« Il y a les Occidentaux et il y a les Orientaux. Les uns dominent, les autres doivent être dominés. »

Edward W. Said, L’Orientalisme, L’Orient créé par l’Occident, 1981

L’exception coloniale, soit le fait que les populations colonisées n’aient pas les mêmes droits que les citoyen·nes de la République française, s’est construite et affirmée alors même qu’en métropole le libéralisme politique se développait sous l’impulsion des Lumières. L’un des aspects de cette exception fut une absence de séparation entre le culte musulman et l’État en Algérie, les pouvoirs publics maintenant un ferme contrôle sur les activités et les discours à travers notamment le salariat des responsables du culte. Nombre de politiques actuelles, telles que l’imposition par l’État en 2021 d’une « Charte des principes de l’islam de France », sont une forme de continuation de régime d’exception.

La colonisation a produit un « monde compartimenté, […] coupé en deux » qui, régi « par une logique purement aristotélicienne »[1], était marqué par l’exclusion et la déshumanisation des non-Blanc·hes. Exterminé·es, réduit·es en esclavage ou soumis.es au travail forcé, ces dernier·ères furent soumis·es à l’exception coloniale dans tous les aspects de leur existence.

Ce monde « coupé en deux », racialement hiérarchisé, ne se borna pas à l’organisation sociale. Il se retrouva non seulement dans l’ordre juridique et économique, mais également dans les analyses théoriques des auteur·rices de l’époque. Si cette vision du monde imprégna les tenant·es des hiérarchies et de l’ordre « traditionnel »[2], elle se retrouva également dans la prose des auteur·rices libéraux·ales qui les remettaient en cause au nom des « droits naturels de l’homme ». Ainsi, les philosophes des Lumières qui s’engageaient pour défendre les droits fondamentaux contre l’oppression lorsqu’ils parlaient des hommes du monde pan-européen, pouvaient défendre des positions radicalement opposées lorsqu’il s’agissait des non-Blanc·hes.

S’inscrivant dans la filiation philosophique des Lumières, la Révolution française de 1789 opéra une discrimination entre Blanc·hes et non-Blanc·hes. Adoptée le 26 août 1789, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen proclamait que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits » (art. 1) et qu’ils possèdent « des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme » que sont « la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression » (art. 2). Dans son article 11, la Déclaration défendait que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement ». Toutefois, si l’égalité des hommes dotés de droits naturels imprescriptibles et pouvant s’exprimer librement était proclamée, l’humanité s’arrêtait aux frontières de la race blanche.

Deux jours avant cette Déclaration historique, le 24 août 1789, la Société des Amis des Noirs expliquait qu’elle ne demandait pas l’abolition de l’esclavage mais uniquement de la traite atlantique. La Société des Amis des Noirs justifiait cette position en expliquant que les Noir·es n’étaient pas « encore mûrs pour la liberté : il faut les y préparer »[3].

Déshumanisé·es, malgré la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, les Noir·es se trouvaient maintenu·es dans un statut d’esclave dans les colonies françaises, notamment à Haïti, en Martinique et en Guadeloupe. Alors que la liberté était proclamée, le Code noir restait en vigueur. Les « libres de couleur », principalement « mulâtre·sses »[4], restaient également à la porte des Droits de l’homme puisque leur citoyenneté n’était pas reconnue[5]. La Révolution française fondatrice de la République naissait en reproduisant la même logique du « monde coupé en deux » : l’État de droit pour les Blanc·hes et le régime d’exception coloniale pour les non-Blanc·hes.

Cette logique du « monde coupé en deux », où l’État de droit se mettait en place pour les Blanc·hes en même temps que le régime d’exception coloniale était imposé aux non-Blanc·hes, se manifesta au moment des grandes réformes fondatrices de la IIIème République libérale du début des années 1880. Afin de consolider la République, une série de lois renforça les libertés individuelles et les droits sociaux : la liberté de la presse et de réunion en 1881, le rétablissement du divorce en 1884, l’autorisation des syndicats en 1884, l’élection des conseils municipaux désignant les maires au suffrage universel masculin en 1884. Dans le même sens, les « lois Ferry » rendirent l’enseignement primaire gratuit, obligatoire (loi de 1881) et laïc (loi de 1882), avec une obligation scolaire jusqu’à 13 ans.

Parallèlement à ces grandes lois républicaines renforçant les libertés individuelles et l’État de droit pour les Blanc·hes, le régime d’exception coloniale imposé aux non-Blanc·hes se trouvait renforcé et systématisé par l’adoption du Code de l’Indigénat le 28 juin 1881 par le gouvernement républicain de Jules Ferry. Si une législation d’exception avait déjà été mise en place dès 1844 par le général Bugeaud, alors gouverneur général de l’Algérie, le Code de l’Indigénat renforçait l’exception. Qualifié de « monstrueux » par certains de ses partisan·es car mettant en place « l’arbitraire administratif »[6], ce code prévoyait notamment l’internement administratif, le séquestre des terres et la responsabilité collective appliquée à des tribus entières[7]. Les lois sur la liberté de la presse et de réunion ne s’appliquaient pas aux Algérien·nes mais ne concernaient que les citoyen·nes français·es. Par exemple, le gérant d’un journal devait jouir de ses droits civiques, ce qui n’était pas le cas de l’immense majorité des Algérien·nes. A partir de 1895, le texte de loi modifié permit d’interdire un journal rédigé « en langue étrangère », c’est-à-dire en langue arabe, par voie administrative[8].

Si, contre la doxa, nous comprenons la logique manichéenne du monde colonial, alors nous constatons que ce Code ne fut nullement une anomalie dans le ciel bleu des Lumières républicaines. Le Code de l’Indigénat fut même une « grande » loi républicaine et libérale, au même titre que les lois sur la liberté de la presse et de réunion ou sur l’enseignement gratuit, obligatoire et laïc ; car, si les unes établissaient des piliers de l’État de droit pour les Blanc·hes, l’autre systématisait l’exception pour les non-Blanc·hes. L’établissement du Code de l’Indigénat respectait donc parfaitement cette logique qui est au fondement du « monde coupé en deux » produit par le système colonial-capitaliste.

Liberté d’expression et de culte en régime d’exception coloniale

La logique du « monde coupé en deux », sur laquelle repose l’exception coloniale, s’appliqua directement à la gestion des cultes dès les premières heures de la colonisation de l’Algérie. Dans une France où le catholicisme était religion d’État, la conquête se fit, entre autres, sous le signe de la croix[9]. La laïcisation progressive de l’État français sous la IIIème République qui aboutit au vote de la loi de 1905 sur la séparation des cultes et de l’État, n’en préserva pas moins l’exception coloniale dans laquelle était placée la religion musulmane.

Dans une Algérie divisée en trois départements français, la loi de 1905 sur la séparation des cultes et de l’État s’appliquait aux cultes catholique, juif et protestant. Seul le culte musulman fut soumis à un régime d’exception coloniale. Pourtant, l’article 43 de la loi du 9 décembre 1905 stipulait explicitement l’application du principe de séparation des cultes et de l’État « en Algérie et aux colonies ». Néanmoins, en vertu du décret du 27 septembre 1907 portant sur l’application de la loi de 1905 en Algérie, qui fut reconduit à de multiples reprises jusqu’à l’indépendance en juillet 1962, l’administration coloniale continua à maintenir le culte musulman sous sa subordination immédiate[10]. Afin de contrôler l’islam, les imams, les muftis et les cadis étaient directement nommés et salariés par la puissance occupante, ce qui les contraignait à être les « voix de la France » dans les mosquées et les autres lieux de culte musulman. Par cette mainmise sur le culte musulman, la République coloniale orientait l’interprétation des sources de l’islam – le Coran et la sunna – dans un sens favorable au maintien de l’ordre colonial. Elle transformait également certains agents du culte officiel en agents de renseignement au service de la domination coloniale.

Dénonçant cette subordination du culte musulman, en 1957, Malek Bennabi écrivait dans une brochure intitulée SOS… Algérie : « dans le domaine moral, il [le colonialisme] a engendré une organisation du culte qui a fait passer toute la vie religieuse du musulman sous contrôle de l’administration colonialiste. Et l’on a vu cette chose scandaleuse : le culte musulman dirigé par un catholique. Si bien que le recrutement de l’imam et du mufti ne se faisait plus selon les besoins de la population et à sa satisfaction, mais à des fins policières »[11].

Toutefois, cette sorte de « clergé » étatique musulman restait numériquement faible[12]. Le développement du mouvement islahiste[13] puis la constitution de l’Association des oulémas en 1931 n’en remis pas moins en cause ce « clergé » officiel. Les islahistes débutèrent leur action d’enseignement et de prédication dans les « mosquées officielles » qui dépendaient de l’État français. Au sein de ces mosquées des conflits apparurent entre islahistes et le « clergé » officiel notamment sur des questions politiques. Afin d’avoir davantage de libertés, les islahistes appelèrent à la création de « mosquées libres ». L’administration coloniale qui exprimait des doutes quant à l’influence des agents du culte musulman, se sentait remise en cause et appuyait les membres du « clergé » officiel dans son rôle d’encadrement, et parfois de surveillance.

L’administration coloniale s’efforçait également de contrecarrer l’action des islahistes. Ainsi, le 16 février 1933, la préfecture d’Alger – la circulaire Michel – décida d’interdire les prises de parole des islahistes dans les « mosquées officielles » et de contrôler plus strictement les agents officiels du culte musulman. Il s’agissait notamment de contrôler les prêches de ces agents. Cette atteinte à la liberté d’expression fut vivement ressentie par la population algérienne comme « une nouvelle croisade anti-islamique »[14]. L’accès de la grande mosquée d’Alger fut immédiatement interdit au cheikh Tayeb al-Oqbi. Un rassemblement de ses partisan·es sur la place du gouvernement à Alger fut dispersé par les forces de l’ordre. Même la commission cultuelle du département, pourtant proche de l’administration, s’opposa à la mesure. Afin de mettre un terme à la contestation, le préfet d’Alger institua le 27 février 1933 un « comité consultatif du culte musulman » sous la direction du secrétaire général de la préfecture, Jules Michel. Les islahistes continuèrent à exprimer leur opposition à ces mesures portant atteinte à leur liberté d’expression et de culte. Début mars 1935, le nouveau ministre de l’Intérieur, Marcel Régnier, opposa une fin de non-recevoir aux doléances des islahistes relatives à la liberté d’expression dans les mosquées. Finalement, selon Ali Merad, ces évènements « contribuèrent à sensibiliser les Musulmans à la question de la mainmise administrative sur leur culte »[15].

À partir de cette date, l’Association des oulémas commença à poser la question de l’application de la loi de séparation des cultes et de l’État à la religion musulmane et exprima cette revendication dans le cadre du Congrès musulman algérien de 1936. Toutefois, les différents responsables politiques français firent la sourde oreille face à cette revendication visant à faire sortir l’islam de l’exception coloniale dans laquelle il avait été enfermé par le pouvoir.

Après la Seconde Guerre mondiale, l’Association des oulémas publia – en français et en arabe – un Mémoire sur la séparation du culte et de l’État dans lequel elle revendiquait à nouveau l’application de la loi de séparation des cultes et de l’État à l’islam. Le cheikh Larbi Tébessi dénonçait la volonté de l’administration de créer un « Islam algérien », qui appartiendrait « au colonialisme et à ses suppôts », contre l’Islam authentique, qui appartiendrait « à Dieu et aux croyants sincères »[16]. Contre cette ingérence de l’administration coloniale, l’Association des oulémas revendiquait : « 1 – Cette séparation doit être réalisée d’une manière qui soustrait entièrement et définitivement à la tutelle et au contrôle de l’Administration tout ce qui se rapporte au culte musulman. En sorte que l’Administration n’ait plus à s’immiscer d’une manière apparente au culte dans aucune question, ni aucune affaire religieuse, quelles que soient la nature et l’importance de ces questions et de ces affaires. 2 – La remise entre les mains de la communauté musulmane, seule qualifiée pour en connaître, de toutes ces affaires et de toutes ces questions, sans exception ni réserve, avec reconnaissance claire, absolue et sans équivoque du droit de cette communauté sur tout ce qui se rapporte à sa religion »[17].

La revendication fut reprise par les différents courants du mouvement national algérien qui voyaient dans cette application un moyen de protéger la liberté de culte et d’expression des Algériens. Dans son discours à l’Assemblée nationale française du 12 septembre 1947, à l’occasion des discussions relatives au statut de l’Algérie, le député du Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques (MTLD)[18] Messaoud Boukadoum dénonça la non-application de la loi de séparation à l’islam : « la main mise de la colonisation […] a porté un coup très rude à la religion musulmane, malgré le principe de la laïcité proclamé sans cesse par l’État français »[19].

La prédication et l’enseignement furent deux instruments fondamentaux de diffusion des idées islahistes dans la société algérienne. Toutefois, les islahistes, comme d’autres courants politiques et culturels, utilisèrent également la presse écrite. Face à la mobilisation de ce moyen d’expression, l’administration coloniale développa une légalisation d’exception afin d’encadrer la parole publique algérienne alors que des lois garantissaient la liberté de la presse pour les citoyen·nes français·es. En 1935, le décret Régnier permit de réprimer toute provocation incitant à « des désordres », « des manifestations contre la souveraineté française » et « la résistance contre l’application des lois, règlements ou ordres de l’autorité »[20]. L’opposition entre un régime globalement libéral de gestion de la liberté de la presse française et la limitation et la répression envers les publications algériennes se trouvait donc encore renforcée.

À la même période, l’administration coloniale interdit aussi plusieurs journaux islahistes arabophones. En juillet 1925, le cheikh Abdelhamid Ben Badis lança le journal al-Muntaqid – Le censeur – qui se présentait comme un « journal national indépendant, agissant pour le bonheur du peuple algérien avec l’aide de la France démocratique », afin de diffuser les idées islahistes. Jugé subversif par l’administration coloniale, le journal fut finalement interdit au bout de seulement dix-huit numéros. En réponse à cette interdiction, en novembre 1925, Abdelhamid Ben Badis fonda le périodique ash-Shihab – Le Météore – qui fut largement diffusé jusqu’en 1939[21]. D’autres publications furent interdites : as-Sounna, par décision administrative en juin 1933, et son successeur immédiat ash-Sharia deux mois plus tard[22]. Pendant, la seule année 1933, l’administration coloniale interdit six titres en langue arabe dont trois appartenant à l’Association des oulémas et trois à Abu-l-Yakdhan, un éditorialiste arabophone originaire du Mzab.

Expliquant ce processus de répression contre la presse arabophone, Zahir Ihaddaden affirmait : « l’administration coloniale exerça une répression stricte sur la presse de langue arabe. Sur les 38 titres disparus, 31 étaient de langue arabe. Cet acharnement s’explique par le fait que la presse de langue arabe était considérée comme une presse étrangère et son interdiction relevait directement de l’autorité du ministre de l’Intérieur ; un simple rapport négatif du Gouverneur pouvait déclencher le processus de l’interdiction »[23].

Évidemment, les journaux islahistes ne furent pas les seuls à subir la répression du pouvoir colonial. L’hostilité de l’administration contre l’Émir Khaled, qui subit un procès, provoqua la disparition de L’Ikdam en 1923. L’Étoile Nord-Africaine (ENA) puis le Parti du Peuple Algérien (PPA) créèrent également leurs propres journaux afin de diffuser leurs idées nationalistes révolutionnaires. Édité en France, El-Ouma, l’organe de l’ENA, subit moins fortement la censure que les journaux édités en Algérie. Le mouvement nationaliste révolutionnaire créa d’autres journaux qui ne durèrent pas : Le Peuple Algérien en 1935, Le Parlement Algérien en 1939 – tous deux en langue française – et ash-Shaâb en 1937, en langue arabe. Tous ces journaux furent interdits par l’administration coloniale. Parallèlement à El-Ouma, ces journaux continuèrent à paraître clandestinement[24].

Après 1945, si les journaux nationalistes ne furent pas interdits, certains de leurs numéros furent saisis. Le titre nationaliste révolutionnaire El Maghrib El Arabi se vit ainsi confisquer de nombreuses éditions en 1948 et 1949, au motif que des « forces étrangères », tunisiennes et égyptiennes, se trouvaient à l’origine de sa publication. Toutefois, les lois étaient jugées trop peu contraignantes par l’administration coloniale qui les contournait pour mener la répression. Ainsi, la publication nationaliste révolutionnaire L’Algérie libre subit une « saisie préventive » en août 1949, alors que la libéralisation de la législation de guerre l’avait abrogée en 1945. Le préfet d’Alger justifia son action par la « menace pour l’ordre public » que le journal aurait constituée : sa décision fut confirmée par un tribunal d’appel à Alger qui déclara légale la confiscation de n’importe quel journal en « cas d’urgence » – c’est-à-dire en cas de remise en cause de la domination coloniale par les colonisé·es. Ainsi, « la justice se déchargeait des prérogatives fondamentales en matière de libertés de la presse et renonçait à son indépendance vis-à-vis de l’administration. Les années 1950 furent marquées par une répression de plus en plus sévère et un recul de l’État de droit »[25].

Les entraves à la liberté d’expression, de culte et d’association ne touchèrent pas uniquement l’expression au sein des lieux de culte musulman ou de la presse nationale algérienne. L’administration coloniale s’attaqua également de manière systématique à l’enseignement de l’islam et de la langue arabe, notamment lorsqu’ils étaient dispensés dans des écoles islahistes ou nationalistes révolutionnaires.

Fermer les médersas nationalistes

Si le courant islahiste incarné par l’Association des oulémas consacra l’essentiel de son action à l’enseignement de l’islam et de la langue arabe, le courant nationaliste révolutionnaire de l’Étoile Nord-Africaine au PPA-MTLD investit également le champ de l’enseignement de l’islam et de la langue arabe, notamment après la Seconde Guerre mondiale ; pour ce courant, il s’agissait à la fois de défendre une identité culturelle attaquée par la colonisation et d’investir le champ de l’éducation, et au-delà associatif, afin d’imposer son hégémonie sur la société algérienne colonisée. Ces actions, orientées en priorité vers les jeunes élèves, étaient perçues comme une double obligation : patriotique et sacrée[26].

Enjeux de pouvoir entre les différents courants politiques et religieux qui traversaient la société algérienne, les médersas[27] où l’enseignement se développait, étaient également un véritable problème « sécuritaire » pour les autorités coloniales. Comprenant l’enjeu idéologique et politique de la prise de contrôle des médersas par le PPA-MTLD qui voulait en faire des relais de sa politique nationaliste, l’administration coloniale mena une lutte acharnée contre ces écoles musulmanes. Nous prendrons comme cadre de notre propos la politique menée par l’administration coloniale contre les médersas du PPA-MTLD dans le département d’Alger entre 1945 et 1954.

L’administration craignait particulièrement l’influence des tolba[28] sur la population algérienne, notamment dans les douars les plus reculés où leur influence demeurait importante. Après la campagne pour les élections à l’Assemblée algérienne du 4 avril 1948, les autorités coloniales de la région de Ténès proposèrent un « plan d’action » contre les écoles coraniques de la région car les tolba étaient considérés comme des pièces maîtresses dans la diffusion des idées nationalistes. Souvent, selon ces autorités, les orateurs du PPA-MTLD s’exprimaient en arabe littéraire pour n’être compris que des tolba qui répandaient leurs idées nationalistes révolutionnaires à l’intérieur des douars sans faire de réunions publiques. L’administration voulut mener une enquête sur chaque enseignant·e et faire fermer les écoles coraniques fonctionnant sans autorisation[29].

Au-delà des tolba, l’administration cherchait à lutter contre les médersas directement contrôlées par les militants du PPA-MTLD. Pour cela l’administration exerçait une pression constante pour vérifier les conditions d’enseignement et les autorisations d’enseigner des professeur·es. Elle cherchait à faire fermer systématiquement les écoles qui ne répondaient pas aux critères administratifs ou qui fonctionnaient sans autorisation.

Deux écoles coraniques furent ainsi fermées dans la commune de l’Arba. La première avait été ouverte sans autorisation à la fraction Beni Mellah sur le territoire de la commune par le militant PPA-MTLD Lahoussine Zerrouki. Après enquête, l’administration décida sa fermeture. Une seconde école coranique fut ouverte dans la commune de l’Arba par le chef local du PPA-MTLD, Mustapha Saharaoui, dans les locaux du cercle El-Ihsane. L’enseignement était assuré par Belkacem Ouardani de Berrouaghia et la nièce de Mustapha Saharaoui. L’école coranique accueillait une cinquantaine d’élèves – dont la moitié de jeunes filles – âgé·es de 4 à 8 ans. Mustapha Saharaoui avait ouvert une seconde classe, à la charge du cercle, dans sa propriété à 500 mètres du village. Après y avoir découvert des recueils de chants nationalistes et des journaux arabes interdits, les autorités décrétèrent la fermeture de l’école le 5 janvier 1950.

À la suite de cette fermeture, les membres d’El-Ihsane firent de la réouverture de la médersa l’une de leurs priorités au niveau local. Le PPA-MTLD voulait se servir de ce type d’affaires pour montrer son action en matière d’éducation et pour dénoncer l’administration qui cherchait à entraver son action dans un pays gangrené par l’analphabétisme. Dans le cadre de ce combat, en octobre 1950, les militant·es du PPA-MTLD obtinrent le soutien du Comité Chrétien d’entente France-Islam qui protesta contre la fermeture de l’école coranique. Le 24 septembre 1951, au cours d’une réunion, les membres du conseil d’administration demandèrent la réouverture de la médersa, décidèrent de mettre en place une visite médicale mensuelle pour les élèves de l’établissement et votèrent les crédits pour l’achat d’une petite bibliothèque. Les militant·es nationalistes ne purent obtenir la réouverture de la médersa. En 1954, les militant·es du PPA-MTLD créèrent l’association En-Nadjah afin de fonder une nouvelle médersa à l’Arba mais le déclenchement de la Révolution en novembre 1954 mit un terme à l’expérience.

A Maison-Carrée, l’administration s’opposa à plusieurs projets d’ouverture d’écoles coraniques. En 1949, elle s’opposa au projet porté par des militant·es du PPA-MTLD dans le quartier Belfort ; le 12 septembre 1950, à une association dirigée par des militant·es du PPA-MTLD dans le lotissement Monin. Le 22 janvier 1953, elle donna un avis défavorable à l’ouverture d’une école coranique par Mohammed Bouakkaz, qui avait été militant actif du PPA-MTLD entre 1947 et 1950, en raison de ses engagements nationalistes passés.

Lorsqu’une école coranique était fondée sans autorisation administrative, les autorités s’attachaient à la faire fermer. L’école coranique Tarbia ou Taalim, fondée en 1950 par des militant·es du PPA-MTLD et dirigée par Mohammed Bouakkaz, fut fermée le 18 mars 1952 au motif qu’elle n’avait pas d’autorisation administrative[30]. Malgré cette politique répressive, les militant·es du PPA-MTLD contrôlaient l’école coranique Laatissam de Maison-Carrée.

Dans les zones rurales, l’administration luttait également contre les médersas nationalistes révolutionnaires. Cette lutte était particulièrement vive dans la commune mixte de Maillot où il existait de nombreux établissements d’enseignements religieux en raison de la forte influence de l’Association des oulémas. Les médersas « soumises à l’influence du PPA-MTLD, ou plus souvent à celle de l’association des ouléma réformistes » s’efforçaient, selon les autorités coloniales, « sous couvert d’instruction coranique, d’insuffler dans les jeunes esprits des idées séparatistes »[31].

En février 1953, sept écoles coraniques fonctionnaient irrégulièrement dans la commune mixte de Maillot. Certains tolba avaient déjà été condamnés à des peines d’amende et à la fermeture de leurs établissements : le 28 décembre 1948, Moussa Khiari avait été condamné à 1 000 francs d’amende pour ouverture d’école sans autorisation ; le 24 mai 1949, Mohammed Gasmi à 1 000 francs d’amende ; le 2 janvier 1950, Abdelmalik Foudala à 3 000 francs d’amende ; et le tribunal correctionnel d’Alger avait condamné Mohammed Talbi, Ali Safia et Hamouche Berkane à 10 000 francs d’amende.

Début octobre 1954, après l’ouverture, sans autorisation en juin de la même année, d’une école coranique de tendance « Ouléma – MTLD » à la fraction Cheurfa au douar Tiksiridène, dans la commune mixte de Maillot, le juge de paix de Bouira condamna Mohammed Ben Amar, instituteur, Mohammed Merzouk, président de la djemaa[32] MTLD du douar, et Mohammed Saïd Merzouk, président du conseil d’administration de l’établissement, à 10 000 francs d’amende chacun. L’enseignant qui était aussi imam de la mosquée de Cheurfa, Mohammed Ben Amar, originaire de Miliana, s’était installé à Maillot à la demande de Mohammed Merzouk. Le conseil d’administration de l’école comprenait cinq membres de la djemaa MTLD du douar. Les autorités décidèrent la fermeture de l’école qui scolarisait 70 jeunes garçons et filles[33].

Dans une société à 80 % analphabète où les autorités coloniales ne déployaient pas de grands efforts pour scolariser l’ensemble des enfants algérien·nes en âge de l’être, le PPA-MTLD avait beau jeu de dénoncer l’opposition de l’administration à son œuvre éducative et ne pouvait sortir que gagnant de cette confrontation. En effet, si l’administration coloniale ne s’opposait pas à son action, il pouvait diffuser ses idées nationalistes et montrer à l’ensemble de la population algérienne son rôle en matière éducative ; si l’administration s’opposait à son action alors le PPA-MTLD apparaissait comme la victime d’une administration coloniale qui encourageait l’analphabétisme. Cette action éducative accroissait donc son audience au sein de la population algérienne.

Le PPA-MTLD dénonçait également les atteintes à la liberté du culte musulman que charriait la politique étatique de répression contre les médersas nationalistes. Dans son numéro du 15 octobre 1954, l’organe du PPA-MTLD, La Nation Algérienne, écrivait à propos de la condamnation des responsables de l’école coranique de la commune mixte de Maillot : « Récemment une série de condamnations à l’amende a été prononcée contre le président du conseil d’administration de la mosquée, l’imam et le président du douar. […] Et pour montrer que l’on respecte bien l’Islam la fermeture de la mosquée a été ordonnée. Le motif d’une telle décision ? Enseignement de la langue arabe sans autorisation ! Et, oui, l’interdit existe encore. Au fait, a-t-il jamais cessé. Nous croyons savoir que la langue arabe est la langue officielle, selon les dispositions mêmes du statut de l’Algérie. […] Les décisions de cette sorte entrent dans le cadre du plan déjà ancien, destiné à empêcher la diffusion de notre langue maternelle. Il appartient à la population de Cheurfa d’exiger la réouverture de la mosquée et la levée des sanctions qui frappent ses trois valeureux représentants »[34].

Le déclenchement de la Révolution entraîna la fermeture de l’ensemble des médersas nationalistes, ouvertes avec autorisation, par l’administration coloniale. La répression impliquait la fermeture de tout espace de liberté dans lesquels les Algérien·nes pouvaient exprimer une identité culturelle combattue par la colonisation.

La migration de l’exception coloniale

Avec les débuts de l’émigration algérienne vers la France au début du XXème siècle, l’exception coloniale ne se limita plus aux territoires colonisés. Elle migra vers l’Hexagone car, contrairement aux immigrations européennes, celle-ci ne fut pas encadrée par le droit commun. Ainsi, comme l’écrivait Malek Bennabi, « “l’indigénat” avait traversé plus aisément la Méditerranée que les “indigènes” »[35].

Le 20 décembre 1923 fut institué à la préfecture de police de Paris, sur demande du conseiller municipal de Paris, André-Pierre Godin (1872-1954), qui avait fait carrière dans l’administration coloniale en Algérie[36], le « Service des Affaires Indigènes Nord-Africaines » (SAINA). Inauguré en février 1925 et établi 6 rue Lecomte dans le XVIIème arrondissement de Paris, le SAINA visait à encadrer toute la vie des Maghrébin·es en France, en regroupant les services administratifs, sociaux, sanitaires et de contrôle. Le « Service » s’organisait en deux sections placées sous les ordres d’un même chef : la première s’occupait du contrôle strictement policier et la seconde de l’« assistance » aux immigré·es.

Ainsi, la pratique de l’exception ne s’appliquait pas uniquement à l’action de la police, mais elle concernait l’ensemble de la vie des immigré·es maghrébin·es qui, suivant une logique ségrégationniste, constituaient une population entièrement à part, un corps d’exception. Deux institutions, dont André-Pierre Godin fut l’un des cofondateurs, marquèrent cette pratique de l’exception : la Mosquée de Paris et l’Hôpital franco-musulman de Bobigny.

Si le projet datait de plusieurs décennies, la Mosquée de Paris vit le jour après la guerre 1914-1918 car, selon le maréchal Lyautey, il s’agissait d’un « édifice facile à surveiller »[37]. La mosquée devait servir à redorer l’image de la France dans le monde musulman et à contrôler la vie religieuse des immigré·es et des étudiant·es maghrébin·es à Paris. Lié aux milieux coloniaux, Kaddour Benghabrit fut placé à la tête de la mosquée. Il se fit seconder par un aide de camp détaché par les Affaires musulmanes militaires[38]. La mosquée apparaissait donc davantage comme un organe de surveillance et de contrôle que comme une institution religieuse visant à l’élévation spirituelle des fidèles.

Cette première forme d’organisation du culte musulman dans l’Hexagone sous le contrôle de l’administration et selon des modes de fonctionnement coloniaux inaugurait la manière dont l’État français allait maintenir le culte musulman, et plus largement les musulman·es, dans un état d’exception coloniale permanent, qui connaît des reformulations et des actualisations continues afin de mieux se maintenir, et s’est manifesté avec une rigueur toujours plus accrue ces trente dernières années.

Le débat sur le port du foulard dans les établissements scolaires publics à partir de la rentrée 1989 puis son interdiction par la loi du 15 mars 2004 a ravivé de vieilles perspectives coloniales[39] et a constitué un précédent dans l’Hexagone. La France a voté une loi spécifique, même si cela n’a pas été formulé ainsi pour des raisons de respect d’une légalité formelle, contre une minorité religieuse déterminée, les musulman·es. La République a ouvert une boîte de Pandore qu’il s’avérera bien difficile de refermer par la suite, comme le montrent les « propositions » de nouvelles lois d’exception régulièrement remises sur la table. Avec le vote de cette loi, les mécanismes de l’exception coloniale ont été réactivés juridiquement par l’adoption de lois spécifiques contre une minorité religieuse qui pourra être légalement soumise à une législation d’exception. Après la loi du 15 mars 2004, une loi interdisant le port du niqab a d’ailleurs été votée en 2010.

De ce fait, la loi contre le « séparatisme » voulue par Emmanuel Macron, s’inscrit dans ce que l’historien Hans Mommsen appelle une spirale de « radicalisation cumulative » de la société, qui aboutit à adopter un discours, une pratique et une législation toujours plus répressifs contre la minorité musulmane. Cette « radicalisation cumulative » se traduit pratiquement par la mise en place d’un appareil législatif discriminatoire et par l’adoption de pratiques administratives et policières spécifiquement dirigées contre les musulmanes, les musulmans et les personnes identifiées comme telles. Ces pratiques aboutissent à une fuite en avant dans la répression contre la communauté musulmane traitée comme un corps d’exception. Car, derrière les attaques ininterrompues contre le foulard et celles qui le portent, il s’agit pour tous les suprémacistes de maintenir et de renforcer l’exception, seule capable de préserver leurs privilèges raciaux face aux non-Blanc·hes, en général, et face aux musulman·es, en particulier.

Cette « radicalisation cumulative » entraîne également une « radicalisation discursive » de l’État et de ses appareils idéologiques, avec l’appui de groupes de pression[40] qui poussent à la mise en place d’une répression accrue contre l’islam, les musulmanes, les musulmans et les personnes perçues comme tels. Cette « radicalisation discursive » s’exprime notamment dans les médias dominants, où les prises de parole se font en faveur d’une répression toujours plus intense contre la communauté musulmane, car, d’après ces médias, l’État n’irait jamais assez loin et ne taperait jamais assez fort dans sa répression. L’État ou les collectivités territoriales sont même insidieusement soupçonnés de « complaisance » avec un « multiculturalisme », qu’ils récusent pourtant tant en paroles qu’en pratique. Ces discours islamophobes permettent d’entériner les législations discriminatoires et de préparer le terrain à de nouvelles lois répressives, voire à des passages à la violence de la part de groupes ou d’individus.

L’adoption de la loi contre le séparatisme et l’imposition par le gouvernement d’une « Charte » aux associations cultuelles musulmanes marquent une nouvelle étape dans la mise en œuvre de l’exception coloniale. Une législation particulière, et évidemment plus restrictive, s’impose sans le dire à la minorité musulmane qui est sortie du droit commun garantissant les libertés fondamentales d’expression, d’association ou de culte. La vieille logique coloniale du monde « coupé en deux », non pas par des « séparatistes » non-blanc·hes mais par l’État et ses appareils idéologiques, se réaffirme sans ambages sous couvert de lutte contre toute expression de non-blanchité[41] dans l’espace public[42]. Ainsi, de nouvelles lois et dispositions islamophobes risquent d’être adoptées en vue de la mise en place d’un véritable appareil législatif d’exception, une sorte de « néo-Code de l’Indigénat », qui s’appliquerait exclusivement à la minorité musulmane.

Face à cette perspective, seule une décolonisation intérieure des anciennes « métropoles » peut nous amener à la perspective d’une égalité réelle et à mettre à mal le monde « coupé en deux » créé par le système colonial-capitaliste. Cette décolonisation intérieure est évidemment le contraire de la « diversité » d’un antiracisme folklorique et cosmétique mais repose sur le démantèlement des législations et des institutions d’exception fondées par le système colonial qui perdurent dans les « métropoles ». La lutte pour la décolonisation intérieure est d’abord une question d’égalité, et l’égalité n’est nullement négociable. Elle est ou elle n’est pas.

[1] F. Fanon, Les damnés de la terre, Paris, Gallimard, 1991, p. 68-71

[2] Dans sa Contre-histoire du libéralisme, Domenico Losurdo met en avant ce « paradoxe » : « en bref, Grostius et Bodin sont contemporains. Si le premier parle au nom de la Hollande libérale à sa façon, le second est théoricien de la monarchie absolue. Mais c’est le second, et non le premier, qui remet en cause le pouvoir absolu que le maître exerce sur ses esclaves ». Cf. D. Losurdo, Contre-histoire du libéralisme, Paris, La Découverte, 2014, p. 43

[3] Le Patriote, 24 août 1789

[4] Rappelons que le terme « mulâtre » est insultant puisqu’il provient du mot mulet désignant le croisement entre une jument et un âne.

[5]  Il fallut que les « libres de couleur » prennent les armes en octobre 1790 à Haïti pour que la citoyenneté française leur soit accordée, les 15 mai 1791 et 28 mars 1792. Toutefois, cette citoyenneté leur fut retirée par Napoléon Bonaparte en mai 1802. De même, ce ne fut que trois ans après le début de la révolte des esclaves à Haïti en août 1791 que l’esclavage fut aboli et que les anciens esclaves purent accéder à la citoyenneté (4 février 1794). Avec le rétablissement de l’esclavage par Napoléon Bonaparte en mai 1802, les esclaves affranchis en 1794 perdirent également leur statut de citoyen. « Libres de couleur » ou esclaves, la reconnaissance de l’humanité des non-Blancs a d’abord dépendu de leur capacité à la faire reconnaître les armes à la main. Du coté des dirigeants français, en faisant ces concessions aux non-Blancs, ils espéraient certainement garder dans le giron de la France la « perle des Antilles » qu’était Saint-Domingue (Haïti).

[6] A. Girault, Principes de colonisation et de législation coloniale, Paris, Larose, 1895, p. 305

[7] O. Le Cour Grandmaison, De l’Indigénat, Anatolie d’un « monstre » juridique : le droit colonial en Algérie et dans l’Empire français, Paris, Zones, 2010

[8] P. Zessin, « Presse et journalistes « indigènes » en Algérie coloniale (années 1890-années 1950) », Le Mouvement Social, 2011/3 (n° 236)

[9] Par exemple l’ouvrage du catholique traditionaliste et secrétaire du général Bugeaud, Louis Veuillot, met particulièrement en avant l’esprit de Croisade animant une partie des acteurs catholiques de la conquête de l’Algérie. Cf. L. Veuillot, Les Français en Algérie, Souvenir d’un voyage de 1841, Tours, Bibliothèque de la jeunesse chrétienne, 1845

[10] S. Sellam, La France et ses musulmans, Un siècle de politique musulmane, 1895-2005, Alger, Casbah, 2007, p. 163-170

[11] M. Bennabi, SOS… Algérie, in La guerre de la libération, Alger, Alem El Afkar, 2010, p. 33

[12] A. Merad, Le réformisme musulman en Algérie de 1925 à 1940, Essai d’histoire religieuse et sociale, Alger, El-Hikma, 1999, p. 353-354

[13] Mouvement réformateur musulman qui voulait revenir aux sources de l’islam afin d’en donner une interprétation fidèle et en même temps adaptée au contexte de la société algérienne contemporaine. Cf. A. Merad, Le réformisme musulman en Algérie de 1925 à 1940, op. cit.

[14] Ibid., p. 89

[15] Ibid., p. 355

[16] Mémoire sur la séparation du culte et de l’État, Paris, Héritage, 2022, p. 8-9

[17] Ibid., p. 32

[18] Parti du peuple algérien (PPA), qui était interdit depuis septembre 1939, avait une façade légale, le Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques.

[19] L’intégralité du discours de Messaoud Boukadoum in Djamel Eddine Derdour, De l’Étoile Nord-Africaine à l’indépendance, Alger, Hammoud, 2001, p. 143-151

[20] P. Zessin, « Presse et journalistes « indigènes » en Algérie coloniale (années 1890-années 1950) », art. cit.

[21] Z. Ihaddaden, « Politique et religion dans la presse algérienne avant 1940 », Oran, CRASC, 2015, p. 25-32

[22] P. Zessin, « Presse et journalistes « indigènes » en Algérie coloniale (années 1890-années 1950) », art. cit.

[23] Z. Ihaddaden, « La presse nationaliste avant 1954 », The Algerian Communication Journal, Vol. 4, n° 8, p. 41-52, 1/01/1992

[24] Ibid.

[25] P. Zessin, « Presse et journalistes « indigènes » en Algérie coloniale (années 1890-années 1950) », art. cit.

[26] M. El Korso, « Structures islahistes et dynamique culturelle dans le mouvement national algérien 1931-1954 », in O. Carlier et F. Colonna, Lettrés, intellectuels et militants en Algérie, 1880-1950, Alger, OPU, p 60

[27] Les médersas étaient des écoles libres de niveau primaire, et rarement secondaire, enseignant la langue arabe, l’islam mais également l’histoire, la géographie ou les mathématiques.

[28] Pluriel d’ « étudiants ». Ces « étudiants » maîtrisant l’arabe littéraire enseignaient dans des écoles de niveau primaire.

[29] Centre des archives d’outre-mer (CAOM), 4I 209

[30] CAOM 4I 203

[31] Ibid.

[32] Assemblée des membres du MTLD dans une localité.

[33] CAOM 4I 203

[34] La Nation Algérienne, 15 octobre 1954

[35] M. Bennabi, Mémoires d’un témoin du siècle, Alger, Samar, 2006, p. 102

[36] Né le 4 janvier 1872 à Francs en Gironde, après avoir été licencié en droit, mention certificat d’études supérieures de législation algérienne et tunisienne en droit musulman et coutumes indigènes, André-Pierre Godin avait été rédacteur stagiaire au gouvernement général de l’Algérie en avril 1896 puis rédacteur en avril 1897. Entre 1905 et 1909, André-Pierre Godin avait été sous-préfet de Médéa en Algérie. André-Pierre Godin était marié à une européenne d’Algérie possédant des intérêts dans la colonisation agricole.

[37] S. Sellam, La France et ses musulmans, op. cit., p. 180

[38] Ibid. p. 181

[39] Cf. F. Fanon, « L’Algérie se dévoile », in L’an V de la révolution algérienne, Paris, La Découverte, 2011,  p. 15-46

[40] Ces groupes se répartissent sur un arc large du spectre politique et idéologique français allant d’une « gauche » nationale-républicaine assimilationniste, particulièrement active sur la question depuis l’affaire du foulard de Creil en 1989, à une extrême-droite identitaire.

[41] Les expressions de non-blanchité dans l’espace public peuvent aller, évidemment, de certaines tenues de femmes musulmanes « visibles » à la protestation contre la présence, toujours trop nombreuse, de commerces dits « ethniques » dans certains territoires urbains, en passant par la stigmatisation de toute pensée critique non-blanche à l’université.

[42] La dernière « polémique » sur les tenues dites « islamiques » montre qu’il y a une tentation permanente de renforcer les législations d’exception afin d’interdire toute expression de non-blanchité dans l’espace public. Le fait qu’Emmanuel Macron qualifie le port de ces tenues « d’épidémie », s’inscrit dans l’héritage du discours colonial « classique » visant à présenter le colonisé comme le « mal absolu » dans un vocabulaire hygiéniste ou zoologique.