir Yaël Brinbaum et al., Les enfants d’immigrés ont des parcours scolaires différenciés selon leur origine migratoire. INSEE, 2012. https://www.insee.fr/fr/statistiques/1374016?sommaire=1374025 et Mathieu Ichou, «Différences d’origine et origine des différences : les résultats scolaires des enfants d’émigrés/immigrés en France du début de l’école primaire à la fin du collège.», Revue française de sociologie, no. 54 (1) (2013): 5-52.
[5] Voir Francisco A. Loiola et Cecília Borges, « La pégagogie de Paulo Freire ou quand l’éducation devient un acte politique », dans La pédagogie – Théories et pratiques de l’Antiquité à nos jours, de Clermont Gauthier et Maurice Tardif (Québec: Gaëtan Morin, 2017).
[6] La notion de savoirs militants est définie par Irène Pereira comme « l’ensemble de savoirs que possèdent un groupe opprimé et qui leur permet d’agir pour essayer de transformer collectivement leur situation sociale. » (Irène Pereira, «Pédagogie critique informelle : Savoirs subalternes et savoirs critiques.», Les Cahiers de Pédagogies radicales (2023).)