Arthur K., étudiant boursier et salarié à mi-temps syndiqué, explique pourquoi le blocage, dès lors qu’il est décidé collectivement par les étudiants eux-mêmes, est justifié dans le premier temps d’une mobilisation.

Au-delà de la symbolique, un acte politique fort et nécessaire à la lutte.

Quand ils sont minoritaires dans les conseils centraux, quand les médias officiels, l’Etat et le patronat s’emploient à les faire passer pour des privilégié-es manipulables à souhait, quand ils et elles ne constituent pas en soi une force de production, quelle chance ont les étudiant-es de se faire entendre et de participer à l’élaboration de leur université ?

Si la grève est l’arme démocratique du peuple pour contrôler ses représentant-es par le rapport de force économique qu’elle induit, cela ne semble pas concerner les étudiant-es, a priori seul-es pénalisé-es par le blocage des facs. Le blocage ne serait alors qu’un acte symbolique provoqué par des « terroristes » minoritaires. Mais on ne bloque pas sa fac arbitrairement à vingt si l’on cherche à rallier de nouvelles personnes à sa cause. C’est pourquoi les modalités d’action du mouvement étudiant sont décidées collectivement en Assemblée Générale, et on ne peut nier que rassembler plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d’étudiant-es et de personnels en AG est déjà un acte fort. De plus, opposer au fonctionnement électoral de l’université des AG qui reposent sur les principes de l’autogestion et de la démocratie directe n’a pas qu’un sens symbolique, mais bien politique. Qu’est-ce qui est le plus légitime : les conseils centraux, dont la composition n’est absolument pas représentative ni impartiale, ou bien les AG qui regroupent parfois 30% des étudiant-es d’une fac ? Les partisan-es de la délégation sous forme de chèque en blanc diront que c’est les conseils centraux. Nous préférons les AG où tous peuvent s’exprimer et influer sur les décisions collectives.

Enfin, si le blocage est choisi comme composante des modalités de mobilisation, ce n’est pas parce que les étudiant-es sont des fainéant-es prompt-es à sécher les cours, mais parce s’organiser contre un gouvernement prend du temps et ce n’est pas possible en période de cours, notamment quand l’absence en TD est notée et déterminante pour la poursuite des études (bourses, examens…).

La lutte : une somme de rapports de force à faire évoluer.

Il est logique qu’il y ait des oppositions, la lutte étant par essence une somme de confrontations, de rapports de forces. Pour autant, rien n’est prédéfini ni figé et il appartient à chaque « camp » de faire évoluer les rapports de force en sa faveur. A Rennes, par exemple, on a déjà vu des AG où les étudiant-es venaient massivement voter contre le blocage et votaient finalement pour, convaincu-es de la légitimité et de la nécessité de la lutte. La légitimité du mouvement et sa force de persuasion repose en grande partie sur sa volonté de fonctionner démocratiquement. Peut-être serait-il plus simple d’élire un comité de grève composé de militant-es constitué-es en avant-garde toute puissante du mouvement qui subirait ses décisions, et ainsi jusqu’à la victoire… Cela ne nous intéresse pas car les acteur et actrices de l’université doivent pouvoir réfléchir et décider collectivement de l’avenir de la fac. Mais cela est aussi une faiblesse car respecter les décisions d’AG, c’est aussi savoir perdre.

Dès lors, proclamer que le blocage c’est de la prise d’otage, c’est anti-démocratique, et autres extrapolations, cela n’a rien d’objectif et c’est le fait de personnes pour qui la « démocratie » n’est qu’une position tactique (beaucoup d’entre eux soutiennent notamment les évacuations violentes par la police), un moyen de faire évoluer le rapport de force en leur faveur. Ingrid Bétancourt est otage, pas les anti-grévistes. Il est temps pour ces gens-là de relativiser et de considérer les enjeux de cette grève pour l’avenir de l’université.

L’élargissement des luttes : une question de bon sens avant tout.

On a pu voir dans plusieurs villes d’intéressantes convergences entre cheminot-tes et étudiant-es en lutte, conscient-es que seule la grève avec blocage leur permettait de se rencontrer autant et d’agir ensemble. Ces initiatives fécondes sont à multiplier.

Car face à un gouvernement qui mène une réelle lutte de classe, il est crucial que tous les secteurs en lutte soient solidaires, appellent les autres travailleur-ses et précaires à les rejoindre afin de constituer un front social capable de se protéger contre les attaques de cet hybride « Etat-MEDEF », de devenir une force de proposition, de prendre finalement son avenir en main. A une attaque aussi globale on ne peut opposer une réponse partielle par secteur. Agir ainsi, c’est être déjà perdant, et perdre n’est pas dans l’intérêt général.