« Comment expliquer un silence ? Comment comprendre ce qu’il n’y a pas ? Pas de traitement médiatique d’ampleur, pas de commémoration, pas de réaction des pouvoirs publifcs, pas de mobilisation massive…[1] ». Trois jours après la mort de Nahel M., le 27 juin à Nanterre, le journaliste David Perrotin se demande pourquoi l’intervention policière qui a tué Alhoussein Camara, jeune Guinéen de 19 ans, dans des circonstances similaires, a été reçue dans une « indifférence quasi générale ». Ces questions furent le point de départ de mon travail de thèse sur ce que j’ai préféré appeler les faits policiers mortels[2] (FPM). L’enjeu était de questionner les asymétries structurales à publiciser des problèmes et à façonner le débat public à travers trois énigmes interconnectées. Comment expliquer que certains FPM « prennent » médiatiquement alors que d’autres non ? Comment se fait-il que certaines dénonciations se transforment en scandales tandis que les autres n’y parviennent pas ? Et, plus généralement, malgré les mobilisations et les scandales, comment expliquer que ce fait social ne soit pas réellement érigé en problème public[3] ?

L’objectif de ce papier est d’éclairer les événements récents à la lumière des résultats de cette recherche.

 

L’émergence d’un nouveau scandale de fait policier mortel  

L’enquête portait sur 360 FPM (exceptés ceux en lien avec des projets terroristes), en France entre 1990 et 2016. L’approche statistique permet de révéler les facteurs qui, quels que soient les contextes, favorisent la saillance médiatique de ces événements : principalement les émeutes et les réactions du personnel politique qui s’ensuivent. Toutefois, expliquer comment un cas spécifique « prend » à un moment donné n’est pas aisé. En ce qui concerne la mort de Nahel M., les émeutes n’expliquent ni l’enclenchement médiatique, ni l’indignation et les multiples réactions politiques ; elles interviennent après[4]. Difficile en l’état de deviner les motivations plurielles qui ont nourri ces indignations, qui dépassent largement les acteurs traditionnellement engagés contre les violences policières[5]. L’effet de la vidéo est indéniable, mais, au-delà, la force de ces mobilisations tient surtout à la faiblesse des soutiens aux policiers mis en cause.

Un dévoilement exemplaire des mécanismes d’impunité

Si la vidéo a été importante dans l’émergence de ce scandale[6], c’est parce qu’elle est parvenue à remplir deux rôles : devenir un document viral, notamment sur les réseaux socionumériques, et une preuve matérielle[7]. Sauf erreur de ma part, la mort de Nahel M. est le quatrième FPM en France qui a été filmé et dont les images ont été rendues publiques[8]. Si l’enjeu ici n’est pas de mener une comparaison fine entre ces quatre FPM, il faut retenir qu’ils connaissent chacun une publicisation très différente. Autrement dit, la seule existence d’une vidéo publique ne garantit pas une plus grande visibilité des faits, ni de susciter de multiples réactions dans le monde social. La chronologie des faits est importante. Si la vidéo a joué un rôle déterminant, c’est aussi parce que la version policière a été diffusée et reprise rapidement.

Le mardi 27 juin 2023, à Nanterre, aux alentours de 08h30, Nahel M. est contrôlé en voiture, avec deux autres passagers, par deux policiers de la Direction de l’ordre public et de la circulation. Un des agents lui tire dessus au niveau du thorax. Son décès est constaté à 09h15, malgré l’intervention du Samu. La première dépêche de l’Agence France-Presse (AFP), un « urgent », est publiée à 10h06 et relaie déjà le point de vue des policiers. « Un automobiliste a été tué mardi matin à Nanterre (Hauts-de-Seine) par un policier qui a fait usage de son arme, après que l’homme, soupçonné d’un refus d’obtempérer, a foncé vers des policiers, a appris l’AFP de sources policières ». Une passante filme la scène. La vidéo est ensuite publiée sur Twitter à 10h26[9]. L’AFP prend en compte ce nouvel élément dans sa dépêche de 12h08, ce qui permet aux agenciers de se distancier de la version policière[10].

Ainsi, la vidéo révèle le mensonge policier. En prime, elle rappelle en creux la dépendance quotidienne de la presse généraliste aux sources policières[11], ce que ne manque pas de souligner des utilisateurs Twitter et certaines rubriques de fact-checking[12] qui reprochent aux principales rédactions de presse d’épouser sans discernement la version des sources institutionnelles lorsque des agents des forces de l’ordre sont accusés.

Au-delà de la vidéo, et comme l’ont déjà montré de nombreuses études sur ce type de controverses[13], la capacité à attester de la pureté biographique de la victime a favorisé les mises en cause de l’action de police et, ainsi, l’émergence du scandale. Nahel M. était un mineur de 17 ans sans casier judiciaire. En l’occurrence, l’attestation biographique a été d’autant plus significative qu’elle a également dévoilé la mécanique habituelle des rhétoriques de stigmatisation des victimes de FPM, qui tendent à être mobilisées lorsque les faits deviennent médiatisés[14].

Dès la seconde dépêche AFP, les sources policières affirment en effet que « la victime était connue des services de police, notamment pour conduite sans permis, usage de stupéfiants ou plusieurs refus d’obtempérer, selon une source policière ». Ces éléments sont repris sur les chaînes d’information en continue CNEWS et BFM-TV, ainsi que par Europe 1, jusqu’à ce que, dans la soirée, les avocats de la famille affirment dans un communiqué que Nahel M. « n’a jamais été condamné par la justice » et que « la famille se réserve le droit de poursuivre toutes les personnes qui inventeront, comme cela a déjà été fait ce jour, des mentions inexistantes au casier judiciaire du jeune homme ».

Un gouvernement en quête d’apaisement

Cet événement s’inscrit aussi dans un contexte de contestation sociale à l’échelle nationale. La mort de Nahel M. intervient après plusieurs mois de protestations contre la réforme des retraites, marquée par des mobilisations d’ampleur à l’initiative de l’intersyndicale, les multiples recours à l’article 49.3 de la constitution, un grand nombre de manifestations non déclarées et des dénonciations contre l’organisation des opérations du maintien de l’ordre qui a donné lieu à de nombreuses violences policières dans plusieurs villes de France. Le 17 avril, le président de la République Emmanuel Macron annonce 100 jours d’apaisement afin de clôturer cette « séquence », de relancer son quinquennat et de préparer l’annonce des prochaines réformes politiques.

En plus de la vidéo, l’indexation de l’événement à ce contexte politique pousse très probablement le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin[15] et Emmanuel Macron[16] à déroger à la norme dans leur première déclaration respective, en qualifiant l’action de police comme non conforme et, dès lors, en ne soutenant pas les deux policiers mis en cause.

L’homicide de Makomé M’Bowolé en 1993
L’émergence du scandale à la suite de la mort de Nahel M. est très similaire à celui de Makomé M’Bowolé, dans la mesure où le ministère de l’Intérieur n’avait pas non plus soutenu le policier incriminé.
Le 6 avril 1993, Makomé M’Bowolé, un jeune zaïrois de 17 ans, arrêté et mis en garde à vue au commissariat du 18e arrondissement de Paris, avoue avoir commis un vol. L’inspecteur de police veut lui extorquer d’autres aveux, le menace avec son arme et lui tire à la tête. Le policier reçoit très peu de soutiens, au point où même un syndicat de police se joint aux condamnations[17]. Il est difficile de savoir dans quelle mesure cette défense quasi nulle s’explique par l’impossibilité de produire une version des faits suffisamment crédible qui exonère le policier, ou par l’indignation de ses collègues, qui ne souhaitent pas couvrir de tels actes.
La première intervention du ministre de l’Intérieur Charles Pasqua est également très prudente. « Dès lors qu’il y aura des fautes graves commises, les responsables seront sanctionnés. […] Et pour moi, les responsables ne sont pas seulement les lampistes, il faut que les choses soient claires. » La mort de Makomé M’Bowolé intervient quelques jours après le début de la seconde cohabitation, le 29 mars 1993. Charles Pasqua retrouvait le ministère de l’Intérieur qu’il avait occupé entre le 20 mars 1986 et le 10 mai 1988, où il avait été fortement critiqué, à la fois au moment de sa prise de poste, mais également à la suite de la mort de Malik Oussekine.

Problématisation de la force létale de la police : la fin de l’inertie ?

Il n’est jamais aisé d’analyser des événements en cours. D’un côté, il faut éviter les biais de confirmation où l’actualité est convoquée pour valider les thèses précédentes. En ce sens, on pourrait affirmer que l’inertie prévaut sur le long terme : malgré l’ensemble des mobilisations violentes et non-violentes, ainsi qu’une grande attention médiatique, l’État produit toujours aussi efficacement de l’ignorance et de l’inaction pour neutraliser les mises en cause et les revendications. De l’autre, il ne faut pas non plus surestimer ce qui, dans l’action et l’incertitude du moment, peut apparaître comme nouveau ou comme un point de bascule.

Les ressorts de la non-problématisation

L’enquête dans le cadre de ma thèse concluait à l’inertie : peu de FPM captent véritablement l’attention des médias, la majorité des dénonciations trouve peu de soutiens, et la légitimité des institutions policières est consolidée par les transactions collusives qui font obstacles aux remises en cause. Il y a bien des aléas, c’est-à-dire des situations jugées problématiques ou des scandales, mais leur faible nombre ne permet pas de reconnaître qu’en effet, « la police tue ».

Certes, une minorité de FPM obtient une forte visibilité médiatique. Cependant, leur médiatisation est généralement redevable des émeutes et des déclarations politiques. Le traitement médiatique est principalement épisodique et se concentre sur les « violences urbaines ». Les FPM apparaissent généralement dans les reportages comme un élément explicatif aux émeutes.

Certes, il y a bien des scandales de FPM mais ceux-ci génèrent peu d’impulsion pour les autres mobilisations. Le scandale de la mort de Makomé M’Bowolé en 1993 offre une certaine visibilité à quelques FPM les semaines suivantes, mais sans les transformer eux-mêmes en scandales ni sans que cette dynamique se pérennise. La mort de Rémi Fraisse en 2014, suivie de responsables politiques qui mettent en cause l’action des gendarmes et du gouvernement, ont effectivement légitimé un ensemble de discours contre les institutions policières, mais cela s’est surtout cristallisé par la suite sur le maintien de l’ordre en manifestation, lors des mouvements contre la loi Travail en 2016 et des Gilets jaunes, en 2018 et 2019. Quant à la mobilisation autour de la mort d’Adama Traoré, elle a monopolisé l’agenda politique et médiatique sans que cela ne bénéficie réellement aux autres familles de victimes mobilisées. Les stratégies d’iconisation, notamment en se saisissant de la mort de George Floyd aux Etats-Unis en 2020, ont fait d’Adama Traoré le symbole français des violences policières, et non le symbole des violences policières françaises[18]. Les modalités d’émergence de ces scandales sont surtout liées à des logiques conjoncturelles. Contrairement à d’autres types de scandales, comme celui de la pédophilie[19], il y a peu d’alliances entre différents groupes d’acteurs, dont certains institutionnels, qui participent justement à l’émergence d’un problème public.

Plus généralement, il apparaît difficile pour les familles de victimes et les groupes traditionnellement engagés contre les violences policières d’enrôler des alliés alors qu’il y a une surreprésentation de jeunes hommes, issus de milieux populaires et liés à l’immigration postcoloniale parmi les victimes de FPM. D’autre part, comment forcer les arènes décisionnelles tout en critiquant l’appareil étatique sur l’un de ces services régaliens les plus emblématiques, surtout pour des groupes sociaux dominés qui ne peuvent pas faire usage de tactiques d’insiders ? Alors que les groupes mobilisés sur les FPM peuvent difficilement produire une définition du problème qui étende le risque aux autres groupes sociaux[20] et, dès lors, peinent à enrôler des soutiens extrasectoriels, un ensemble d’acteurs et de coalitions politiques promeuvent « leurs » problèmes en réponse aux FPM et aux émeutes. Non seulement, cela oblitère le débat public, mais ces discours génèrent des politiques publiques censées résoudre le « problème des banlieues », le « problème de l’intégration » et le « problème de l’insécurité ». En parallèle, une grande majorité des FPM sont classés sans suite ou aboutissent à un non-lieu[21], ce qui empêche toute forme d’agrégation de situations caractérisées comme problématiques et, ainsi, de pouvoir justifier d’inégalités structurelles.

L’émergence de nouvelles dynamiques de publicisation depuis la fin des années 2010

Si la mise en visibilité de la mort de Nahel M. et les mobilisations qu’elle a suscité sont exceptionnelles, ce qui surprend également c’est la reconnaissance médiatique, et dans une moindre mesure politique, du débat sur l’usage de la force létale policière. Il n’y a pas si longtemps, il était encore difficile pour un élu politique de simplement énoncer que « la police tue »[22]. À mon sens, quatre dynamiques récentes fragilisent l’inertie autour de la problématisation de cette question. Les deux premières dynamiques, discursives, correspondent à des changements de configuration dans le débat public, tandis que les deux suivantes, factuelles, concernent des évolutions tendancielles des FPM.

La première dynamique correspond à la volatilisation du « problème des banlieues ». Renaud Epstein et Thomas Kirszbaum[23] reviennent sur le recadrage de la question socio-spatiale depuis les années 2010. Ils notent une double rupture : à la fois une métamorphose de la politique de la ville et sa déligitimation par les dirigeants politiques. La succession des discours politiques sur le « problème des banlieues », et comment chaque gouvernement parviendrait à le résoudre, serait en effet arrivée en bout de course. Comme le rappelle Renaud Epstein dans une tribune récente[24], les formes de disqualifications des banlieues n’ont pas pour autant disparu, notamment avec les lieux communs sur les « milliards pour les banlieues ». Cependant, le solutionnisme proposé par la politique de la ville tend à moins oblitérer le débat public, comme c’était le cas auparavant.

La seconde dynamique se réfère aux débats sur les violences policières qui ont acquis une reconnaissance médiatique et politique à partir de la mort de Rémi Fraisse en 2014. Jusqu’à récemment, et sauf quelques exceptions, les débats sur les violences policières étaient circonscrits aux opérations de maintien de l’ordre et, donc, davantage à la question des blessures et des mutilations dans des mobilisations où protestent des « gens ordinaires », en contraste avec les groupes sociaux qui forment la clientèle policière[25]. Il y a bien eu des tentatives d’alliances et de « convergences des luttes » lors du mouvement Nuit debout en 2016[26] et pendant le mouvement des Gilets jaunes en 2019[27], mais la réalité et les effets de ces convergences apparaissent relativement limités.

La légitimation des discours critiques contre les institutions policières est aussi redevable de la dérive illibérale du pouvoir exécutif français[28]. Quand le parlement est renvoyé à un rôle de chambre d’enregistrement, quand les interdictions de manifester se multiplient[29], les dénonciations contre les repressions policières s’en trouvent renforcées[30] tandis que la violence émeutière est de moins en moins « condamnée », pour reprendre la formule consacrée.

La troisième dynamique concerne la hausse des tirs policiers mortels contre les véhicules en mouvement. Jusqu’à la mort de Nahel M., ce type de FPM formait une sorte de paradoxe. D’un côté, ils gagnent en visibilité[31] et génèrent un émoi qui dépassent les groupes mobilisés contre les violences policières. De l’autre, ils focalisent toute l’attention, en concentrant le débat sur les éventuels effets du changement du cadre législatif sur les conditions d’usage de l’arme à feu par les policiers avec la loi du 28 février 2017, auquel nous avons participé avec des collègues[32], sans que les questions de discriminations et de racisme ne soient réellement évoquées ou que la parole soit donnée aux comités de familles et collectifs mobilisés depuis longtemps sur ces enjeux.

Cela étant dit, il me semble que c’est ici une des clefs pour comprendre pourquoi les mobilisations d’ampleur de juin 2020 n’ont pas eu les mêmes effets que celles qu’on connaît actuellement. Le débat politique autour de la loi du 28 février 2017, avec notamment la demande de création d’une commission d’enquête par des élus de la France insoumise en janvier 2023, a relativement baissé les coûts d’une critique plus générale de la police chez les élus politiques susceptibles de s’emparer de ces enjeux[33].

Enfin, la brutalisation du maintien de l’ordre[34] s’accompagne d’une augmentation du risque mortel lors de ce type d’opérations. Lorsque Rémi Fraisse meurt et que les élus écologistes réclament la création d’une commission d’enquête, Emmanuelle Cosse, secrétaire générale d’Europe Écologie-Les Verts rappelle que « depuis 1977, il n’y avait pas eu de mort dans des manifs écolos[35] […] et depuis 1986 et Malik Oussekine, il n’y avait pas eu de mort dans une manifestation ». En 2018, Zineb Redouane meurt après qu’une grenade lacrymogène la blesse au visage, pendant le mouvement des Gilets Jaunes, à Marseille. En 2019, pendant la fête de la musique à Nantes, Steve Maïa Caniço est renversé dans la Loire pendant une intervention policière et meurt noyé. En 2023, deux personnes sont grièvement blessées, l’une d’entre elles tombant dans le coma, lors des manifestations contre les méga-bassines à Saintes-Soline. Depuis le début des émeutes en réaction à la mort de Nahel M., un jeune homme de 27 ans a été tué par un tir de lanceur de balle de défense à Marseille, tandis qu’Aimène Bahouh, 25 ans, est tombé dans le coma après avoir reçu un beanbag, un projectile sous forme de sachet de coton contenant de minuscules plombs, tiré par un policier du RAID à Mont-Saint-Martin.

Articulées ensemble, ces dynamiques participent à la production d’une définition du problème qui étend le risque au-delà des groupes sociaux sur lesquels se concentre l’activité policière, et fragilisent la légitimité des institutions policières.

 

[1] D. Perrotin, « “Pourquoi personne n’en parle ?” : 15 jours avant Nahel, Alhoussein, 19 ans, a été tué par la police à Angoulême », Mediapart, 2023.

[2] Il s’agit de l’ensemble des interventions policières mortelles et des tirs policiers mortels en dehors du travail et du cadre des missions de police.

[3] En épousant une vision non binaire de la publicisation (émergence/non-émergence) et en s’intéressant aux logiques qui neutralisent la problématisation : invisibilisation, ignorance, inaction. C. Gilbert et E. Henry, « La définition des problèmes publics : entre publicité et discrétion », Revue française de sociologie, vol. 53, n° 1, 2012 ; Henry, E., La fabrique des non-problèmes. Ou comment éviter que la politique s’en mêle, Paris, Les Presses de Sciences Po, 2021.

[4] Notons que ce type de raisonnement causal tend à simplifier des dynamiques qui se déploient de manière continue. M. Dobry, « Mobilisations multisectorielles et dynamique des crises politiques : un point de vue heuristique », Revue française de sociologie, vol. 24, n° 3, 1983.

[5] A. Pregnolato, « L’espace des mobilisations contre les violences des forces de l’ordre en France depuis les années 1990 », Mouvements, vol. 92, n° 4, 2017.

[6] Entendu comme une dénonciation qui provoque des mobilisations multisectorielles. H. Rayner, Dynamiques du scandale. De l’affaire Dreyfus à Clearstream, Paris, Le Cavalier Bleu, 2007.

[7] F. Jobard, Bavures policières ? La force publique et ses usages, Paris, La Découverte, 2002, p. 155.

[8] Les trois autres FPM correspondent aux morts de Cédric Chouviat, le 3 janvier 2020 à Paris, de Merter Keskin, le 13 janvier 2021 à Sélestat, et de Zied B., le 7 septembre 2022 à Nice.

[9] D’après France Inter, la propriétaire du compte Twitter n’est pas l’autrice de la vidéo. La scène est filmée par son apprentie. Une seconde vidéo, filmée par le conducteur de la voiture devant celle de Nahel M. est diffusée plus tard dans l’après-midi, mais c’est principalement la première vidéo, moins confuse, qui est mobilisée comme preuve. N. Lair, « Adolescent tué à Nanterre : ce que l’on sait de la vidéo qui met à mal la version des policiers », radiofrance.fr, 28/06/2023.

[10] « Une vidéo de l’incident circulant sur Twitter mardi matin, authentifiée par l’AFP, montre deux policiers contrôler une voiture jaune passage François-Arago. L’un d’entre eux, debout, accoudé sur le pare-brise, tient le conducteur en joue avec son pistolet. Quand le conducteur redémarre, le policier tire à bout portant depuis le côté du véhicule. La voiture a fini sa course quelques dizaines de mètres plus loin, encastrée dans un poteau. Dans un premier temps, des sources policières ont affirmé que le véhicule avait foncé sur les forces de l’ordre ». « Hauts-de-Seine : un conducteur mineur tué par un tir de police après un refus d’obtempérer », AFP, 27/06/2023.

[11] J. Berthaut, E. Darras, et S. Laurens, « Pourquoi les faits-divers stigmatisent-ils : L’hypothèse de la discrimination indirecte », Réseaux, vol. 157-158, n° 5-6, 2009.

[12] A. Condomines, « Tirs mortels : ces fois où les sources policières ont menti à la presse », liberation.fr, 28/06.2023.

[13] F. Jobard, Bavures policières ? La force publique et ses usages, op. cit. ; Pregnolato, A., Rebellions urbaines et mobilisations contre les violences policières dans la région parisienne (2005-2018), thèse de science politique, Université Paris Nanterre, 2022.

[14] Les syndicats de police et les autorités publiques n’ont généralement pas besoin de déployer des stratégies de communication à propos d’un FPM qui suscite l’indifférence et le silence.

[15] Le lendemain de la mort, le mercredi 28 juin, Gérard Darmanin qualifie les images « d’extrêmement choquantes », a « une pensée pour [la victime] et sa famille », et annonce qu’« il y aura des sanctions administratives s’il est avéré, en effet, comme le montrent manifestement les images, que ces gestes ne sont absolument pas conformes aux instructions et à la loi de la République ».

[16] Depuis Marseille où il fait un déplacement officiel de trois jours, Emmanuel Macron déclare : « Je veux ici dire l’émotion de la Nation toute entière après la mort du jeune Nahel et de dire à sa famille toute la solidarité et l’affection de la Nation. Nous avons un adolescent qui a été tué. C’est inexplicable et inexcusable. »

[17] « Le Syndicat des commissaires et hauts-fonctionnaires de la police (SCHFPN, majoritaire) qualifie la mort du jeune homme de fait “très grave”, tout comme l’était, selon lui, la mort d’un policier tué vendredi 2 avril en Haute-Savoie au cours d’une attaque de banque (le Monde daté 4-5 avril) ». « Information judiciaire pour “homicide volontaire” après la “bavure” policière de Paris. Le jeune Zaïrois a été tué par un coup de feu tiré “à bout portant” », Le Monde, 09/04/1993. À ma connaissance, la mort de Steve Maïa Caniço, le 22 juin 2019 à Nantes, est le seul autre FPM où un syndicat de police, ici l’unité SGP-Police de Force ouvrière, porte une parole critique.

[18] D’autre part, la « criminalisation » de la famille Traoré et de l’action militante du Comité Adama ont probablement déteint sur le symbole et effrité les soutiens extérieurs aux quartiers populaires.

[19] L. Boussaguet, La pédophilie, problème public. France, Belgique, Angleterre, Paris, Dalloz, 2008.

[20] E. Henry, Amiante : un scandale improbable. Sociologie d’un problème public, Paris, PUR, 2007.

[21] I. du Roy et L. Simbille, « Décès suite à une intervention policière : les deux-tiers des affaires ne débouchent sur aucun procès », Basta!, 2020.

[22] Philippe Poutou, alors candidat du Nouveau parti anticapitaliste pour l’élection présidentielle, interrogé par BFM-TV en octobre 2021, déclare que la police tue. Gérald Darmanin porte plainte contre lui pour « injure publique envers une administration publique ». Le débat se cristallise davantage sur les propos de Philippe Poutou que sur les personnes tuées par les forces de l’ordre.

[23] R. Esptein et T. Kirszbaum, « Ces quartiers dont on préfère ne plus parler : les métamorphoses de la politique de la ville (1977-2018) », Parlement[s], vol. 30, n° 3, 2019.

[24] R. Epstein, « Émeutes urbaines : “Ce qu’elles révèlent, ce n’est pas tant l’échec de la politique de la ville que celui de toutes les politiques publiques” », lemonde.fr, 06/07/2023.

[25] F. Jobard, « Le gibier de police immuable ou changeant ? », Archives de politique criminelle, vol. 32, n° 1, 2010.

[26] A. Pregnolato, Rebellions urbaines et mobilisations contre les violences policières dans la région parisienne (2005-2018), op. cit.

[27] M. Della Suda et C. Guionnet, « Nuit Debout, Gilets jaunes : quoi de neuf à l’horizon des mouvements sociaux ? », in Frinault T., Le Bart C. et Neveu E. dir., Nouvelle sociologie politique de la France, Paris, Armand Colin, 2021.

[28] S. Hennette vauchez, La démocratie en État d’urgence. Quand l’exception devient permanente, Paris, Seuil, 2022.

[29] Par exemple, les interdictions de « l’usage de dispositifs sonores portatifs » pour empêcher les casserolades lors du mouvement contre la réforme des retraites, ou plus récemment la marche annuelle du Comité Adama.

[30] D’autant plus que des organisations internationales telles que l’ONU et le Conseil de l’Europe demandent à la France d’assurer la sécurité des manifestants et de cesser l’usage excessif de la force.

[31] Contrairement à d’autres FPM qui ont lieu loin de la visibilité publique, c’est-à-dire de nuit et/ou sur le domaine routier à l’écart des villes, les tirs policiers mortels contre les véhicules en mouvement ont, en 2022, souvent eu lieu en plein centre-ville et/ou de jour.

[32] Une étude est en cours de publication. Nous présentions des résultats intermédiaires en septembre 2022. S. Roché, P. Le Derff et S. Varaine, « Homicides et refus d’obtempérer. La loi a-t-elle rendu les policiers irresponsables ? », esprit.presse.fr, 2022.

[33] Le 11 juillet 2023, lors des questions au gouvernement, et en réponse à la liste des policiers morts en service réalisée par Gérard Darmanin à l’Assemblée Nationale, Sandrine Rousseau, députée Europe Écologie-Les Verts, énumère « les victimes des actions policières ».

[34] O. Fillieule et F. Jobard, Politiques du désordre. La police des manifestations en France, Paris, Seuil, 2020

[35] Vital Michalon est tué sur le site nucléaire de Creys-Malville.