Le Mouvement du 15 Mai a vaincu la première tentative de le réprimer. Ce vendredi 27 mai, l’opération d’expulsion du camp de la « plaza Catalunya » à Barcelone, le second en importance jusqu’à présent dans l’Etat espagnol, a été un échec cuisant.
Une semaine après que le mouvement ait politiquement mis en déroute l’interdiction émise par la Junte Electorale Centrale d’organiser des manifestation pendant la « journée de réflexion » du 21 mai et le jour des élections, le 22 mai, ce vendredi matin, à la première heure, la police catalane a tenté d’expulser le camp de la place de la Catalogne. Avec un prétexte ridicule et très peu crédible ; faciliter une opération de nettoyage de la place.
D’importants effectifs policiers ont commencé par fermer les accès à la place où se trouvaient quelques 300 personnes, afin de permette à une brigade municipale de nettoyage de démanteler le camp. Plus d’un millier de personnes ont sont venues en solidarité avec les occupants, parvenant à « reconquérir » la place et forçant la police à battre en retraite.
La tentative d’expulsion par la police a été extrêmement brutale. Malgré les mensonges du conseiller à l’intérieur du gouvernement catalan, Felip Puig, les images parlent d’elles-mêmes. Tout comme le bilan : plus de 100 blessés, dont l’un très grièvement.
Provocation policière ? Erreur de calcul ? Quoiqu’il en soit, le mouvement a remporté une victoire politique très importante. L’image d’un Felip Puig nerveux répondant aux journalistes lors de sa conférence de presse était un signe clair du fiasco politique et policier du gouvernement catalan. Au-delà de la reconquête formelle de la place, la victoire contre cette première tentative de répression a donné encore plus de force et d’énergie aux activistes et n’a fait qu’augmenter la sympathie envers eux parmi la majorité de la population.
Alors que l’attention médiatique à son égard était en baisse au cours de la dernière semaine, une fois que les élections municipales et régionales passées, l’attaque policière du camp de Barcelone a à nouveau donné une importante visibilité au mouvement des indigné-e-s.
Selon les médias, plus de 12.000 personnes ont remplies à ras bord la place de la Catalogne lors du rassemblement de 19h et du « concert de casseroles » de 21 heures ce vendredi 27 mai. Peu avant, vers 17h, plusieurs milliers de personnes ont participé à la marche contre les mesures d’austérité dans la santé publique, organisée par la plateforme des travailleurs de la santé « Indignés et indignées ». Cette marche est partie du monument à Christophe Colomb et s’est terminée par une entrée triomphale sur la place de la Catalogne.
Sans aucun doute, l’assemblée qui s’est tenue à la fin de la journée a été la plus massive depuis le début du mouvement. Les slogans les plus criés constituaient un message politique très clair : « On ne nous expulsera pas de la Place de la Catalogne ! » ; « Felip Puig, démission ! », « Ici commence la révolution ! ». Les rassemblements dans les autres camps de l’Etat espagnol ont également été plus importants qu’au cours des derniers jours. La solidarité contre la répression a donné une nouvelle impulsion au mouvement, après une semaine où la fatigue a commencé à s’accumuler et faire sentir ses effets.
Il est impossible de savoir jusque quand dureront les camps et les assemblées sur les places, mais ceci n’est pas un mouvement conjoncturel ni isolé. C’est la pointe de l’iceberg d’un malaise social accumulé qui commence à se transformer en mobilisation. Une première secousse sociale qui annonce une nouvelle vague de mobilisations dont les manifestations du 15 mai et les occupations ne sont que l’avant goût.
Les camps et les occupations de places ne doivent pas êtres analysés comme une fin en soi. Ils jouent actuellement à la fois un rôle de référence symbolique et de base d’opérations, de levier pour impulser les mobilisations à venir et de haut-parleur pour amplifier les luttes en cours.
Pendant toute la semaine, plusieurs secteurs en lutte ont participé aux activités de notre particulière « plaza Tahrir » à Barcelone, entre autres des collectifs pour un logement digne et de familles menacées d’expulsion ; des travailleurs de la compagnie Telefonica en lutte contre la volonté de la direction de licencier 6.000 employés ; des étudiants et des travailleurs universitaires qui protestent contre les mesures d’austérité dans l’enseignement supérieur.
Presque deux semaines après le 15 mai et le début des occupations, le mouvement de notre petit « mai 2011 » a encore devant lui quelques défis. Le premier, c’est de continuer à s’enraciner localement, en multipliant les assemblées de quartiers et de villes et en favorisant l’auto-organisation populaire. Le second, c’est de multiplier les efforts pour se lier à la classe ouvrière, les entreprises en lutte et le syndicalisme de combat et maintenir ainsi la pression sur les syndicats majoritaires, déconcertés par un mouvement inattendu qui remet radicalement en question leur orientation actuelle en faveur de la concertation sociale. Le troisième défi consiste à faire culminer les occupations avec une date pour une puissante mobilisation unificatrice dans l’ensemble de l’Etat espagnol et, dans la mesure du possible, à l’échelle internationale. De là la nécessité de commencer à travailler sur la date du 19 juin, par le camp de Barcelone, comme objectif pour une telle mobilisation globale.
La journée du 28 mai a été décisive pour insuffler de l’énergie, activer de nouvelles solidarités et redoubler les motifs de l’indignation. Il convient maintenant de penser les prochains pas à faire de manière collective et stratégique.
Traduction française par Ataulfo Riera pour le site www.lcr-lagauche.be