Alors que s’ouvre le Sommet de Cancun, retour sur la Conférence de Cochabamba, qui unifie des conceptions anticapitalistes issues du mouvement ouvrier avec une tradition culturelle andine de rapports avec la nature et d’inscription dans des rapports communautaires collectifs. La Bolivie parvient ainsi à lancer une dynamique synthétisant l’opposition entre la logique capitaliste et la logique d’un développement soucieux d’équilibre écologique et social.

La Bolivie, petit pays de tout juste 10 millions d’habitants cette année, a fait entendre une voix inhabituelle dans le concert des nations en organisant du 19 au 22 avril 2010 à Cochabamba la Conférence des Peuples sur l’Urgence Climatique et les Droits de la Mère Terre. Son retentissement a été mondial. D’où une première question : la Bolivie peut-elle apporter des ressources nouvelles au mouvement altermondialiste ? Pour le comprendre, nous évoquerons les origines historiques du dynamisme de ce mouvement et nous en détaillerons les différentes propositions.

Enjeux et limites du mouvement issu de Cochabamba

Dans la lutte menée au niveau mondial pour la sauvegarde des équilibres planétaires et contre les freins et compromis mis en avant par les différents acteurs du capitalisme, la Conférence de Cochabamba apporte un discours et des concepts nouveaux. Deux types d’enjeux importants pour le mouvement altermondialiste en découlent. Pour les apprécier, il faut aussi en mesurer quelques-unes des limites.

1. Les enjeux mondiaux du mouvement issu de Cochabamba

Les acquis de la Conférence Mondiale des Peuples sur le Changement Climatique et les Droits de la Terre-Mère sont considérables et concernent de manière très différente les populations des pays en développement et celles des pays développés. Parmi les nombreux thèmes revendicatifs que cette Conférence nous apporte, beaucoup concernent en premier lieu les pays et peuples du Sud car ils partent du point de vue des populations paysannes et indigènes plus sensibles aux questions des rapports avec la nature, des besoins en eau ou des menaces associées à la sécheresse, aux déforestations ou aux inondations. De ce fait, les revendications correspondantes sont plus susceptibles de susciter l’adhésion des peuples et civilisations qui s’appuient encore fortement sur les modes traditionnels d’exploitation des ressources agricoles et naturelles. L’enjeu principal de Cochabamba est donc d’abord la mobilisation de parts importantes des peuples du Sud autour de certaines des revendications qui ont été mises en avant et justifiées par la conférence. Ce sont d’abord eux et les gouvernements qui les représentent qui pourront soutenir des revendications proches de celles avancées par la dernière conférence de Cochabamba.

Ce n’est donc pas un hasard si ce sont les pays de l’ALBA (Bolivie, Cuba, Équateur, Venezuela) qui se sont saisis en premier des objectifs revendicatifs de Cochabamba. Sauront-ils élargir leur mobilisation aux pays moins avancés sur le plan politique de l’Amérique du Sud comme l’Argentine, le Brésil, le Chili, voire le Pérou ? Et pourront-ils concerner les pays en développement d’autres continents, l’Asie du Sud et l’Asie de l’Est, mais aussi l’Afrique et le Moyen-Orient ? Ces questions sont essentielles pour savoir quelle sera la portée internationale de ce mouvement.

Un autre enjeu important de Cochabamba concerne les forces sociales des pays développés. Pour une part, il s’agit de savoir quel écho ces thèmes revendicatifs trouveront auprès des syndicats de paysans ou des organisations écologistes sensibles à la question de l’équilibre à rechercher dans les écosystèmes. Pour une autre part, les revendications avancées par la Conférence de Cochabamba peuvent rencontrer un accueil favorable de la part des organisations et forces sociales plus concernées par les rapports Nord-Sud, par exemple par les questions de la dette des pays en développement, et par les mouvements altermondialistes qui mettent en bonne place dans leur programme la transformation des relations entre les pays en développement et les pays développés.

Nous pouvons prévoir que la mobilisation des populations des pays développés ne sera pas motrice sur de tels thèmes. Elle ne devrait vraisemblablement avoir principalement qu’un rôle de soutien et d’amplification des mobilisations portées par les populations des pays en développement. Il est loin d’être évident que ces thèmes puissent être compris et repris par les populations des pays développés très éloignées des conceptions traditionnelles du monde rural. De plus, nos peuples sont peu ouverts aux visions philosophiques d’une harmonie entre une Terre-mère et la société moderne, en raison notamment de la prégnance des conceptions judéo-chrétienne et capitalistes instrumentalisant la nature et visant plus son exploitation que sa préservation.

2. Les limites du mouvement de Cochabamba

Deux types de limites diminuent les capacités mobilisatrices des résultats de Cochabamba : les difficultés des conclusions à être traduites dans un langage appropriable par d’autres cultures que les civilisations andines ayant donné naissance au concept de Terre-Mère, d’une part ; la restriction des thèmes de Cochabamba à des objectifs revendicatifs très éloignés des procédures permettant de les traduire en solutions envisageables. Nous pouvons nous demander si ces limites ne découlent pas, pour une part plus ou moins importante, des caractères d’un mode d’élaboration très encadré et piloté par le gouvernement bolivien, ce qui a peut-être réduit les possibilités de discussions et d’apport extérieur. Peut-être l’ouverture du mouvement issu de Cochabamba vers d’autres forces non boliviennes pourrait permettre de dépasser ces limites initiales.

Les propositions d’action ne sont pas facilement appropriables par des populations ni issues de pays en développement, ni paysannes ou rurales, ni familières avec des conceptions organicistes du monde. Quelques exemples : la notion de Terre-Mère fait appel à des représentations des rapports entre les êtres humains et la nature qui n’ont pas été explicitées ; de plus les rapports d’entraide et de coopération présents dans les sociétés indiennes gagneraient à être précisés pour que l’on comprenne leur harmonie avec l’équilibre dans la nature. La Bolivie a proposé un référendum sur le changement climatique. Mais l’agrégation de plusieurs questions relatives les unes avec l’adhésion aux concepts de la Terre-Mère, les autres avec la prohibition des bases militaires ou la nécessité de réformer le système capitaliste demanderait à être explicitée pour être signifiante.

Les propositions de la Conférence de Cochabamba sont enfin limitées à des démarches essentiellement revendicatives. Les propositions de réforme du financement de l’aide au développement n’intègrent pas par exemple les avancées réalisées par les mouvements européens en matière de taxes globales. Les propositions d’un Tribunal International Climatique ne s’appuient ni sur les acquis découlant de l’expérience de la mise sur pied de la Cour Pénale Internationale ni sur les réflexions concernant la création de Parlements continentaux ou mondial permettant d’élaborer démocratiquement une législation internationale. Nous pouvons heureusement espérer que la prochaine Conférence Mondiale des Peuples en avril 2011 permettra d’avancer sur ces différents points.

Dans la tradition des luttes de la Bolivie

Pour comprendre la portée des propositions de la Conférence de Cochabamba, nous allons commencer par montrer en quoi son dynamisme s’inscrit dans l’histoire des luttes du peuple andin et bolivien. Nous pourrons détailler ensuite la panoplie de moyens d’action proposées dans les sept axes de la Conférence.

1. Un petit pays au confluent de multiples civilisations

La Bolivie est un pays qui n’a pas deux siècles. Pourtant ses racines sont anciennes. La culture andine du peuple du Haut-Pérou date de plus de 3000 ans et est l’héritière de la civilisation de Tiwanaku implantée au cours du premier millénaire avant JC. Cette culture n’a pas été éliminée, ni par l’arrivée des Quechuas et le rattachement à l’empire inca au 15ème siècle, ni par la conquête espagnole au 16ème siècle avec le pillage industriel de ses mines d’argent et la christianisation à coups de mission de jésuites qui l’ont accompagné, ni par l’essor du capitalisme industriel et minier aux 19ème et 20ème siècles.

Au contraire, la persistance de révoltes puis le développement de luttes de libérations nationales aux 18ème et 19ème siècles forgeront l’histoire de la Bolivie avec ses héros tels Tupac Katari et exprimeront une identité nationale aux fortes composantes indiennes.

2. Le mouvement des luttes des indigènes

De ce fait, de multiples civilisations sont présentes au Haut-Pérou depuis des millénaires avec des organisations communales du travail qui privilégient la solidarité, l’entraide et la coopération. La propriété communale de la terre (l’ayllu) se traduit dans des formes de coopération et de justice distributive qui, selon Garcia Linera, le vice-président de la Bolivie, peuvent et doivent s’unir avec le socialisme ouvrier.

D’où la défense d’un multiculturalisme de gauche permettant de faire cohabiter diverses logiques de civilisation, d’abord celles du socialisme ouvrier des grandes villes mais aussi celles présentes dans la cinquantaine de communautés historiques et culturelles présentes dans les 62% de population d’origine indienne. Un grand nombre de mouvements culturels expriment des aspirations identitaires correspondant à la persistance d’un tel héritage, en Bolivie mais aussi en de nombreux autres pays d’Amérique Centrale et du Sud. Par là, ils ont une portée qui dépasse largement les limites de ce pays, voir même de ce continent.

3. Des luttes du gouvernement Morales à la revendication des droits de la Terre Mère

Evo Morales est le premier indien élu Président de la Bolivie. Peu après son élection, en mai 2006, son gouvernement a procédé à la nationalisation des ressources en hydrocarbures en expropriant 3 compagnies étrangères. Il revendique d’exploiter les ressources du pays en en respectant les équilibres naturels et conformément aux besoins des minorités, en réorientant les ressources vers les producteurs petits et moyens.

Avant cette élection, à Cochabamba, en 2000, une véritable guerre de l’eau a opposé la population locale à une filiale de Suez afin d’obtenir une gestion municipale des approvisionnements. Peu après son élection, le Président Morales a d’ailleurs institué un Ministère de l’eau qui a obtenu le remplacement de AGUAS, la filiale de Suez par APSA, une entreprise publique sociale d’eau et d’assainissement. Ces premières actions sont en fait des éléments d’une vision à beaucoup plus long terme, elle-même représentative d’une conception du monde ancrée dans une tradition originale.

Vers une vision à long terme : la défense des droits de la Terre-Mère

Depuis longtemps, dès la formation du mouvement syndical qui a marqué son entrée dans l’action politique, Evo Moralès s’est appuyé sur les conceptions andines traditionnelles de la Terre-Mère pour s’opposer au système capitaliste et à ce qu’il dénonce comme un modèle de civilisation patriarcal fondé sur la soumission et la destruction des êtres humains et de la nature. Selon lui, en régime capitaliste, la Terre-Mère serait simplement la source des matières premières et les êtres humains ne seraient que des moyens de production et de consommation, des personnes qui n’ont de la valeur qu’en fonction de ce qu’ils possèdent et non pour ce qu’ils sont.

Refusant de suivre la voie capitaliste de mise à sac et de pillage de la nature, Moralès recommande d’emprunter le chemin de l’harmonie avec la nature et du respect de la vie. Pour lui, « l’équilibre avec la nature n’est possible que s’il y a équité entre les êtres humains ». Il revendique en conséquence la fondation d’un nouveau système qui rétablisse l’harmonie avec la nature et entre les êtres humains.

Dès octobre 2007, Morales a proposé de s’appuyer sur les savoirs et pratiques ancestrales des Peuples indigènes, affirmés dans l’expérience du « Vivre bien », en reconnaissant la Terre-Mère comme un être vivant, avec lequel nous aurions une relation indivisible et qui exprimerait notre interdépendance et notre complémentarité.

Une formule résume bien sa philosophie : « On ne maltraite pas sa mère. On lui doit le respect »

Afin de faire face au changement climatique, il demande de reconnaître la Terre-Mère comme source de vie, ce qui implique un système fondé sur les huit principes suivants :

• harmonie et équilibre entre tous et toutes et avec tout
• complémentarité, solidarité et égalité
• bien-être collectif et satisfaction des besoins fondamentaux de tous et toutes en harmonie avec la Terre-Mère
• respect des droits de la Terre-Mère et des Droits de l’Homme
• reconnaissance de l’être humain pour ce qu’il est et non pour ce qu’il possède
• élimination de toute forme de colonialisme, d’impérialisme et d’interventionnisme
• paix entre les peuples et avec la Terre-Mère.
S’opposant à une voie de développement où les pays les plus riches ont une empreinte écologique cinq fois plus grande que ce que la planète peut supporter, il propose un projet de Déclaration Universelle dans lequel dix Droits de la Terre-Mère sont consignés.

Une panoplie de moyens d’action

Face au réchauffement climatique et à la montée des catastrophes qu’il implique pour les paysans et la culture, sécheresse, inondations, famine, déforestations, la Conférence de Cochabamba propose un large appel aux populations, gouvernements, experts. Il s’appuie pour cela sur des revendications simples articulées avec la recherche d’une harmonie avec la Terre-Mère.

1. La revendication d’une pleine acceptation du protocole de Kyoto

La Bolivie réclame l’acceptation par tous les pays des contraintes du Protocole de Kyoto du fait des tentatives de certains pays d’en ignorer les obligations, ce qui s’est traduit dans le fait que les émissions de gaz à effet de serre des pays développés, au lieu de réduire, ont augmenté de 11,2 % entre 1990 et 2007, voire 16,8% pour les États-Unis.

2. La réclamation d’un accord global de réduction de 50% des GES

Par opposition à l’« Accord de Copenhague » qui permet aux pays développés de proposer seulement des engagements volontaires et individuels se traduisant dans des réductions insuffisantes des émissions de gaz à effet de serre, la Bolivie réclame l’adoption d’un amendement au Protocole de Kyoto stipulant que les pays développés doivent s’engager à des réductions domestiques significatives d’au moins 50 % par rapport à 1990, l’année de référence, pour la seconde période d’engagement de 2013 à 2017.

La Bolivie réclame l’adoption à Cancun d’un objectif global pour l’ensemble des pays développés qui serait ensuite décliné pour chacun des pays développés en comparant les efforts fournis par chacun, perpétuant ainsi le système du Protocole de Kyoto pour la réduction des émissions.

3. La reconnaissance d’une dette des pays développés

Pour la Bolivie, les pays développés, principaux responsables du changement climatique, doivent assumer leurs responsabilités, passée et actuelle, et reconnaitre leur dette climatique à l’égard du monde, ce qui s’exprime dans une série d’obligations :

• réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, et les réabsorber afin de rétrocéder aux pays en développement un espace atmosphérique décolonisé
• prendre en charge les coûts et les besoins de transfert technologique des pays en développement et assumer les coûts des adaptations liées aux impacts du changement climatique
• assumer la responsabilité des centaines de milliers de personnes qui devront migrer à cause du changement climatique et donc supprimer les politiques de restriction de l’immigration
• reconnaitre plus généralement leur dette envers la Terre-Mère en adoptant et en mettant en application la Déclaration Universelle des Droits de la Terre-Mère aux Nations Unies.

Il ne s’agit pas uniquement de compensation économique, mais principalement de justice réparatrice afin de rendre leur intégrité aux personnes et aux membres de la communauté de vie sur Terre.

4. La revendication d’un Fonds d’Adaptation pour faire face au changement climatique

La Bolivie réclame la mise en place d’un Fonds d’Adaptation au changement climatique qui serait géré et dirigé de manière souveraine, transparente et équitable pour les États. Ce fonds aurait à réparer les dommages associés aux impacts passés et futurs des événements climatiques extrêmes.

5. Un Tribunal International pour la Justice Climatique et Environnementale

Pour la Bolivie, il est nécessaire de créer un Tribunal international pour la justice climatique et environnementale qui ait la capacité légale de prévenir, juger et pénaliser les États, l’industrie et les personnes qui volontairement ou par omission polluent ou accélèrent le changement climatique. La création d’un tel Tribunal est nécessaire parce qu’il est urgent d’assurer des régulations internationales des actions des États et des entreprises multinationales, souvent plus puissantes que des États, pour limiter les menaces résultant des diverses pollutions et émissions de GES qu’elles provoquent. Agir au niveau mondial en ayant autorité sur les États est le seul moyen d’imposer une discipline dont on ne peut attendre qu’elles proviennent de la seule bonne volonté des pouvoirs en place.

Si en revanche une autorité mondiale peut sanctionner les écarts à la norme mondiale et donner une forte reconnaissance aux actions les plus exemplaires, alors nous pourrons espérer constater une inversion des comportements égoïstes des États. Car pour le moment ils attendent que les autres fassent le premier pas, que ce soit pour respecter leurs engagements et obligations vis-à-vis de la CCNUCC et du Protocole de Kyoto en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre ou pour s’abstenir de polluer davantage la terre et les océans.

L’affirmation de préoccupations concernant les pays en développement

En dehors de ces revendications concrètes, la Bolivie exprime ses préoccupations en ce qui concerne des problèmes de développement plus généraux. Pour cela, elle place au premier plan la défense des paysans, des indigènes et de leur mode de vie.

1. L’adaptation de l’agriculture
La Bolivie met en avant un certain nombre de solutions pour transformer l’agriculture et l’amener vers un modèle viable de production agricole paysan et indigène, à travers d’autres modèles assurant aux peuples le droit à contrôler leurs ressources en eau, en terres et en semences. De tels modèles visant à garantir la production d’une alimentation suffisante, variée et nourrissante grâce à une production locale en harmonie avec la Terre-Mère sont opposés à ceux découlant de l’agro-industrie et à sa logique capitaliste globalisée consistant à produire des aliments pour un marché coupé des attentes locales.

2. La défense des droits des peuples indigènes, du droit à l’eau et à la disposition de forêts préservées

La Bolivie appelle les États à reconnaître et garantir les normes internationales en matière de droits de l’homme et de droits des peuples indigènes, y compris la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples indigènes de la Convention 169 du BIT. Elle revendique la reconnaissance du droit des peuples indigènes à disposer librement de leurs ressources essentielles, l’accès à l’eau et l’utilisation des forêts.

Ceci s’exprime d’abord dans la proposition de La Bolivie de reconnaître l’eau comme un Droit humain fondamental. Il s’agit ensuite de reconnaître les droits collectifs des peuples indigènes aux terres et aux territoires, la plupart des forêts vierges et des jungles étant situées sur les territoires des indigènes et des communautés traditionnelles.

3. La prise en compte des migrations internes et internationales
La Bolivie constate que la dégradation de l’environnement et le changement climatique sont à l’origine de nombreuses migrations internes et internationales. Le nombre des réfugiés climatiques est ainsi estimé actuellement à environ 50 millions et on évalue entre 200 millions et un milliard le nombre d’individus qui seront déplacés à cause de situations résultant du changement climatique d’ici à 2050.

Pour la Bolivie, les pays développés devraient assumer leurs responsabilités face aux réfugiés climatiques, les accueillir sur leurs territoires et reconnaître leurs droits fondamentaux en signant des conventions internationales définissant ce qu’on appelle un réfugié climatique et exigeant de tout État qu’il applique ces conventions.

4. La revendication d’un mode universel de partage des savoirs et des connaissances

Pour la Bolivie, le monde doit redécouvrir et réapprendre les principes ancestraux et les approches des peuples indigènes pour arrêter la destruction de la planète. Il doit également promouvoir les pratiques et les connaissances ancestrales afin de retrouver la capacité de « bien vivre » en harmonie avec la Terre-Mère. Pour la Bolivie, la connaissance et ses applications technologiques sont universelles et ne devraient en aucun cas faire l’objet de propriété privée ou d’usage privé. Les pays développés devraient être responsables du partage de leur technologie avec les pays en développement, de la construction dans ces pays de centres de recherche pour la création de technologies et d’innovations, de la défense et de la promotion de leur développement et de leurs applications en matière de « bien-vivre ».

5. Pour un nouveau mode de financement des adaptations des pays en développement

La Bolivie constate que les financements actuellement destinés aux pays en développement pour lutter contre le changement climatique et la proposition de l’Accord de Copenhague sont très faibles. Elle demande que les pays développés prennent l’engagement de donner chaque année au moins 6% de leur PNB pour battre en brèche le changement climatique dans les pays en développement.

Pour conclure

La Bolivie dénonce certes l’inefficacité du marché du carbone et la spéculation. Mais elle n’apporte pas de propositions nouvelles quant aux instruments financiers permettant de réaliser concrètement un tel prélèvement. Pourquoi ne pas proposer de nouvelles taxes globales ? Pourquoi ne pas réfléchir sur des propositions innovantes de taxation des rejets de GES, des pollutions ou des déforestations ?

Il reste que, au delà de ses limites, le mouvement issu de la conférence de Cochabamba apporte de nombreux éclairages novateurs sur la transformation des rapports entre la société et les ressources de la planète, lesquels se traduisent dans des propositions elles aussi novatrices de rénovation des rapports Nord-Sud. Il est probable que ces avancées seront suivis de nombreuses autres, ce qui nous fera progresser vers la construction d’un monde plus harmonieux.

Ce qui est très intéressant pour nous, c’est le potentiel mobilisateur des conceptions mettant en avant notre dépendance à l’égard de la Terre-Mère, la nécessité de l’harmonie et de l’équilibre et les rapports de respect qu’ils induisent de la part de citoyens plus conscients de leur intégration à un écosystème global.

C’est comme si le fantôme de Bolivar, le rédacteur de la constitution de la Bolivie en 1825, planait sur les initiatives de la Conférence de Cochabamba et voulait donner un coup de fouet à l’union entre l’écologie politique et la lutte pour l’émancipation mondiale pour laquelle nous nous démenons tous.