Cet article se penche sur des formes d’action collective qui consistent à occuper l’espace public, principalement via des sit-ins – dharnas en Hindi. Durant la mobilisation panindienne survenue entre décembre 2019 et mars 2020, ces dharnas ont permis un renversement temporaire et inattendu des mécanismes antiélitistes d’appel au peuple monopolisés jusque-là par le gouvernement en place à New Delhi. C’est la réutilisation stratégique et non-clivante de la rhétorique patriotique et anti-institutionnelle environnante – le rejet des minorités est remplacé par un discours inclusif – qui a permis aux manifestant·es de défaire les prétentions du pouvoir à incarner le peuple, pour lui substituer la figure populaire1 et diffuse de masses sans visage, à la fois nationalistes et pacifistes.

Depuis la réélection de Narendra Modi au poste de Premier ministre indien en mai 2019, son parti politique ainsi que l’appareil de l’État ont accéléré la mise en œuvre d’un programme ethno-nationaliste hindou, refondant progressivement « ce que signifie que d’être un Indien ».2 Depuis, le gouvernement a notamment interdit une procédure de divorce coutumier pour les hommes musulmans, abrogé le statut constitutionnel spécial du seul État indien à majorité musulmane (le Kashmir) et entamé la construction d’un temple dédié à la divinité hindoue Ram sur le site d’une mosquée rasée en 1992 par des militants « suprémacistes » hindous. Une nouvelle estocade a été portée à l’interprétation séculaire de la démocratie indienne en décembre 2019 : la nouvelle loi sur l’accession à la citoyenneté des « réfugiés »3 de trois pays d’Asie du Sud à majorité musulmane (Afghanistan, Pakistan et Bangladesh) inclut toutes les grandes minorités religieuses à l’exception des musulman·es. La loi anticipe une promesse de campagne du parti au pouvoir, qui vise à demander à l’ensemble de la population de fournir des papiers attestant d’une accession légitime à la citoyenneté indienne, avec pour risque de se voir déchoir de sa nationalité. Cette réforme a été comprise par beaucoup – et en particulier par les près de 200 millions de musulman·es indien·nes – comme le premier pas vers une traque administrative envers les individus non-hindous, non-bouddhistes, non-jaïns, non-chrétiens, non-sikhs et non-parsis qui se trouveraient dans l’incapacité de prouver leur « indianité ». En réaction à ces discriminations flagrantes qui contribuent à polariser le pays sur des lignes confessionnelles, la nouvelle loi a déclenché des manifestations nationales d’une ampleur sans précédent sur une période de plus de 100 jours, permettant une alliance de circonstance entre une jeunesse étudiante politisée et des populations de quartier à majorité musulmane luttant pour la protection de leurs droits.4

NOUS, le PEUPLE

Les satires du caricaturiste engagé E. P. Unny permettent de mieux comprendre le mouvement à l’intersection du langage politique qu’il promeut et de sa réception publique générale. Dans un récent dessin, il dépeint une activiste étudiante un brin sardonique, drapée de bandages, ornée d’une compresse enflée et affublée d’un large plâtre. Sur ce dernier, on peut lire : « NOUS, le PEUPLE ». Le croquis s’inspire de la photo de profil Facebook de la présidente de l’association étudiante de Jawaharlal Nehru University (JNU) de New Delhi, au lendemain des attaques à l’arme blanche menées par un groupe de jeunes progouvernementaux début janvier ; elles ciblaient les activistes de gauche et les résident·es musulman·es du campus. Replacée dans un contexte plus large, la caricature de E. P. Unny incarne le soutien très large des libéraux indiens aux manifestations animées conjointement par les populations étudiantes et musulmanes. Cette coalition hétéroclite et trans-partisane dénuée de tout leadership médiatisé constitue un défi d’une ampleur nouvelle au majoritarianisme du Premier ministre nationaliste hindou Narendra Modi. Sur la période étudiée, la capacité de cette coalition à représenter l’opposition en lieu et place de partis politiques nationaux – et notamment de l’agonisant Congrès national indien – s’appuie sur son aptitude à incarner le populaire via une appropriation de symboles polysémiques du peuple.

Caricature de E.P. Unny (janvier 2020)

Dans un contexte politique profondément clivé dans lequel le pluralisme institutionnel est écrasé par un plébiscite de tous les jours porté par un seul homme se réclamant du peuple, à savoir le Premier ministre Narendra Modi, les manifestant·es et leur caisse de résonance médiatique ont réussi à s’ériger en incarnation alternative de ce peuple imaginé. Privilégiant non les bandhs (grèves générales) et gheraos (piquets de grève) mais les dharnas (sit-ins) sur de longues périodes et les manifestations ponctuelles où femmes et enfants sont aux premiers rangs, iels entretiennent de façon détournée le mythe de la représentation directe glorifiée par Modi. Bousculant et subvertissant le sens de l’invocation du peuple, ces différents sites de contestation5 ont rendu possible une représentation politique impersonnelle et désincarnée grâce à leur réappropriation de certains fétiches efficaces et incantatoires du discours nationaliste indien : la Constitution, l’hymne national, le drapeau, le patriotisme jeune, la lutte anticoloniale pour l’indépendance ainsi que les principes de non-violence et d’égalité des sexes.

En opposant l’appel populaire diffus des dharnas au populisme centralisé et sultaniste6 de Modi, les étudiant·es reprennent à leur compte la rhétorique non-institutionnelle et antiélitiste du pouvoir en place mais en subvertissent le sens, notamment en remplaçant le programme anti-minorités xénophobe du gouvernement par une rhétorique antidiscriminatoire. Un tel discours confère au mouvement une unité tactique qui transcende pour un temps les divisions idéologiques au sein des différentes communautés musulmanes en quête de protection citoyenne et politique. Il permet également une unité de circonstance parmi des collectifs de gauche à la recherche de capital politique en dehors d’un champ électoral saturé par l’Hindutva.7 Cette alliance entre groupes, pourtant hétéroclites en matière des idées qu’ils défendent, rappelle curieusement une autre mobilisation collective populaire dans laquelle les étudiant·es ont joué un rôle prépondérant. Le JP movement8 de 1974 a effectivement été rendu possible par la convergence inédite d’un courant de pensée socialiste (celui du résistant Jay Prakash Narayan ou JP) et de forces nationalistes hindoues en quête de légitimité (portées principalement par la Rashtriya Swayamsevak Sangh).9

Une minorité active politiquement et socialement composite

Aujourd’hui, la minorité d’activistes étudiant⋅es anti-Hindutva, active tout au long de l’année dans leurs universités respectives10 et diabolisée par un gouvernement en perpétuelle recherche d’ennemis intérieurs,11 agit comme un accélérateur d’opposition politique. En effet, ces activistes semblent jouer le rôle d’initiateurs autant que celui de précurseurs (appelés “early adopters”) de mouvements sociaux.12 Utilisant à leur avantage l’écologie politique protectrice des quelques campus publics en sciences humaines et sociales financés au niveau central (les central universities), ces activistes s’appuient sur de forts réseaux de socialisations secondaires formés parmi les étudiant⋅es, et qui dépassent parfois – mais jamais totalement – les clivages de classe et de caste traditionnels. Par leurs engagements publics et interpersonnels, iels contribuent à la formation d’une multitude de micro-communautés générationnelles,13 développant des grilles d’interprétation et des réponses communes aux soubresauts politiques et sociaux de l’Inde contemporaine. Animant et contribuant à l’élaboration de réseaux de solidarité et de partage d’idées, iels constituent des points nodaux de la participation politique, fédérant organisations étudiantes, groupes musulmans et acteur⋅rices antigouvernementaux⋅les de la société civile. Iels sont également soutenu⋅es à demi-mot par certains partis d’opposition qui n’osent pas porter la contestation frontalement de crainte de perdre des pans du vote hindou.

Dans un pays caractérisé par une forte stratification sociale, les populations étudiantes ne constituent pas un groupe socialement homogène. De plus, elles ne reflètent que très imparfaitement la composition de la tranche d’âge de celles et ceux statistiquement considéré⋅es comme jeunes. En effet, trois quarts des Indien⋅nes en âge d’étudier ne sont inscrit⋅es dans aucun programme de l’enseignement supérieur. Le cœur des agitations étudiantes actuelles provient du secteur public de l’enseignement supérieur, en déclin, et s’inscrit dans une certaine continuité historique du militantisme étudiant qui a principalement lieu dans les universités publiques. Désormais, moins de la moitié des quelque mille universités indiennes sont financées par des fonds publics et les trois quarts de ses colleges sont gérés par des organismes privés.14 Or, l’épine dorsale des mobilisations initiales a été formée par des étudiant⋅es de trois universités publiques financées par le gouvernement central, où les enseignements principaux sont les sciences sociales et où une grande part des étudiant⋅es est inscrit en deuxième et troisième cycles universitaires. Or, à l’échelle de l’Inde, moins de 5 % des universités sont financées par l’État fédéral, à peine 3 % des étudiant⋅es du pays étudient les sciences sociales et 80 % des étudiant⋅es sont engagé⋅es dans une licence ou assimilé. En somme, la jeunesse éduquée et politisée qui participe à des comités de coordination et d’action, à des syndicats étudiants et à des réseaux militants est numériquement faible et est fortement traversée par ses expériences politiques antérieures.

Agissant parfois indépendamment de toute tutelle politique, les étudiant⋅es politisé⋅es sont cependant souvent lié⋅es, formellement ou informellement, à des partis politiques, à des organisations communautaires, à des groupes associatifs et à des réseaux d’entrepreneurs de cause.15 Les comités d’organisation étudiants en charge de la coordination des manifestations dans différentes villes sont divisés en interne autour de rivalités idéologiques et partisanes. Un membre d’une organisation étudiante islamique active au sein du Jamia Coordination Committee (Comité de coordination de Jamia, JCC) de New Delhi, structure temporaire qui a vu le jour à la suite des violences policières à l’encontre d’étudiant⋅es protestataires de l’université Jamia Milia Islamia (abrévié Jamia ou JMI) à prédominance musulmane, reconnaît l’existence d’une alliance de circonstance de son organisation avec des groupes de gauche :

Tu dois vaincre un ennemi, donc tu dois garder un agenda aussi minimal que possible. Ce n’est pas du compromis, c’est de la stratégie. Tu dois faire venir tout le monde avec toi. Ce n’est pas comme si tu devais compromettre tes idéaux, quelles que soient les idées que nous avons, nous les gardons, nous avons beaucoup de différences avec les leftists [ceux de gauche], nous avons beaucoup de différences avec les secular people [sécularistes/séculaires] […], sans nier ces différences, nous sommes prêts à travailler ensemble, car il y a urgence. Nous gardons toutes nos différences avec les « gens de gauche » (left people) mais nous travaillons ensemble en ce moment (Haider, 29 janvier).

Des stratégies rhétoriques réussies

Au vu de cet assemblage idéologiquement composite, comment ces organisations de jeunesse en arrivent-elles à former un bloc d’opposition, tour à tour menant et nourrissant une contestation en lien avec d’autres organisations de la société civile et notamment ses communautés musulmanes ? Ce sont les discours produits par ces collectifs fragmentés qui leur ont permis de s’ériger en emblème du populaire, puisant dans un répertoire médiatique de signifiants du peuple centralisés jusque-là par leur ennemi juré Narendra Modi. Les étudiant⋅es mobilisé⋅es représentent l’avenir de l’Inde ; c’est en mettant en exergue ce type de métaphore que les manifestant⋅es ont subverti le sens des démonstrations de patriotisme, pluralisant les voix du discours national tout en affirmant que “Everyone is the leader” (« Tout le monde est le leader »). En reprenant à leur compte une identité Indienne composite et multicommunautaire, les manifestant⋅es mettent au défi la vision selon laquelle la majorité est le tout, où les hindou⋅es seraient le seul avatar possible de l’Inde.

À New Delhi, le quartier de Shaheen Bagh, où une poignée de militant⋅es étudiant⋅es, suite à une répression policière violente à l’université Jamia Millia Islamia, a réussi à déclencher la mobilisation des résident⋅es musulman⋅es – hommes et femmes confondu⋅es – est une illustration flagrante de cette capacité à produire des métaphores de la nation. Sur les voies autoroutières occupées qui relient New Delhi à l’un des principaux bassins d’emplois de la région, une structure de fer forgé parée de néons et représentant la carte de l’Inde avait été érigée, brandissant sur la devanture l’aphorisme “Ham bharat ke log” (« Nous, le peuple indien »). Reproduisant ainsi le préambule de la Constitution indienne, le slogan invoque un objet de fierté partagé par tou⋅tes, permettant aux participant⋅es, idéologisé⋅es ou non, de gauche et islamiques, d’y reconnaître les valeurs qu’iels chérissent le plus : le sécularisme ou la dignité musulmane.

Commentant l’installation d’un poster du préambule de la Constitution devant le portail numéro sept de la Jamia Millia Islamia de New Delhi, un membre du JCC reconnaît que l’ambiguïté sur le sens et la symbolique du texte constitutionnel a été mobilisé délibérément afin de toucher un public plus large :

Si tu dis « sauve la Constitution », il est entendu que les choses, le contenu de la constitution va être envoyé indirectement [aux gens]. Tout son contenu va être envoyé indirectement. Alors pourquoi allons-nous sélectionner un de ses points [de la Constitution] ? Je vais sauver le sécularisme, je vais sauver ce droit… [à la place de cela nous disons]… je vais sauver toute la Constitution, je vais sauver l’idée de l’Inde grâce à laquelle le Mahatma Gandhi a construit son récit contre les penseurs du RSS. Je vais sauver cette chose-là. Je vais sauver les acquis de Bhim Rao Ambedkar [penseur, constitutionaliste et activiste dalit], c’est ça le récit… d’autres, Bhagat Singh [résistant au colonialisme britannique], [Mohammad Ali] Jauhar, le fondateur de Jamia Milia Islamia, les résistants, les fondateurs de cette université qui sont aussi des combattants pour la liberté… [il ne faut pas oublier que] cette université est un produit du mouvement de non-coopération, contre la domination britannique, contre la domination coloniale (Kassym, 26 décembre).

Structure représentant la carte de l’Inde sur le site de Shaheen Bagh (gauche) et affiche du préambule de la constitution indienne devant l’entrée numéro sept de l’université Jamia Millia Islamia (droite) à New Delhi. Photos de l’auteur.

Articulés autour de la symbolique fédératrice, polysémique et attrape-tout de la Constitution, d’autres signes du registre nationaliste sont mobilisés avec succès par les étudiant⋅es. Il s’agit notamment de l’hymne national, du drapeau, de la carte de l’Inde, de la lutte pour l’indépendance, ainsi que d’une série de déclarations patriotiques par des manifestant⋅es s’autoproclamant desh bhakts (dévots du pays). La déclaration suivante, émanant d’une ancienne leadeure étudiante de gauche de l’Université Jawaharlal Nehru, est particulièrement révélatrice :

Le Jana Gana Mana Adhinayaka [hymne national] est chanté par le peuple indien, à la Jama Masjid [Grande mosquée], Delhi. C’est le jan [peuple], les gan [masses] qui déterminent leur propre destin, leur avenir et l’identité de la nation. Les gens sont leur propre Adhinayaka [leader], et pas ceux qui ont du pouvoir. Lorsque le gouvernement n’est que pur pouvoir sans la représentation du peuple et de la patrie [land], l’esprit de la lutte pour l’indépendance [freedom struggle] renaît. Résiste au CAA-NRC-NPR ! (Poorva, 9 janvier)

Affiches et banderoles provenant de trois lieux de mobilisation étudiante à New Delhi : Jamia Millia Islamia, Jantar Mantar et India Gate. L’image du jeune résistant et icône de l’activisme étudiant Bhagat Singh se trouve représentée sur les deux images du bas. Traduction de l’urdu (en script devanagari) du couplet d’un poème de Faiz en bas à gauche : « La façon dont quelqu’un va au martyr, cette gloire reste sauve, cette vie va et vient, cette vie en effet n’a pas d’importance ». Photos de l’auteur.

La capacité de certaines organisations étudiantes à se réclamer du registre populaire tient en partie aux différences d’interprétation de la politique nationale qu’elles contribuent à produire. La jeunesse éduquée en Inde se trouve façonnée de plus en plus durablement par les dynamiques politiques de l’Inde safran (couleur appropriée par les organisations de l’Hindutva, dont le BJP au pouvoir), à travers notamment l’assimilation par le gouvernement des quelques universités publiques en sciences sociales financées par le gouvernement central à des bastions de traîtres à la nation, saturés de “jihadis” et de « terroristes maoïstes. »

Se faisant le chantre d’une démocratie délégative,16 Modi sacrifie, sur l’autel de sa popularité d’homme de poigne, des activistes non-hindutva, souvent arrêté⋅es ou renvoyé⋅es de leur université avec l’aval de médias complices. Cela contribue à un plébiscite de tous les jours remplaçant le contrôle démocratique institutionnel par une démocratie de type bonapartiste et acclamative.17 A titre d’exemple, le soir de la réélection de Modi au poste de Premier Ministre, l’actuel Ministre de l’Intérieur déclare que ces étudiant⋅es-là sont des antinationaux⋅les patenté⋅es, qu’il nomme pour l’occasion le gang tukre-tukre (en contexte, cela désigne celleux qui veulent mettre l’Inde « en morceaux ») : « Ye vijay tukra tukra gang ki vichardhara ke khilaf shuddh rashtravad ke vijay ka, ye vijay pratik hai » (« Ceci est une victoire contre l’idéologie du gang tukre-tukre, c’est la victoire du nationalisme pur, cette victoire en est le symbole »).18 Quelques jours plus tard, une piqûre de rappel est apportée par le secrétaire général national du parti au pouvoir lorsqu’il compare ces étudiant⋅es et leurs soutiens académiques à un cartel : « Sous Modi-II, ce qui reste de ce cartel doit être éliminé du paysage académique, culturel et intellectuel du pays. »19 L’habilité des étudiant⋅es opposé⋅es au gouvernement à revêtir le costume du populaire doit donc être lu comme un renversement du récit populiste qui oppose des élites antinationales et corrompues usurpatrices de pouvoir au vrai peuple porté par un homme seul serviteur de sa cause. Les rôles sont désormais inversés, car les appels publics des sites de protestation sont eux aussi capables de se réclamer du peuple réel et entier.

Une avant-garde étudiante

Dans cette bataille rangée de production de légitimité politique non-électorale, les organisations étudiantes ont bénéficié d’un terrain de mobilisation favorable. Les communautés générationnelles au sein et à la charnière des campus politisés indiens ont été les premières à protester, car elles accueillent de petits groupes d’individus s’inscrivant dans des cultures militantes capables de rassembler des camarades de classe, de promo, de chambrée ou d’université biographiquement disponibles.20 La répression policière sur différents sites universitaires a suscité une vague de sympathie sans précédent et a convaincu d’autres étudiant⋅es partout dans le pays de se mobiliser, poussé⋅es par ce qu’un ancien leader étudiant appelle « un sentiment communautaire » : « Il y a un sentiment communautaire, tu comprends ? Un peu comme la caste. T’es jeune, tu te sens connecté à ceux qui sont attaqués. 61 % [du pays] sont des jeunes, personne ne veut être l’ennemi de la jeunesse. JNU, ​​AMU [Aligarh Muslim University], Jamia [les universités à l’avant-garde des manifestations] ces endroits semblent distants [non-familiers] pour beaucoup, mais tu te sens connecté à eux. C’est pourquoi on a affaire à un sentiment communautaire » (Bhupinder, 10 février). Les premières manifestations étudiantes ont apparemment convaincu les populations musulmanes en dehors des centres urbains cosmopolites qu’une action collective était envisageable. À son retour d’un rassemblement politique dans l’Uttar Pradesh – un État qui a été témoin du meurtre de plus de trente manifestant⋅es – l’ancien militant étudiant susmentionné déclare :

Les types de manifestation style JNU ou Jamia leur donnent [aux musulmans] le sens que les classes éduquées, les classes qualifiées protestent contre quelque chose… [cela veut dire que] notre crainte à propos de cette loi est correcte. Nous avons rejeté cette loi car nous sommes musulmans ? Non. Aussi dans les universités les étudiants protestent contre elle. Ça veut dire qu’elle est mauvaise. Et que nous avons raison (Pratap, 12 janvier).

Alors que certains médias non-alignés sur la parole gouvernementale ont commencé à conforter l’interprétation du peuple provenant des différents espaces de contestation, le campus a renforcé son rôle de point nodal dans la circulation de répertoires d’action, ainsi que dans la constitution de points de ralliement pour les quartiers à potentiel mobilisateur entourant les universités protestataires – le quartier de Jamia Nagar à New Delhi en est un bon exemple. L’écologie politique des campus, incluant ces alumni (anciens élèves) fort⋅es d’une expérience activiste, a permis de coordonner de nombreux appels à rejoindre les différentes dharnas. Les activistes ont également importé certaines cultures démocratiques universitaires et des éléments de langage efficaces à l’échelle politique nationale. Un étudiant d’une organisation islamique retrace par exemple la manière dont la notion d’islamophobie a circulé d’un campus à l’autre, intégrant in fine le langage de protestation à caractère nationaliste des différents sit-ins :

L’usage du terme islamophobie n’était pas très répandu en Inde ; il provient principalement d’Europe et d’Amérique. Mais certains d’entre nous l’ont utilisé dans le passé. À HCU [Hyderabad Central University], lors des dernières élections étudiantes, [la question de] « l’islamophobie » était débattue parce que des membres de la SIO [Islamic Student Organisation] avaient été exclus de l’alliance [avec des organisations étudiantes dalites et de gauche]. Ils ont abordé ce problème en utilisant le vocabulaire de l’islamophobie, ils ont familiarisé les gens à l’utilisation de ce type de langage. La plupart des organisations de gauche ici ne reconnaissent même pas l’existence d’organisations musulmanes, ils disent que ces groupes sont des organisations terroristes. [Ils pensent qu’ils sont] au minimum conservateurs. Donc les gens disent que [la non-alliance] est due à l’islamophobie de gauche, c’est pourquoi ils se comportent comme ça. Au HCU, [les partis de gauche] n’étaient pas prêts à s’allier avec une organisation musulmane. La SFI [Fédération des étudiants d’Inde] n’était pas prête. Les gens ont dit que c’était à cause de l’islamophobie de la gauche. Ils disent qu’ils se battent contre les fascistes, mais en même temps les premières victimes des fascistes sont les musulmans… et ils ne sont même pas prêts à avoir une alliance avec des groupes musulmans, c’est une chose assez islamophobe ! X et Y [noms anonymisés] ont brandi ce slogan [celui de l’islamophobie] en utilisant ce langage [dans différentes dharnas]. Il devient maintenant courant (Ramesh, 30 décembre).

Les principes politiques portés par les militant⋅es étudiant⋅es se sont rapidement et durablement transmis aux nouveaux⋅lles manifestant⋅es, permettant la formation de vastes poches d’apprentissage politique dans le paysage urbain. Cette rapide transmission politique est particulièrement visible pour les primo-participantes pour lesquelles le premier appel à rejoindre l’une des dharnas a été instigué par un membre de la famille (en général un homme) en contact avec des militant⋅es étudiant⋅es, ou par des activistes directement via des campagnes de porte-à-porte. Par exemple, une jeune étudiante inscrite en quatrième (“Class 8” en Inde, c’est-à-dire environ 13-14 ans) indique que c’est son frère, un étudiant en doctorat à l’Université de Delhi, qui lui a demandé de rejoindre le sit-in de la localité. Plus tard ce jour-là, une militante d’une association étudiante féministe souligne le rôle crucial joué par l’une de ses collègues qui, particulièrement active, a convaincu un certain nombre de femmes du quartier de rejoindre la dharna de Hauz Rani au sud de New Delhi : « Elle a une forte personnalité. Elle a fait du porte-à-porte. Elle n’a pas dormi pendant deux nuits. Elle est restée éveillée deux nuits d’affilée, et les gens ont commencé à l’apprécier grâce à sa personnalité et tout et tout » (Farah, 5 février). Indépendamment de la façon dont les premiers jalons de la participation sont initiés, les individus protestataires – et en premier lieux les plus jeunes – insistent sur les apprentissages politiques effectués en la compagnie de leurs proches parents et ami⋅es. Un bénévole en classe terminale (“Class 12”, 17-18 ans) à Hauz Rani insiste sur sa récente conscientisation politique, tandis qu’une autre étudiante de première (“Class 11”, 16-17 ans), préfère mettre l’accent sur l’importance des figures activistes tutélaires dans son apprentissage argumentatif sur la société indienne :

Avant on s’en foutait de tout, maintenant on essaye d’éduquer les gens, on essaye de nous éduquer nous-mêmes, sur ce qui se passe. Tout le monde est plus curieux maintenant, sur ce qui se passe autour de nous, sur ce que fait le gouvernement. Nous apprenons des étudiants, des leaders, et aussi sur les réseaux sociaux (Zulfa, 2 février).

Avant, je n’avais pas ces arguments [points], des arguments forts, maintenant je les ai. Il y a, vous savez, tant de personnalités qui viennent ici, et j’ai eu la chance de les rencontrer, de leur parler, ce fut un immense honneur de les rencontrer, Umar Khalid [ancien militant étudiant à JNU] est venu ici […]. Je rejoindrai une association étudiante… Je n’ai pas décidé laquelle, car mon premier rêve était MBBS [un cursus médical]. Je travaillais dur de 9h à 21h pour ça. […] Je m’intéresse plus à la gauche. AISA [All India Students’ Association]. J’ai rencontré X [anonymisé], didi [sœur, ici se réfère affectueusement à une fille plus âgée], elles sont devenues mes amies. (Thamra, 4 février)

Les réseaux d’activistes étudiants sont par nature limités et donc vulnérables aux tentatives d’endiguement et de répression de l’État et des administrations universitaires. Cependant, le répertoire de métaphores porté par les manifestant⋅es leur garantit une forte résilience, car il leur permet de se doter d’un soutien large aux allures populaires. L’affichage d’idéaux patriotiques par les organisateur⋅rices des dharnas s’articule bien avec d’autres valeurs mises en avant par le mouvement et partagées largement par la jeunesse indienne : la non-violence passant par une participation politique féminisée et une préfiguration politique représentant l’avenir. Cette rhétorique peut être résumée par cette déclaration contenue dans les témoignages du rapport Unafraid rédigé en décembre par des activistes de Jamia Millia Islamia : « Nous espérons que les témoignages de ces femmes peuvent affirmer, à nous et à l’État, que vous ne pouvez pas réduire au silence les voix sans peur de l’Inde du futur. »

Une délégitimation progressive

Trois mois après sa naissance, le mouvement porté par les dharnas fait cependant face à trois formes de délégitimation, une délégitimation interne au mouvement et deux qui lui sont externes. Premièrement, les différences politiques et stratégiques entre certain⋅es organisateur⋅rices (étudiant⋅es ou non) ont entraîné la prolifération des dharnas, conduisant non seulement à un morcellement des initiatives politiques mais également à une plus nette coloration idéologique de ces lieux. Ainsi, le site de Jaffrabad au nord-est de New Delhi est devenu sur le tard une émanation politique plus marquée de Jamaat-e-Islami Hind (une organisation culturelle et politique islamique) alors que des sites tels que Hauz Rani ont été plus résolument imprégnés par l’activisme étudiant de deux groupes, l’un de gauche et l’autre féministe. Ces conflits entre dharnas ont eu tendance à cristalliser les efforts activistes autour de la gestion des sit-ins21 en lieu et place de l’organisation de manifestations médiatiquement plus visibles et embarrassantes pour le gouvernement. Ces conflits apparaissent en creux dans le témoignage d’une activiste étudiante de Jamia Millia Islamia, active sur le site de Hauz Rani :

Voilà ce qui se passe avec les gens du JCC. C’étaient des hommes [de sexe masculin] essayant de capturer l’estrade, amenant leurs propres gens seulement pour parler [sur scène]. Puis X [anonymisé] a dit que non, les femmes d’ici doivent parler. Une fois que les cours auront commencé, nous [les étudiants] retournerons tous chez nous. Le mouvement sera soutenu par eux, donc ce devrait être eux, les gens qui vivent ici, ceux qui restent toute la journée aux manifestations [sit-ins] qui devraient avoir la chance de s’exprimer (Deepika, 2 février).

À cette dispersion de sites de protestation – à l’empreinte médiatique diffuse mais moins visible que des grèves ou des manifestations mobiles – viennent se rajouter deux éléments contextuels qui ont progressivement altéré l’image patriotique et non-violente émanant des dharnas. Tout d’abord, les pogroms meurtriers qui ont eu lieu fin février 2020 dans des quartiers du nord-est de New Delhi – faisant plus de 50 mort⋅es dont les deux tiers musulman⋅es – ont altéré le message non-violent des sit-ins. Présentés par beaucoup de médias comme des violences communautaires dans lesquelles les musulman⋅es de ces quartiers auraient pris l’initiative de tuer impunément des hindous, et notamment un représentant des services de renseignement indiens,22 ces pogroms ont flatté l’imaginaire hindutva de musulman⋅es intrinsèquement belligérant⋅es et vindicatif⋅ves, faisant ainsi passer au second plan les dharnas pacifiques de sites comme Shaheen Bagh. Un activiste de JNU actif dans la branche étudiante du principal parti d’opposition commente ses visites des dharnas de Kureji et Jaffrabad à New Delhi :

Ni à Shaheen Bagh, ni au sein du JCC, ni aucune autre organisation musulmane, personne n’a appelé à la manifestation organisée devant la station de métro de Jaffrabad [lieu où le pogrom a commencé]. Personne. L’appel a été donné par la section [de manifestants] de la Jamaat uniquement. La section de la Jamaat a fait dérailler tout le mouvement CAA Shaheen Bagh. À partir de ce jour-là, dès que le BJP [le parti au pouvoir] et les médias ont été en mesure de montrer qu’il s’agit d’un conflit dans lequel deux groupes s’affrontent, tu perds l’autorité morale de la protestation gandhienne. Maintenant, va voir Shaheen Bagh, Shaheen Bagh est morte. Maintenant, il n’y aura plus d’autres Shaheen Bagh. Toute protestation ne peut pas durer pour toujours, tu dois lui donner un temps donné et savoir quand la terminer (Suraj, 12 mars).

Première page d’un rapport de propagande Hindutva présentant les participantes femmes de la dharna de Shaheen Bagh comme des émeutières violentes prenant part aux tueries de février au Nord-est de New Delhi. Traduction du titre : « Le modèle Shaheen Bagh au Nord-est de Delhi : Du sit-in aux émeutes ». Voir note 24.

Image 9 : Première page d’un rapport de propagande Hindutva présentant les participantes femmes de la dharna de Shaheen Bagh comme des émeutières violentes prenant part aux tueries de février au Nord-est de New Delhi. Traduction du titre : « Le modèle Shaheen Bagh au Nord-est de Delhi : Du sit-in aux émeutes ». Voir note 24.

Alors que le récit politique national commençait à s’écarter du symbole peu contestable de la non-violence de Shaheen Bagh pour se fondre dans un cadre moins flatteur de prétendues émeutes intercommunautaires où les torts seraient partagés, la lassitude et la peur des répressions parmi les manifestant⋅es ont continué à gagner du terrain en même temps que la multiplication des commentaires pro-gouvernementaux incriminant pêle-mêle étudiant⋅es et manifestant⋅es.23 Le 7 mars 2020, une bénévole sur plusieurs sites reconnaissait un certain épuisement de la mobilisation : « Il y a de l’épuisement, les gens sont plus craintifs» (Maitreyee, 7 mars). C’est dans ce contexte que la menace sanitaire mondiale du Covid-19 est venue achever cette tranche de participation citoyenne sans précédent. De multiples appels, y compris parmi les soutiens de la première heure du mouvement, ont soutenu une trêve illimitée des sit-ins. Ainsi, un ancien activiste de gauche musulman de JNU en a appelé sur les réseaux sociaux aux organisateurs de Shaheen Bagh, leur demandant de stopper leurs actions avec le message suivant :

Nous devons, avec attention, intelligence et sensibilité, être à l’écoute de la situation, des événements qui se sont déroulés dans le monde à la suite de la pandémie du Covid-19. Avec notre logique propre, nous devons agir en conséquence. Je demande aux organisateurs des dharnas, calées sur le modèle de Shaheen Bagh, à l’échelle nationale de les arrêter jusqu’à ce que nous réglions cette situation extraordinaire. La menace est réelle. Le monde nous regarde (Shafaq, 21 mars).

Trois jours plus tard, le 24 mars 2020 au petit matin, les sites principaux de New Delhi tels que Shaheen Bagh sont évacués par la police, qui disperse et arrête les quelques manifestant⋅es resté⋅es sur place. Dans un contexte de confinement national, le caractère public des dharnas avait acquis un caractère insoutenable alors que la quarantaine était devenue le mot d’ordre sanitaire mondial, donnant par ailleurs l’occasion aux chef⋅fes d’États de se présenter en figures régaliennes fortes.24 Il ne reste pas moins que l’assemblage idéologique des dharnas durant ces 100 jours (décembre-mars 2020) a contribué à donner aux étudiant⋅es le statut d’opposition non élue de la démocratie indienne, démontrant par là-même que le populaire est capable de contrer le populisme. La politisation des communautés générationnelles articulée autour de certaines de ses universités publiques garantit la survie de structures et réseaux de mobilisation en état d’abeyance (en suspens) et forme le creuset silencieux de possibles mobilisations anti-Hindutva futures qui se profilent déjà dans l’horizon démocratique du pays.

1Pour une définition du terme populaire, voir Pandey, Gyanendra. 2005. “Notions of Community : Popular and Subaltern.” Postcolonial Studies 8(4) $1409–19.

2Aiyar, Yamini. 2020. “Remaking the Idea of Who Is ‘Indian.’” Seminar 725(1) $15–18.

3Concerné·es sont celleux rentré·es sur le territoire indien avant le 1ᵉʳ janvier 2015.

4Martelli, Jean-Thomas and Garalytė, Kristina. 2020. “How Campuses Mediate a Nationwide Upsurge Against India’s Communalization. An Account from Jamia Millia Islamia and Shaheen Bagh in New Delhi.” SAMAJ : South Asia Multidisciplinary Academic Journal 22.

5En janvier 2020, New Delhi comptait une dizaine de sites de mobilisation. Parmi eux se trouveraient Aazaad Market, Chand Bagh, Hauz Rani, Inderlok, Seelampur, Shaheen Bagh, Shahi Eidgah et Turkman Gate.

6Le terme « sultanisme » introduit par Max Weber fait référence aux situations dans lesquelles le pouvoir étatique est exercé sur une base discrétionnaire. Voir Chatterji, Angana P., Thomas Blom Hansen, et Christophe Jaffrelot. 2019. “Introduction.” dans Majoritarian State : How Hindu Nationalism is Changing India, edité par A. P. Chatterji, T. B. Hansen, et C. Jaffrelot. London : Hurst, p. 9.

7Hindutva (traduisible par « hindouité ») fait référence à la famille d’organisations professant un ethno-nationalisme à caractère hindou.

8Le « mouvement JP » a été mené cette année-là par de larges sections des étudiant·es et de la jeunesse des États du Bihar et du Gujarat en réaction à la corruption rampante et contre le doublement des prix des céréales. Voir Kent Carrasco, Daniel. 2016. “Jayaprakash Narayan and Lok Niti : Socialism, Gandhism and Political Cultures of Protest in XX Century India.” Ph.D., King’s College London.

9Le RSS (Association des volontaires nationaux) est l’organisation mère de la Sangh Parivar (Famille de l’association), le réseau des organisations civiles et politiques du mouvement nationaliste hindou.

10Parmi elles on trouve Jawaharlal Nehru University, Jamia Milia Islamia, Hyderabad Central University, University of Hyderabad, Osmania University, Jadavpur University, Presidency University, University of Allahabad ou encore Aligarh Muslim University.

11Les étudiant·es incriminé·es se voient ainsi qualifié·es d’antinationals (ennemi·es de la nation).

12Strang, David, and Sarah A. Soule. 1998. “Diffusion in Organizations and Social Movements : From Hybrid Corn to Poison Pills.” Annual Review of Sociology 24(1) $1265–90.

13J’entends ici par communautés générationnelles des collectifs et réseaux de collectifs évoluant dans les milieux de l’éducation supérieure, caractérisées par leur capacité à produire des grilles d’interprétation communes face aux tournants sociaux et politiques de leur environnement plus large. Pour une définition complète, voir Martelli, Jean-Thomas and Garalytė, Kristina. 2020. “Generational Communities : Student Activism and the Politics of Becoming in South Asia.” SAMAJ : South Asia Multidisciplinary Academic Journal 22, paragraphe trois.

14Ministry of Human Resource Development. 2019. All India Survey on Higher Education 2018-2019. New Delhi : MHRD.

15Martelli, Jean-Thomas. 2020. “The Spillovers of Competition : Value-based Activism and Political Cross-fertilization in an Indian Campus.” SAMAJ : South Asia Multidisciplinary Academic Journal 22.

16O’Donell, Guillermo A. 1994. “Delegative Democracy.” Journal of Democracy 5(1) $155–69.

17Urbinati, Nadia. 2019. “Political Theory of Populism.” Annual Review of Political Science 22(1) $1111–27.

18Bharatiya Janata Party (BJP). 2019. Shri Amit Shah’s Address to BJP Karyakarta [Workers] at BJP HQ. New Delhi. Retrieved March 6, 2020 (www.youtube.com/watch ? v=-FLUbRelOtw).

19Madhav, Ram. 2019. “This Election Result Is a Positive Mandate in Favour of Narendra Modi.” The Indian Express. Retrieved March 6, 2020 (www.indianexpress.com/article/opinion/columns/lok-sabha-elections-result-narendra-modi-bjp-government-congress-5745313).

20Beyerlein, Kraig, and John Hipp. 2006. “A Two-Stage Model for a Two-Stage Process : How Biographical Availability Matters for Social Movement Mobilization.” Mobilization : An International Quarterly 11(3) $1299–320.

21Karnad, Raghu. 2020. “Farewell to Shaheen Bagh, as Political Togetherness Yields to Social Distance.” The Wire, March 24.

22Times of India Reporter. 2020. “Delhi Violence : Autopsy Report Shows over 200 Injuries on IB.” The Times of India, February 28.

23Voici la traduction d’extraits de l’un des « rapports » de propagande pro-gouvernementale à la suite du pogrom de New Delhi : « Les tueries brutales façon ISIS [acronyme de l’organisation État islamique] pointent vers des liens de [avec] l’autre côté de la frontière [ici cela fait référence à l’« ennemi » pakistanais]. » [p.2] « Les émeutes de Delhi ne sont ni un génocide ni un pogrom visant une communauté particulière. Elles sont la conséquence tragique d’une radicalisation systématique et planifiée des minorités par un réseau de l’ultragauche-Naxal[e] [groupe armé d’obédience maoïste] urbaine agissant dans des universités de Delhi. » [p.45] « Il y a un large nombre de victimes qui appartiennent aux castes répertoriées [tournure suggérant que les victimes ne sont pas des musulmans, mais des hindous de basse caste]. » [p.46] « Des locaux dans des quartiers aussi éloignés que Chand Bagh et Malviya Nagar ont reporté la présence d’étudiantes femmes de JNU instiguant constamment les foules [à la violence] dans ces zones plusieurs semaines avant le 23 février 2020. […] Les manifestants contre le CAA venus de ruelles sont arrivés dans la rue, accompagnés d’une horde de jihadistes armés qui ont visé la police de Delhi et les civils de manière indiscriminée. » [p.47] Dans Group of Intellectuals and Academicians (GIA). 2020. Delhi Riots 2020 : Report from Ground Zero. New Delhi.

24Jaffrelot, Christophe. 2020. « L’Inde à l’heure du Coronavirus : Une Bombe à Retardement Globale ? » Institut Montaigne.