Lancée par SOS Racisme, une pétition fait l’amalgame entre recherche et fichage ethnique. Un collectif de chercheurs proteste, inquiets des difficultés croissantes à réaliser des enquêtes qui touchent à l’immigration, aux discriminations et au racisme.
A l’initiative de SOS-racisme, une nouvelle pétition vient d’être lancée contre « les statistiques ethniques », intitulée : « Fiche pas mon pote ». Elle prend pour cible « une grande enquête publique » qui « prévoit de demander à 24 000 personnes de répondre à des questions comme ”De quelle couleur de peau vous diriez-vous ?” » ou ”Avez-vous une religion ? Si oui, laquelle ?” Etc. », et elle appelle d’urgence à « se mobiliser devant ce renoncement aux principes fondateurs de notre République ».
De quoi s’agit-il ? Depuis plus de deux ans, un groupe d’une quinzaine de chercheurs préparent sous l’égide de l’INSEE et de l’INED une enquête intitulée “Trajectoires et Origines, enquête sur la diversité des populations en France”, qui a pour objectif d’analyser l’impact de l’origine dans l’accès au logement, à l’éducation, à l’emploi, aux loisirs, aux services publics et prestations sociales, aux réseaux de relations, etc.. Le questionnement porte sur l’ensemble des facteurs –sociaux, culturels, générationnels, géographiques, liés à l’origine ou au sexe – susceptibles d’intervenir pour favoriser ou limiter cet accès aux ressources.
La couleur de peau et la religion en font partie, parmi d’autres. Il ne s’agit nullement « d’enfermer » les personnes interrogées dans des « catégories ethno-raciales », il ne s’agit nullement de recenser les personnes selon leur origine, de faire des « statistiques ethniques » mais plutôt d’évaluer, de mesurer la place de l’ethnicité dans la définition de soi, dans l’assignation à une différence non revendiquée et dans les trajectoires socio-professionnelles. Libre à la personne interrogée de répondre ou de ne pas répondre, de se sentir ou non discriminée en raison de sa couleur de peau ou de sa religion, de mettre en avant plutôt le fait d’être une femme, ouvrière ou employée, trentenaire, ou habitant en banlieue, ou tout ça à la fois !
Contrairement à ce que laisse entendre la pétition, l’échantillon ne se limite pas aux « victimes potentielles » du racisme et des discriminations. Il est conçu pour représenter l’ensemble de la population résidant sur le territoire, dans sa diversité, en comparant cinq groupes distincts : un échantillon de 9 600 immigrés, un échantillon de 9 600 descendants directs d’immigrés, un échantillon de 800 originaires des DOM, un échantillon de 800 descendants d’originaires des DOM nés en métropole et un échantillon de 3 400 personnes nées en France de parents tous deux nés en France métropolitaine.
La visée de l’enquête est scientifique, sa démarche rigoureuse et systématique. S’il est légitime que les acteurs de la société civile interpellent les scientifiques, il serait ironique que des associations qui ont pour objectif de défendre les droits et les libertés cherchent à imposer une censure préalable de la recherche. Il est toujours dangereux que des acteurs politiques prétendent dire quelle est la « bonne » science !
Remplacer l’enquête, comme le suggère la pétition, par du testing à grande échelle, n’a pas de sens. Le testing a toute son utilité pour révéler des pratiques discriminatoires ouvertes. Il ne permet pas de reconstruire et comparer des trajectoires socio professionnelles, d’aller à la racine des inégalités et de repérer leur imposition, fût-elle involontaire. Du reste, en choisissant de présenter des candidats « noirs », « arabes » ou « maghrébins » et « français blancs », le testing manipule les catégories par lesquelles se construisent les discriminations. On n’échappe pas si facilement à la catégorisation !
Accuser enfin les chercheurs et les chercheuses mobilisés dans cette entreprise de renier les principes de la république est une insulte qui laisse incrédule. Leur souci premier est de comprendre et d’expliquer les atteintes au premier des droits proclamés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et repris par la Constitution : l’égalité.
Signataires :
Valérie Amiraux, sociologue, CNRS/Université de Montréal
Armelle Andro, démographe, Paris1/ Ined
Lionel Arnaud, sociologue, Université de Rennes 1
Christelle Avril, sociologue, Université Paris 8.
Marie-Hélène Bacqué, sociologue, CNRS-université d’Evry
Nathalie Bajos, socio-démographe, INSERM-INED
Nicolas Bancel, historien, Université de Lausanne
Philippe Bataille, sociologue, Université de Poitiers-CADIS
Martine Barthélemy, politiste, CEVIPOF
Alain Battegay, sociologue, CNRS
Jean Baubérot. sociologue, EPHE
Cris Beauchemin, démographe, INED
Yann Beldame, doctorant en anthropologie, EHESS-Paris.
Alban Bensa, anthropologue, EHESS
Laure Bereni, politiste, Centre Maurice Halbwachs.
Jean-Marc Bernard, économiste, IREDU
Fabienne Berton, socio-économiste, LISE CNRS-CNAM
Christophe Bertossi, Politologue, Ifri
Antoine Bevort, sociologue, LISE- CNAM
Pierre Billion, sociologue Université de Tours – Citeres
Marie-Claude Blanc-Chaléard historienne, Université de Paris I
Carole Bonnet, économiste, INED
Daniel Borrillo, juriste, CERSA-CNRS
Said Bouamama, sociologue, I.F.A.R. Lille
Dominique Boullier, sociologue, université Rennes 2
Jean Bourdon, économiste, IREDU-CNRS
Michel Bozon, sociologue, INED
Yaël Brinbaum, sociologue, IREDU-Université de Bourgogne
Sylvain Brouard, politiste, CEVIPOF
Marie Buscatto, sociologue, Université de Paris 1
Emmanuelle Cambois, Chargée de recherche à l’INED
James Cohen, politologue, Université de Paris VIII
Stéphanie Condon, géographe, Ined
Philippe Corcuff, politiste, IEP de Lyon
Philippe Coulangeon, sociologue, CNRS/Sciences-Po
Olivier Cousin, Sociologue, CADIS-CNRS
Thomas Coutrot, économiste, Dares
Françoise Cribier, géographe, CNRS, CMH
Yves Deloye, politiste, paris 1
Christine Delphy, sociologue, CNRS.
Véronique De Rudder, sociologue, URMIS-CNRS
Aline Désesquelles, démographe, INED
Cécile Détang-Dessendre, économiste, INRA-CESAER
Andrew Diamond, historien, Université de Lille 3
Milena Doytcheva, sociologue, Université de Lille 3
Sophie Duchesne, politiste, CEVIPOF
Jean-Marc Dupuis économiste CREM
Marie Duru-Bellat, sociologue-professeur des universités
Géraldine Duthé, démographe, INED
Renaud Epstein, sociologue,ENS Cachan
Eric Fassin sociologue ENS
Dan Ferrand-Bechmann Professeur à l’Université de Paris 8
Séverine Fontaine, doctorante en sociologie, EHESS,
Denis Fougere Economiste, Directeur de Recherches au CNRS
Joëlle Gaymu, démographe, INED
Bertrand Geay sociologue, Université de Picardie Jules Verne
Laurent Gobillon, économiste, INED
Nacira Guénif-Souilamas, sociologue, Paris 13
Nancy Green, historienne, EHESS
André Grelon, sociologue, directeur d’études EHESS
Jean-Paul Grémy Chercheur associé au CMH
Gérôme Guibert sociologue Lise, CNRS-Cnam
Virginie Guiraudon, politiste, CNRS-CERAPS, Lille
Florence Haegel, politiste, sciences-po
Christelle Hamel, sociologue, INED.
Reguina Hatzipetrou-Andronikou, Sociologue, CMH-PRO, EHESS
Alban Jacquemart, Sociologue, CEMS, EHESS
Maryse Jaspard, démographe, Université Paris1/Ined
Kerbourc’h Sylvain Sociologue CADIS-EHESS
Annick Kieffer Ingénieur de recherche au CNRS, SNTRS-CGT
Thomas Kirszbaum, sociologue, Université d’Evry Val d’Essonne (GEPECS, Paris V)
Gilles Laferté, sociologue, INRA
Antoine Lazarus professeur de médecine en Santé Publique et Médecine, Université Paris 13, Bobigny.
Joël Lebret, Doctorant en sociologie
Arnaud Lefranc, économiste, université de Cergy-Pontoise
Jocelyne Léger, Ingénieur CNRS, SNTRS-CGT
Christine Lelevrier, sociologue, IUP, Université Paris-XII
Eléonore Lépinard, Sociologue, ENS-Cachan
Yannick L’Horty, économiste, Université d’Evry Val d’Essonne/Centre d’Etudes de l’Emploi
Marie Lesclingand, démographe, Université de Nice/Ined
Michalis Lianos, sociologue, Université de Rouen
Françoise Lorcerie politiste CNRS-IREMAM
Eric Macé, sociologue, CADIS
Mohamed Madoui Sociologue, Enseignant-chercheur, CNAM, LISE-CNRS
Thierry Magnac, économiste, Université des Sciences Sociales de Toulouse
Catherine Marry, sociologue, CNRS
Bénédicte Martin, maître de conférences en sciences économiques, Université du Havre
Marco Martiniello sociologue, CEDEM/Université de Liège
Antoine Math, économiste, IRES
Guy Michelat sociologue, CNRS-CEVIPOV
Nonna Mayer, politiste, CNRS-CEVIPOF
Sarah Mazouz, doctorante (sciences sociales), EHESS.
Laure Moguérou, démographe, INED
Denis Meuret, IREDU,Université de Bourgogne
Dominique Meurs, économiste, INED et ERMES
Tariq Modood, sociologue, Université de Bristol
Laurent Mucchielli, sociologue, CNRS
Nadia Nakhili,doctorante Sciences de l’éducation IREDU
Pap Ndiaye, historien, EHESS
Olivier Noël, sociologue ISCRA-INED
François Orivel, économiste, IREDU-CNRS
Rim Otmani, sociologue, Centre Maurice Halbwachs
Ariane Pailhé, économiste, INED
Jean-Louis Pan Ké Shon, Statisticien, Ined
Paul Pasquali, doctorant en sociologie, Ens-Ehess
Jean-Jacques Paul, économiste, IREDU-Université de Bourgogne
Jean-Paul Payet, sociologue, Université de Genève
Camille Peugny, sociologue, Sciences Po, ATER à l’Université de Bourgogne
Roland Pfefferkorn, professeur de sociologie
Alexandre Piettre, sociologue, CSPRP-Université de Paris 7
Jean-Luc Primon, sociologue, Université de Nice
France Prioux, démographe, INED
Stéphanie Pryen, sociologue, Clersé-Université Lille III
Arnaud Régnier-Loilier, Sociologue, INED
Benoît Riandey, statisticien, INED
“spip”>Daniel Sabbagh, politiste, CERI Sciences Po
Mirna Safi, sociologue, Sciences-Po
Valérie Sala Pala, MCF en science politique, Université de Saint-Etienne
Emmanuelle Santelli, sociologue, chargée de recherche CNRS.
Harris Selod, économiste, Ecole d’Economie de Paris
Michel Simon, sociologue, Lille 1
Patrick Simon, démographe, INED
François de Singly, sociologue, Université Paris Descartes
Yves Sintomer, sociologue, Paris 8-Centre Marc Bloch
Joan Stavo-Debauge, sociologue, GSPM-EHESS
Roxane Silberman, sociologue, CNRS
Anne Solaz, économiste, INED
Nicole Tabard sociologue CNRS
Xavier Thierry, démographe, INED
Olivier Thévenon, économiste, INED
Laurent Thévenot, Directeur d’études, EHESS
Vincent Tiberj, politiste, CEVIPOF
Laurent Toulemon, démographe, INED
Alain Trannoy, économiste, EHESS
Alain Trautmann, immunologiste, Cochin/INSERM
Françoise Vergès, politiste, Londres, Réunion
Dominique Vidal, sociologue, Université de Lille 3
Signataires internationaux :
Richard Alba, sociologue, University at Albany, SUNY (US)
Rosa Apparicio, sociologue, Université Comillas (Espagne)
Michael Banton, Sociologue, UK
Rainer Bauböck, politiste, European University Institute, Florence (Italie)
Frank Bean, socio-démographe, Université de Californie-Irvine (US)
Richard Black, geographe, University of Sussex (UK)
Michael Bommes, sociologue, IMIS-Osnabrück University (Allemagne)
John Bowen, anthropologue, Washington University à St. Louis (US)
David Card, Professor of Economics, University of California, Berkeley
Thomas D. Cook, sociologue, Northwestern University
Olivier De Schutter, juriste, Université Catholique de Louvain (Belgique)
Don DeVoretz, economiste, Simon Fraser University (Vancouver), IZA (Bonn) et Asia Pacific Foundation of Canada
Nancy Foner, sociologue, Graduate Center City University of New York (US)
Richard B. Freeman, économiste, Harvard University, London School of Economics et NBER
Gaele Goastellec, sociologue, Université de Lausanne/OSPS (Suisse)
George Groenewold, demographe, NiDi (Pays-Bas)
Ramon Grosfoguel, anthropologue,Université de Californie-Berkeley (US)
Alec Hargreaves, sociologue, Florida State University
Anthony Heath, sociologist, University of Oxford (UK)
James J. Heckman, Professor of Economics, University of Chicago, Prix Nobel d’ Economie (2000)
Denise Helly, sociologue, INRS, Montréal (Canada)
Liesbeth Heering, demographe, NIDI (Pays-Bas)
Barbara Herzog-Punzenberger, sociologue, Université de Vienne (Autriche)
Michele Lamont, sociologue, Harvard university (US)
Philippe Losego, Sociologue, Haute Ecole Pedagogique, Lausanne (Suisse)
Claudio Lucifora, économiste, Universite Cattolicà et ERMES (Italie)
Timo Makkonen, juriste, Université d’Helsinki (Finlande)
Marco Martiniello, sociologue, FNRS (Belgique)
Douglas S. Massey, sociologue, Princeton University
Tariq Modood, sociologue, Université de Bristol (UK)
Rinus Penninx, Coordinateur du Réseau d’Excellence IMISCOE
Karen Phalet, social psychology and sociology of migration, Universities of Utrecht and Leuven (Netherlands and Belgium)
John Solomos, sociologue, City University London (UK)
Marc Swyngedouw, politiste, Université de Leuven (Belgique)
Dominic Thomas, Chair & Professor, UCLA (US)
Marta Tienda, sociologue, Princeton University
Gerard J. van den Berg, économiste, Free University, Amsterdam
Steven Vertovec, Anthropologue, Max Planck Institute for the study of religious and ethnic diversity (Allemagne)
Raivo Vetik, politiste, Université de Tallin (Estonie)
Meng Xin, économiste, Australian National University (Australie)
Klaus Zimmerman, economiste, Bonn University, Directeur de l IZA (Bonn) et President du DIW (Berlin)
Aristide Zolberg, Politologue et historien, NSSR New York (US)