Dans la lutte contre les inégalités, l’impôt est outil sous-utilisé. Vincent Drezet revient sur l’évolution néolibérale récente de la fiscalité en France, et propose quelques pistes pour réformer l’impôt pour plus d’égalité et de justice fiscale. Il est temps, suggère-t-il, de reconsidérer une approche fis-cale qui prendrait mieux en compte les inégalités de patrimoine dans une perspective de réhabilitation des impôts directs.
Pourquoi s’en prendre aux riches ? Ne faut-il pas, dans une société moderne, favoriser la création de richesses et faire en sorte que les riches restent sur le territoire, pour qu’ils investissent leurs richesses (qui ne constituent que la juste contrepartie de leurs efforts et de leurs mérites) afin de favoriser la croissance (au besoin, « verte ») et l’emploi ? Une politique économique ne doit-elle donc pas faire en sorte d’être fiscalement attractive, afin de retenir ces riches, et d’en attirer d’autres, plutôt que de les faire partir, ce qui n’aurait pour conséquences que de priver l’État de ressources budgétaires (fortes utiles en ces temps de crise) et l’économie de richesses, indispensables à la croissance ? Telles sont, au fond, les principaux arguments avancés par un certain discours dominant, largement acquis aux thèses dites « libérales » ou « néolibérales », c’est selon. En son temps, le chancelier Helmut Schmidt avait théorisé cette approche en ces termes : « les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après demain ».
Il faut, pour répondre à ces « arguments » point par point, tout d’abord examiner les effets des choix fiscaux de ces dix dernières années, celles au cours desquelles la fiscalité a connu les bouleversements les plus profonds. Ceci nous permettra de voir en quoi ces choix ont accompagné et dynamisé la hausse des inégalités dans un contexte de capitalisme financier en crise et en quoi cela n’a même pas eu les effets positifs avancés sur la croissance et sur l’emploi. Nous en conclurons que l’impôt doit jouer un rôle plus actif dans la réduction des inégalités, à la fois dans le but de rechercher une plus grande justice fiscale dans la redistribution des richesses, condition nécessaire au maintien du « pacte social » dans une démocratie, mais également, plus prosaïquement, dans un but de sortir de la crise en répartissant mieux la dette de la crise dans un contexte de forte pression sur les finances publiques.
Dix ans de fiscalité « néolibérale »
Des fondamentaux historiques de l’impôt progressivement sapés
L’impôt a trois fonctions : financer les politiques publiques, corriger les inégalités et inciter à modifier les comportements (économiques, sociaux et environnementaux, dans un sens plus vertueux et efficace). Ces fonctions sont contestées par le discours dominant. Sur la base d’une logique portée, en son temps, par Margaret Thatcher, pour qui « il n’y a pas de société, il n’y a que des individus », celui-ci voit dans l’avènement de l’individu roi peu d’intérêt à maintenir une action publique développée. Il considère en outre que les inégalités sont inhérentes à la nature humaine et même souhaitables puisque censées récompenser le mérite. Il a enfin favorisé l’inflation de mesures fiscales dérogatoires au point d’en arriver à une fiscalité complexe et illisible, mais aussi très injustes, puisque l’utilisation des niches fiscales par les plus aisés a permis l’explosion des stratégies de défiscalisation.
Ces remises en cause du sens de l’impôt constituent le fondement des évolutions récentes de la fiscalité, elles ont principalement bénéficié aux plus aisés. Pour simpliste que l’affirmation puisse paraître, elle n’en conserve pas moins sa vérité, à telle enseigne que l’on entend de moins en moins ceux qui dénoncent le caractère confiscatoire de la fiscalité française.
Bilan de dix ans de baisses des impôts directs
L’imposition des revenus des personnes physiques (impôt sur le revenu, contribution sociale généralisée et contribution au remboursement à la dette sociale) représente 7,7 % des prélèvements obligatoires en 2006 contre plus de 9 % dans les pays de l’OCDE |1|. Pour le seul impôt sur le revenu, la proportion est de 2,5 % du PIB, une part faible qui s’explique par la structure des prélèvements obligatoires (dans laquelle les cotisations sociales, déductibles du revenu soumis à l’impôt sur le revenu, occupent une place importante du fait du système de sécurité sociale) mais aussi par les baisses intervenues depuis une dizaine d’années.
Le bilan des baisses des taux du barème de l’impôt sur le revenu intervenues entre 2000 et 2007 est éloquent. Outre la réduction du rendement de l’impôt, ces baisses ont affaibli la progressivité et ont essentiellement profité à une minorité de contribuables sans pour autant relancer la croissance, ce qui était (et reste toujours) l’objectif affiché à chaque nouvelle mesure fiscale.
Chaque baisse d’impôt a généré des manques à gagner budgétaire qui se sont cumulés. En 2007, le rapporteur du budget à l’Assemblée nationale |2| estimait qu’en l’absence de réforme, l’impôt sur le revenu aurait rapporté 61,4 milliards d’euros net en 2006 contre 45,6 milliards d’euros cette même année |3|. Avec un coût cumulé de plus de 100 milliards d’euros en dix ans, ces baisses des taux du barème ont alimenté les déficits et la dette publics |4|, même si d’autres impôts ont augmenté, tels les impôts locaux (dans un contexte de transfert de compétences vers les collectivités locales) : la part des recettes fiscales locales (hors prise en charge des dégrèvements par l’État) est passée de 2,9 % à 5 % du produit intérieur brut entre 1978 et 2008.
Ces baisses ont mécaniquement bénéficié aux contribuables situés dans les tranches les plus élevées du barème, c’est-à-dire principalement aux 10 % des ménages les plus riches. Ainsi, selon la Cour des comptes |5|, 1 % et 10 % des contribuables ont respectivement bénéficié de 31,2 % et de 69 % (en montant global) de la baisse de 5 % intervenue en 2002, 4,5 % des contribuables ont bénéficié de 56 % de la baisse de 1 % intervenue en 2003, et 2,9 % ont bénéficié de 45 % de la baisse de 3 % intervenue en 2004. S’agissant de la refonte du barème votée en 2005, 40 % de la mesure aura bénéficié à 10 % des ménages dont 31 % aux 5 % des ménages les plus riches |6|.
Il existe aussi des allégements, plus subtils, prenant la forme de mesures dérogatoires, qui criblent le système fiscal. Le coût de ces « dépenses fiscales » listées dans la loi de finances 2010 (près de 500) fait état d’un manque à gagner annuel de 75 milliards d’euros. Or ce montant est sous estimé : pour la Cour des comptes |7|, le coût total des dépenses fiscales, dont certaines ne figurent pas dans la liste annexée à la loi de finances, serait de 146 milliards d’euros en 2008. Selon la Cour, celles qui n’y figurent pas « atteignent 80 milliards d’euros et sont probablement en augmentation ». Toutes les niches ne bénéficient certes pas aux riches : il en va ainsi de la prime pour l’emploi, de l’exonération des intérêts des livrets A… Il n’en demeure pas moins que les stratégies d’optimisation et de défiscalisation restent l’apanage des classes les plus aisées et leur permettent d’alléger leur impôt (impôt sur le revenu, ISF, droits de donation, droits de succession notamment).
Ce constat n’est pas nouveau et a été dressé par le Conseil des impôts (devenu Conseil des prélèvements obligatoires) en 1998 et, en 2008, par la Commission des finances de l’Assemblée nationale |8| qui dénonce une « régressivité de l’impôt » du fait de l’utilisation des niches fiscales |9|. Ce constat a récemment été confirmé par l’Insée |10| pour qui, en matière d’impôt sur le revenu, le taux effectif d’imposition des personnes à très hauts revenus (le 1 % les plus riches) était de 20 % et que celui des personnes les plus riches (le 0,1 % les plus riches) était de 25 %, loin du taux le plus élevé de l’impôt sur le revenu (40 %), ceci grâce aux niches fiscales…
Sur le plan économique, rien dans ces baisses n’est venu démontrer qu’elles ont été favorables à l’activité économique. Contrairement à ce que le théorème de Schmidt prétendait, alors que la fiscalité sur le capital rétrécissait, les distributions de bénéfices augmentaient, au détriment de l’investissement. Il a été ainsi mesuré qu’entre 2000 et 2005, les profits des entreprises du CAC 40 avaient augmenté de 26 % alors que leur investissement avait baissé de 41 % |11|. Entre 2000 et 2007, la tendance n’a pas changé, les profits des entreprises du CAC 40 ont gagné 97 % mais l’investissement a reculé de 23 % |12|.
Ces baisses ont contribué à déformer la répartition des revenus, elles ont accéléré le développement des inégalités. Si les écarts mesurés entre les 10 % les plus pauvres et les 10 % les plus riches sont plutôt stables, on a assisté, dans les années 2000, à un accroissement des inégalités de revenus au bénéfice du 1 % les plus riches, ceux qui déclarent plus de 84 500 euros annuels par unité de consommation |13|. Les inégalités de patrimoine ne sont pas en reste : en France, en 2004, les 10 % des ménages les plus riches |14| détenaient 46 % du patrimoine des ménages (contre 44 % en 2000) tandis que le 1 % les plus riches en possédaient 13 %.
Le revenu disponible des plus aisés a été boosté par la hausse des rémunérations attribuées aux personnes déjà les mieux payées (par la rémunération à la performance, les stock-options, les retraites chapeau… L’Insée a mesuré que les 10 % les plus riches recevaient les deux tiers des revenus du patrimoine et les quatre cinquièmes des revenus exceptionnels) et par les baisses d’impôt (baisses des taux du barème, relèvement des abattements, niches fiscales). Dans un contexte de mondialisation financière et de forte spéculation, la propension à épargner des agents économiques aisés s’est accrue. Leurs placements ont généré des revenus, eux-mêmes moins imposés que les revenus du travail (les revenus financiers peuvent être imposés au prélèvement libératoire, à un taux inférieur au taux marginal du barème de l’impôt sur le revenu), ce qui a favorisé l’accumulation de patrimoine (lui-même de moins en moins imposé au stade de sa détention par l’ISF et au stade de sa transmission lors des donations et des successions) et, par construction, les inégalités.
Le bouclier fiscal, symbole de choix fiscaux en échec
Coûteux, injuste et inefficace, le bouclier fiscal est de plus en plus contesté. En 2009, il a coûté 585,55 millions d’euros au budget de l’État, au profit de 16 350 contribuables. La moyenne, de 35 814 euros par bénéficiaire, cache d’importances différences : les 979 bénéficiaires imposables à la dernière tranche de l’ISF disposant d’un patrimoine supérieur à 16 millions d’euros ont perçu chacun 376 134 euros en moyenne.
Le bouclier fiscal n’a pas atteint l’objectif affiché : les départs à l’étranger se sont poursuivis. De la fin des années 1990 jusqu’en 2003, le nombre de départs de contribuables imposables à l’ISF était de 350 par an en moyenne. Il est ensuite passé à 649 en 2005, 843 en 2006, 719 en 2007 et 821 en 2008. Le nombre de retours se situe aux alentours du tiers de départs et atteint même près de 40 % des départs en 2008. En réalité, rapporté au nombre de redevables de l’ISF (565 926 en 2008), le nombre de départs est faible. Mais surtout, il n’existe aucune étude complète dressant tout à la fois (sur le plan des données chiffrées et des motivations réelles) l’état des départs, des retours et des installations d’étrangers en France. On sait par exemple que les motivations peuvent être personnelles ou professionnelles et pas seulement fiscales.
Quelle réforme fiscale ?
Tour à tour méprisée, confisquée ou ignorée par les tenants du « moins d’impôt », la question de la justice fiscale est désormais posée. En l’état actuel de la fiscalité (et du débat fiscal), il est avant tout nécessaire de rebâtir les fondamentaux de l’impôt, profondément affectés.
Rappelons-le, l’impôt tire sa légitimité de la contrepartie qu’il permet et de ce qu’il finance : services publics, aides (subventions, minima sociaux), cohésion sociale, soutien de l’activité économique… Si les membres d’une société consentent à contribuer aux charges publiques, c’est parce qu’ils savent que la société bénéficiera ainsi d’un retour supérieur à celui qu’une société exclusivement individualiste, au sein de laquelle chacun des membres serait livré à lui-même, pourrait retirer. C’est là un point fondamental car le premier objectif de la fiscalité est de financer l’action publique. Mais les choix fiscaux successifs (allégements fiscaux pour une minorité aisée, pris sur fond de remise en cause de l’action publique et de hausse des inégalités) et la crise obligent à repenser la fiscalité.
Rétablir l’égalité devant l’impôt
Nul besoin de réinventer les fondamentaux de l’impôt : ils existent, mais ils sont enfouis sous les décombres de la pensée néolibérale et oubliés de nos concitoyens. Il s’agit avant tout de les réhabiliter. Ainsi, l’égalité des contribuables devant l’impôt est posée à l’article 13 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen qui établit que « la contribution commune (…) doit être répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés ». Cet article définit tout simplement la justice fiscale, très affectée par les choix fiscaux de ces vingt dernières années. Toute réforme fiscale se doit donc de revenir sur ce qui a affaibli ce principe.
L’égalité devant l’impôt fait face à d’autres défis. Il en va ainsi de l’égalité devant le contrôle fiscal, un principe lui aussi mis à mal si l’on en croit la Cour des comptes |15| qui déplore une « couverture plus inégale des différentes catégories de contribuables et de dispositifs fiscaux par le contrôle fiscal ». L’égalité devant l’impôt passe donc aussi par une organisation efficace de la gestion du contrôle et du recouvrement de l’impôt. Cela passe, au sein de la Direction générale des finances publiques, par des moyens humains, juridiques et matériels adéquats.
Enfin, l’égalité devant l’impôt suppose que les intérêts particuliers (les lobbies) n’interviennent pas dans l’élaboration du droit fiscal. À cet égard, les conclusions du rapport sur les instructions fiscales et l’amélioration de la sécurité juridique en matière fiscale |16|, remis ce printemps à Christine Lagarde, a de quoi inquiéter. Il préconise une intervention des « parties intéressées » dans la rédaction des instructions fiscales, ces textes qui permettent l’application effective des mesures législatives. Or, l’égalité devant l’impôt suppose également que la norme fiscale soit élaborée en toute indépendance. Pour ce faire, les services concernés doivent eux aussi disposer des moyens adéquats et ne pas dépendre des interventions extérieures, porteuses d’intérêts particuliers qui peuvent se heurter à l’intérêt général que la loi (et les dispositions qui les appliquent) est censée servir et garantir…
Répondre à la concurrence fiscale
La concurrence est fréquemment présentée comme un frein à toute réforme fiscale. Elle n’offrirait aucune marge de manœuvre pour les politiques fiscales nationales. Il ne s’agirait donc plus dès lors que d’être compétitif et de suivre, voire d’anticiper, le mouvement de baisse des impôts sur les bases mobiles (les investisseurs, les multinationales, les riches) afin de les retenir et de les attirer sur le territoire.
La concurrence fiscale internationale est vive, notamment au sein de l’Union européenne. Elle est tout à la fois voulue, subie et dramatisée pour justifier des mesures régressives se traduisant par une baisse de l’impôt des « bases mobiles ». La concurrence fiscale n’est qu’un des aspects de la concurrence économique auquel se livrent les États. Or, les États qui, à l’instar de la France, offrent des facteurs publics de qualité (infrastructures publiques, réseau de transports, main-d’œuvre qualifiée, protection sociale) demeurent attractifs. La France fait ainsi partie des premiers territoires d’accueil des investissements étrangers. En clair, dans le contexte de concurrence actuel, des marges de manœuvres nationales existent.
Mais surtout, il s’agit de montrer en quoi une autre conception de la fiscalité européenne est souhaitable et possible. La marche vers l’harmonisation fiscale européenne n’a jamais été la priorité de l’Union européenne. Mais dans un contexte de dégradation des finances publiques, appelées à la rescousse face à la crise, les États membres de l’Union européenne font face à leurs responsabilités : poursuivre une concurrence sociale et fiscale dévastatrice qui ferait supporter aux bases immobiles (ménages, petites et moyennes entreprises) l’essentiel de la charge fiscale (donc du paiement de la dette de la crise) ou s’engager sur la voie de l’harmonisation fiscale et sociale.
C’est cette seconde voie qui est de loin, préférable. Quatre grands chantiers pourraient être rapidement menés, sur la base des travaux existants : l’harmonisation de l’impôt sur les sociétés, la révision de la directive sur les revenus de l’épargne, l’harmonisation de la TVA et une meilleure coopération dans la lutte contre l’évasion fiscale. Sur cette base, un « serpent fiscal européen », instaurant des taux planchers pour les impôts directs et des taux plafonds pour les impôts indirects, et créant un (ou plusieurs) impôt(s) européen(s), serait constitué, mettant fin à la concurrence fiscale européenne, et envoyant un signal pour une meilleure et plus juste coopération fiscale internationale.
Réhabiliter les impôts directs
Pour financer l’action publique en tenant compte des facultés des contribuables, corriger les inégalités et conserver un caractère incitatif mesuré (sans clientélisme fiscal ni dérive), réhabiliter les impôts directs est indispensable. Pour cela, plusieurs chantiers sont possibles.
S’agissant de l’imposition des revenus, il existe deux options : rapprocher l’impôt sur le revenu et la contribution sociale généralisée ou conserver deux prélèvements distincts en redonnant des couleurs à l’impôt sur le revenu. La première option est évidemment liée au financement de la Sécurité sociale. Nul n’envisage de fusionner les deux budgets et d’étatiser le budget de la sécurité sociale. Il est donc indispensable, si l’on s’engage dans cette voie, de préserver des recettes affectées, au besoin en passant par une loi organique qui établirait clairement des règles d’affectation des recettes tirées d’un impôt unique sur les revenus. Dans les deux cas, l’objectif doit être de mettre sur pied un impôt plus progressif que celui qui existe actuellement afin notamment de dissuader le versement de trop hautes rémunérations et, ainsi, d’agir sur la distribution primaire des revenus. Un taux marginal d’imposition fixé à 70 voire à 80 % au-delà d’un certain niveau de revenu paraît approprié |17|.
Quelle que soit l’imposition concernée, l’utilisation des niches doit être mesurée. Elles doivent être évaluées et limitées dans le temps. Pour l’heure, élargir l’assiette des impôts et limiter la défiscalisation par un véritable plafond global est nécessaire, tant les assiettes sont mitées par ces niches fiscales.
Enfin, tout indique qu’il faut réécrire la fiscalité du patrimoine. Il serait possible de créer un impôt général sur le patrimoine sans niche imposant les patrimoines supérieurs à 800 000 euros avec un barème de 0,5 % jusqu’à 3 millions d’euros et 1 % au-delà. Son rendement serait supérieur à l’ISF actuel. Les droits de mutation à titre gratuit (donations, successions) méritent également un abaissement des abattements et, sans doute une refonte des barèmes.
En conclusion
Pour en finir avec les riches et avec les pauvres, c’est-à-dire pour réduire les inégalités, redonner du sens à l’impôt est donc indispensable. Le rôle de la redistribution fiscale, entre distribution primaire et redistribution « sociale » (par les prestations, les minima sociaux et les services publics gratuits ou quasi-gratuits), est essentiel.
En assurant les finances des politiques publiques, lesquelles bénéficient à toute la collectivité, par une progressivité dissuasive (qui limite la distribution de revenus trop élevés) et correctrice (les inégalités se réduisant après impôt), la fiscalité donne du sens à une vérité trop longtemps ignorée : il n’y a pas de société sans impôt, donc pas de société juste sans impôt juste.
|1| OCDE, statistiques des recettes publiques, 2007.
|2| La loi fiscale depuis 2002, Rapport d’information de l’Assemblée nationale n° 3152 du 13 juin 2006.
|3| En 2005, le Syndicat national unifié des impôts (SNUI) a également livré un bilan de ces baisses des taux du barème, voir : http://www.snui.fr/gen/cp/dp/dp2005…
|4| Champsaur et Cotis, Rapport sur la situation des finances publiques, Insée, avril 2010.
|5| Rapports annuels de la Cour des comptes sur l’exécution des lois de finances des années concernées.
|6| Rapport Migaud de la Commission des finances n° 3779 de mars 2007.
|7| Rapport public annuel de la Cour des comptes, Première partie, Les observations des juridictions financières, 2010.
|8| Rapport d’information n° 946 du 5 juin 2008 sur les niches fiscales de la Commission des Finances, de l’économie générale et du plan de l’Assemblée nationale.
|9| Selon la Commission des finances de l’Assemblée nationale : « les 100 000 contribuables réduisant le plus leur impôt en valeur absolue le réduisent chacun, en moyenne, de 15 240 euros ». Parmi eux : « les 100 contribuables réduisant le plus leur impôt en valeur absolue le réduisent chacun, en moyenne, de 1 132 160 euros (pour une dépense fiscale totale de 113 millions d’euros), soit 85 % de la cotisation d’impôt résultant du barème ».
|10| Étude de l’Insée, Les revenus et le patrimoine de ménages, édition 2010.
|11| Le Monde, édition du 13 mars 2007 : http://www.lemonde.fr/economie/arti… .
|12| Voir l’étude de Camille Landais « Les hauts revenus en France (1998 – 2006), une explosion des inégalités ? » Étude reprise dans La finance mène-t-elle le monde ? Marie-Paule Virard, Larousse, collection « A dire vrai », Paris, 2008.
|13| Les revenus du 1 % les plus riches s’étalent jusqu’à 13 millions d’euros annuels…
|14| La composition de leur patrimoine était la suivante : 36,2 % de logements, 7,7 % d’immobilier de rapport, 10,1 % de livrets d’épargne et de comptes-chèques, 4,3 % d’épargne logement, 25,4 % d’assurance-vie, 16,3 % de valeurs mobilières (actions…).
|15| Les méthodes et les résultats du contrôle fiscal, Rapport annuel de la Cour des comptes, février 2010.
|16| Rapport remis à la Ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, Instructions fiscales, propositions pour améliorer la sécurité juridique en matière fiscale, avril 2010.
|17| Plusieurs voix s’élèvent en ce sens comme celles de Thomas Picketty (voir entretien dans Alternatives économiques n° 276 de janvier 2009) ou de l’association Attac (voir Pour un big bang fiscal, éditions du bord de l’eau, 2010).