La Nouvelle-Calédonie est à l’orée d’une nouvelle ère dont les contours se dessineront plus précisément à l’issue du référendum d’autodétermination prévu par l’accord de Nouméa de 1998. Ce référendum aura lieu six mois avant la fin de l’actuelle mandature provinciale, donc au plus tard avant novembre 2018. La question, dont la formulation reste à spécifier, portera sur l’indépendance pleine et entière de ce territoire du Pacifique Sud colonisé par la France depuis 1853. L’accord de Nouméa, accord de « décolonisation négociée » signé par les représentant·e·s des blocs indépendantistes et anti-indépendantistes et le gouvernement français, prolonge l’accord de Matignon-Oudinot, également tripartite, qui avait mis fin à la séquence violente des « événements » (1984-88) inextricablement composés d’éléments de guerre civile et de lutte anticoloniale. Cette imbrication résulte d’une trajectoire singulière de colonisation de peuplement qui a construit une société particulièrement cloisonnée. Les mots de la « décolonisation négociée » – expression officielle et donc part intégrante de ce vocabulaire structurant les accords politiques – sont le « rééquilibrage » économique entre provinces et groupes socio-ethnique[1], dans lequel l’économie minière joue un rôle pivot, et le « destin commun », formalisé par une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie :

« Il est aujourd’hui nécessaire de poser les bases d’une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie, permettant au peuple d’origine de constituer avec les hommes et les femmes qui y vivent une communauté humaine affirmant son destin commun » (accord de Nouméa, 1998, préambule, article 4).

Trois autres termes participent de ce champ lexical : « identité », « souveraineté » et « reconnaissance ».

« La colonisation a porté atteinte à la dignité du peuple kanak qu’elle a privé de son identité. Des hommes et des femmes ont perdu dans cette confrontation leur vie ou leurs raisons de vivre. De grandes souffrances en ont résulté. Il convient de faire mémoire de ces moments difficiles, de reconnaître les fautes, de restituer au peuple kanak son identité confisquée, ce qui équivaut pour lui à une reconnaissance de sa souveraineté, préalable à la fondation d’une nouvelle souveraineté, partagée dans un destin commun. (…) L’avenir doit être le temps de l’identité, dans un destin commun » (accord de Nouméa, 1998, préambule, article 4).

Dans ce texte, je me concentrerai sur la notion de « destin commun » qui représente un défi politique majeur face à une histoire marquée par les désarticulations et à un champ social et politique fonctionnant selon une logique très segmentaire. L’image de la désarticulation relève tout d’abord d’une comparaison avec la trajectoire des colonies de peuplement anglophones[2]. Elle exprime des décalages temporels, par exemple, comme nous le verrons, le fossé entre première colonisation (pénale), fin XIXe siècle, et colonisation libre tardive, dans les années 1960-1970, à la différence ce qui s’est passé en Australie par exemple. Le terme renvoie aussi aux difficiles articulations[3] politiques, sociales, culturelles entre des mondes socio-ethniques qui se sont construits de manière radicalement ségréguée et continuent de fonctionner sur un mode très segmentaire malgré les multiples liens individuels, familiaux, amicaux ou professionnels traversant les frontières ethniques.

L’expression « destin commun » est en même temps un opérateur narratif et énonciatif très ambigu quant à la première personne du pluriel à laquelle il renvoie implicitement : quelle est cette communauté censée incarner le futur apaisé de la Nouvelle-Calédonie, quelle que soit l’issue du référendum, et qui se serait déjà cristallisée dans la sorte de mise en suspens que constitue le temps de l’accord de Nouméa[4] ? On suivra ici l’écrivain martiniquais Edouard Glissant[5] lorsqu’il évoque la présence « obsessionnelle » du passé aux Antilles, passé qui constitue une sorte de « non-histoire » au sens où il lui manque la puissance narrative d’un telos organisateur typique des récits occidentaux – récits de la nation et de l’empire, de la modernité et de la colonisation. Il en résulte un régime d’historicité – terme désignant les manières diverses dont le présent, le passé et le futur sont articulés[6] – fracturé et désarticulé[7]. Le « destin commun » tel que porté par les acteur·rices calédonien·nes hésite entre projection dans un futur multiculturel – mais s’agit-il de l’intégration et de la reconnaissance mutuelle d’individus pluriels ou de la juxtaposition de communautés ethniques ? – et mise en suspens de l’avenir dans une coexistence présente fragile de groupes socio-ethniques n’ayant ni réglé ni digéré le différend colonial.

Le présent texte montre que l’héritage de la colonisation de peuplement joue un rôle structurant et indépassé (section 1) dans la construction actuelle des discours de la souveraineté et de l’identité (section 2) au sein duquel la question minière occupe une place clé (section 3). Pourtant, paradoxalement, le secteur du nickel, structurant dans l’histoire néo-calédonienne, n’émerge que tardivement comme objet politique, dans la foulée des accords de Matignon-Oudinot. Les choix de politiques publiques concernant la gestion du patrimoine minier comme les controverses et conflits récents en la matière sont à la base de reconfigurations des lignes et des collectifs politiques, renvoyant pour partie aux désarticulations et segmentarités consubstantielles à la trajectoire néo-calédonienne. Je conclurai cette discussion sur les apories actuelles du destin commun comme pratique discursive et projet politique en Nouvelle-Calédonie.

L’héritage de la colonisation de peuplement

La Nouvelle-Calédonie contemporaine porte l’empreinte d’une trajectoire de colonisation de peuplement qui apparaît à la fois désarticulée et atypique. Colonie pénitentiaire de 1864 à 1898 (ces dates sont celles de l’importation de cette main-d’œuvre, environ 22 000 personnes, aux profils divers, droits communs, indigent·es, communard·es, sujets algériens de l’Empire…) qui continuera d’exister jusque dans les années 1920, elle est aussi importatrice d’une main-d’œuvre forcée, provenant d’autres colonies (Indochine, Nouvelles-Hébrides, Indes orientales néerlandaises) et du Japon, des années 1870 aux années 1920, pour compenser les échecs de la colonisation libre, avant de recevoir l’afflux organisé par l’État français d’immigrant·es en provenance de France et aussi des territoires français du Pacifique (principalement Wallis et Futuna et aussi la Polynésie française) dans les années 1960 et au début des années 1970. Si la colonisation pénale apparaît comme un « succès » en termes quantitatifs, la colonisation « libre », que la France a tenté de substituer à la main-d’œuvre pénitentiaire, a dans un premier temps été un échec patent de ce point de vue.

L’autre face de la colonisation de peuplement est faite de spoliations foncières, d’un génocide rampant (jusqu’au redémarrage de la courbe démographique kanak dans les années 1920) et d’une politique de ségrégation raciale et spatiale. Les Kanak n’étaient pas des citoyen·es de l’empire, mais des sujets soumis au régime disciplinaire de l’Indigénat[8]confinés dans des réserves foncières exiguës et enclavées, sous l’autorité d’une chefferie administrative instaurée par le pouvoir colonial. La réponse aux échecs de la colonisation libre et à l’enfermement et au déclin démographique des Kanak fut pour l’administration coloniale et les entreprises minières l’importation déjà mentionnée d’une main d’œuvre dépendante.

Après la fin de l’indigénat en 1946, cette trajectoire connut un point d’inflexion majeur. Cette abolition marque en effet l’entrée progressive, mais sous une forte tutelle des églises, des Kanak dans la cité civique et économique (avec un autre signe de désarticulation historique, la reconnaissance juridique extrêmement tardive, en 1959, du statut foncier coutumier). Cette bifurcation s’exprime dans la politique de recolonisation menée dans le Pacifique au cours des années 1960 par la France gaulliste, sous des formes différentes selon les territoires et en fonction d’objectifs principalement géopolitiques : puissance nucléaire, déploiement militaire, contrôle de minerais stratégiques comme le nickel[9] En Nouvelle-Calédonie, cette reprise de contrôle post-impériale s’est manifestée par une restriction de l’autonomie politique acquise au cours de la phase coloniale plus libérale des années 1950 (lois Jacquinot de 1963 et Billotte de 1969), par une immigration massive encouragée par l’État français pour noyer dans le nombre les revendications politiques kanak (environ 35 à 40 000 personnes arrivèrent en à peine dix ans, alors que le territoire comptait moins de 150 000 personnes à l’époque), par un boom du nickel intense mais de courte durée (1967-1972) et par la mise en place d’une « économie assistée » dépendante des transferts financiers de l’État français afin de gérer le « contre-boom »[10]

Cette trajectoire de colonisation de peuplement peut être analysée comme très désarticulée si on la compare avec la séquence théorique proposée par James Belich pour le monde anglophone. Il distingue quatre phases successives : colonisation progressive, colonisation explosive, recolonisation, décolonisation. Le passage de la phase progressive à la phase explosive désigne l’accélération et l’intensification radicales d’une colonisation qui n’était pas simplement démographique et économique mais aussi idéologique, sociale, politique et culturelle[11]. Si, dans les contextes qu’il étudie (en particulier l’Amérique du Nord et l’Australie), ce passage s’est fait sans solution de continuité, en Nouvelle-Calédonie, un demi-siècle s’est écoulé entre la fin de la colonisation pénale et l’immigration liée au boom du nickel. Dans l’intervalle, l’importation de force de travail a permis de résoudre la question du travail jusque dans l’entre-deux-guerres, question qui ré-émerge de façon pressante dans les débats politiques après la seconde guerre mondiale.

Les phases 2 et 3 du modèle de Belich se sont télescopées, voire inversées, à travers un resserrement du lien avec la métropole (recolonisation), en particulier via les restrictions sur l’autonomie du territoire, et un boom démographique et économique (colonisation explosive). La combinaison des phases de recolonisation et d’immigration massive pava le chemin à la polarisation du champ politique, avec l’émergence d’une revendication indépendantiste kanak[12]et la constitution de deux blocs pro- et anti-indépendance, aboutissant à la période violente des « événements » (1984-88), mixte de guerre civile et de lutte anticoloniale.

Asymétries historiques et discours de souveraineté

Les accords de Matignon-Oudinot (1988) et Nouméa (1998) ont mis la Nouvelle-Calédonie sur la voie d’un processus original de « décolonisation négociée » devant aboutir à un référendum d’autodétermination avant 2019. Le projet de « destin commun » est, on l’a vu, au centre du dispositif, s’exprimant formellement dans la reconnaissance d’une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie. Le projet peut être formulé ainsi : construire un pays autonome dans lequel les différentes strates historiques de peuplement pourraient vivre sur un pied d’égalité, sur la base d’une reconnaissance mutuelle. Mais l’expression est polysémique et elle peut se traduire par des formules diverses en termes de pluralisme juridique, de formes de la citoyenneté et de politique des appartenances.

Le cadre institutionnel fondé par les accords politiques de Matignon et Nouméa et la loi organique de 1999 a établi une équation fondatrice entre identité et souveraineté, équation par ailleurs clé pour la reconnaissance des peuples autochtones[13] L’accord de Nouméa conceptualise une tension entre asymétrie historique et symétrie politique : la reconnaissance par l’État et les descendants des colons des Kanak comme peuple premier de la Nouvelle-Calédonie et victimes du régime colonial (avec les bagnards et les engagés, ainsi que leurs descendant·es, également « victimes de l’histoire » comme énoncé lors de la table ronde de Nainville-les-Roches en 1983) jette les bases d’une reconnaissance mutuelle de toutes les composantes de la société néo-calédonienne dans le cadre d’une communauté de destin et d’une souveraineté partagée. En d’autres termes, la revendication kanak peut être formulée ainsi : « Reconnaissez notre antériorité pour que nous puissions reconnaître votre citoyenneté ». La dialectique premier·ères occupant·es/arrivant·es ultérieur·es et la notion transitoire de citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie introduisent une brèche dans l’indivisibilité nationale de la république française et donnent une tonalité particulière à la période allant des accords au référendum. La souveraineté de la Nouvelle-Calédonie est enchâssée dans celle de l’État-nation français – via les accords politiques et la loi organique – et dans un cadre idéologique nationaliste basé sur la dichotomie métropole/colonie. La notion de souveraineté partagée revêt dès lors trois significations : (i) la répartition des compétences entre France et Nouvelle-Calédonie et leur progressif transfert de la première à la seconde ; (ii) les modalités de l’autonomie envisagées du point de vue des relations futures entre France et Nouvelle-Calédonie ; (iii) l’organisation – la ré-articulation – des rapports entre les différents segments ethniques de la population néo-calédonienne, sur les prémisses de l’autochtonie kanak.

Cette polysémie favorise l’émergence d’interprétations alternatives de la reconnaissance de l’identité et de la souveraineté kanak. Face à la souveraineté externe basée sur les idées de décolonisation, de nationalisme et d’indépendance, le discours autochtone dessine les contours d’une souveraineté interne laissant en suspens la question de l’indépendance[14]. Cette politique de la reconnaissance a ainsi ouvert la porte à l’approfondissement du débat sur le sens de l’équation entre identité et souveraineté dans le cadre d’une souveraineté partagée. Dans les années 1990 et plus encore depuis les années 2000, une réflexion politique et juridique très active a été lancée par les autorités néo-coutumières (le Sénat coutumier né avec l’accord de Nouméa[15]) et les associations autochtones autour de la notion de citoyenneté et des droits spécifiques qu’elle ouvre au peuple kanak. La construction progressive d’un droit coutumier s’inscrit dans ce mouvement, signe de la volonté affichée des autorités coutumières de participer pleinement à la construction de l’État en Nouvelle-Calédonie, qu’il soit indépendant ou non. Il est d’ailleurs à noter – autre désarticulation temporelle – le caractère historiquement tardif du travail effectué par le Sénat coutumier qui a abouti en 2014 à la publication de la Charte du peuple Kanak[16]. Ce dernier vise non pas à codifier la coutume mais plutôt à mettre au jour des principes substantiels à vocation constitutionnelle en vue de la construction d’un droit kanak non nécessairement indépendant. En Nouvelle-Calédonie, la politique radicale de ségrégation raciale et spatiale avait en quelque sorte rendu à l’époque inutile le travail de codification de la coutume effectué (sans grand succès) dans les autres colonies de l’empire[17].

Selon cette perspective, et dans un contexte de décolonisation d’une colonie de peuplement, les discours kanak nationalistes et autochtones convergent autour de la reconnaissance de l’asymétrie historique évoquée plus haut et basée sur l’antériorité kanak. Toutefois, pour les nationalistes, la reconnaissance de l’asymétrie historique constitue le socle pour la construction d’une citoyenneté partagée et égale tandis que les organisations autochtones semblent traduire cette asymétrie en termes de citoyenneté différenciée[18], le terme « kanak » devenant un ethnonyme et non plus une qualification nationale. On va retrouver cette divergence dans la manière dont les collectifs vont se définir en rapport avec l’enjeu minier.

La gestion du patrimoine minier : désarticulations anciennes et nouvelles

La question minière occupe une place clé dans ce contexte. La mine a partie liée avec l’histoire coloniale de la Nouvelle-Calédonie. Le nickel y fut découvert en 1864 par l’ingénieur Jules Garnier qui fut en 1880 l’un des trois fondateurs de la Société le Nickel (SLN) qui a dominé le paysage minier du pays durant près d’un siècle comme opérateur économique exerçant aussi des fonctions paraétatiques face à un État colonial à la fois brutal et faible. Paradoxalement, la construction de la question minière comme enjeu politique est récente, datant des années 1990, en lien avec le discours du rééquilibrage. La montée de la revendication indépendantiste et les « événements » étaient structurés par les questions de reconnaissance culturelle et politique et de redistribution foncière. L’extraction minière était mentionnée comme un symbole du pillage colonial et, à Thio par exemple, place forte du nickel et de la SLN, la destruction des bureaux de cette dernière dans les années 1980 est apparue étrangement comme un dommage collatéral du conflit – ce qui ne signifie pas que les leaders indépendantistes n’avaient pas élaboré une réflexion sur la place de la mine dans leur stratégie économique ; on pense en particulier à Raphaël Pidjot, signataire de l’accord d’Oudinot et qui sera président de la SMSP de 1990 à 2000[19]

Le nickel apparaît sur le devant de la scène dans les années 1990 en tant qu’outil économique de l’émancipation politique pour les indépendantistes, dans le cadre de la renégociation des accords de Matignon-Oudinot[20]. Dès 1990, la Société minière du Sud Pacifique (SMSP), détenue par l’entrepreneur politico-économique loyaliste Jacques Lafleur, est « nationalisée », c’est-à-dire transférée avec l’appui financier de l’État français à la Société de financement et d’investissement de la province Nord (SOFINOR), province gouvernée par les indépendantistes. Le « préalable minier » qui fait entrer la question minière dans la négociation de la décolonisation débouche sur l’accord de Bercy signé le 1er février 1998[21]. Un échange de massif est organisé entre la SMSP et la SLN et le projet d’une usine de transformation du nickel basée en province Nord et détenue majoritairement par la SMSP est acté. Il faut aussi noter la forte implication du gouvernement français dans la négociation, faisant pression sur Eramet (dont la SLN est une filiale depuis 1985) pour partie à l’insu des leaders anti-indépendantistes. Avec le schéma de mise en valeur des ressources minières et le code minier (prévus par l’article 39 de la loi organique de 1999 et promulgués en 2009) émerge une forme néo-calédonienne de « nationalisme des ressources »[22] désormais dotée d’un cadre politico-juridique. On peut voir le projet Koniambo, partenariat entre la SMSP et Falconbridge (absorbé par Xstrata en 2006 puis Glencore en 2012) pour extraire et transformer le nickel du massif du Koniambo en province Nord[23] comme la traduction opérationnelle de ce nationalisme des ressources. Celui-ci a été formalisé en 2015 dans le cadre de la « doctrine nickel » portée par le FLNKS, et en particulier le Palika (Parti de libération kanak) qui domine l’alliance UNI (Union nationale pour l’indépendance) qui gouverne la province Nord à partir de 1999.

La « doctrine nickel » mobilise une interprétation « forte » du nationalisme des ressources. Elle prévoit, dans une logique de gestion patrimoniale, un fond souverain pour les générations futures et s’appuie sur une prise de participation publique majoritaire de la SMSP, à 51 %, dans les projets d’extraction et de transformation du nickel en Nouvelle-Calédonie (projet Koniambo) et à l’étranger (construction de deux unités de transformation du nickel néo-calédonien en Corée du Sud en partenariat avec le géant de la métallurgie Posco). On retrouve mezzo voce cette stratégie de formation d’un capital minier national dans la création en 2000 par les trois provinces de la Société territoriale calédonienne de participation industrielle (STCPI) qui entre à hauteur de 30 % dans le capital de la SLN et de 4 % dans celui d’Eramet. En 2007, la STCPI obtient une minorité de blocage de 34 % et l’objectif affiché par les indépendantistes mais aussi par le parti loyaliste Calédonie ensemble est de parvenir à une participation majoritaire de 51 %.

Ce nationalisme des ressources dans son acception forte est d’autant plus original qu’il se déploie dans un contexte de négociation de la décolonisation et de partage de la souveraineté. La « doctrine nickel » est clairement conçue comme le bras économique de l’indépendance politique. Il ne faut pourtant pas en exagérer le pouvoir hégémonique et plusieurs facteurs de désarticulation apparaissent ici comme dans les autres secteurs de la société néo-calédonienne. Ainsi, le projet Goro-nickel en province Sud a été lancé en 1992 avec le rachat par le canadien INCO des titres miniers du BRGM sur ce massif latéritique et repris par le géant brésilien Vale en 2006. Ce projet d’extraction et de transformation, d’ampleur comparable à celui de Koniambo, remet partiellement en cause la politique de rééquilibrage économique. Il a d’ailleurs été clairement soutenu dans ce sens par les élu·es anti-indépendantistes de la province Sud. Son démarrage peu négocié et conflictuel à partir de 2001-02 a favorisé l’émergence d’un mouvement autochtoniste qui s’éloigne de la logique indépendantiste pour négocier de manière pragmatique une part de la rente minière dans le cadre d’un rapport de force très défavorable[24] Il faut aussi noter que la nouvelle majorité anti-indépendantiste élue à la province Sud en 2004, dominée par Calédonie ensemble, reprend à son compte une forme faible de nationalisme des ressources avec une entrée limitée en 2005 au capital du projet Goro via la création de la Société de participation minière du Sud Calédonien (SPMSC) détenue par les trois provinces (50 % pour la province Sud, 25 % pour la province Nord et celle des Îles). La prise de participation initiale de 10 % redescendra à 5 % en 2014.

Plus largement, au-delà des originalités des dispositifs mis en place, le contexte minier néo-calédonien des années 2000 peut aussi être vu comme un cas classique de la globalisation du capitalisme minier. L’arène minière a été reconfigurée, d’une part, par l’entrée en jeu de nouveaux protagonistes telles que les multinationales (Falconbridge et Inco, puis Glencore et Vale), les ONG internationales environnementalistes (World Wildlife Fund, Conservation International, Pew Charitable Trusts…) et les associations autochtones et écologiques, d’autre part, par la mobilisation de nouveaux discours sur la responsabilité sociale d’entreprise, le développement durable, les droits des peuples autochtones, l’environnement et la conservation de la nature, et, enfin, par la référence à de nouvelles arènes et normes concernant l’activité minière (International Council on Mining and Metals) ou les peuples autochtones (Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, etc.).

Plus récemment, avec le déclin des cours des ressources minérales après le boom des prix 2008-09, le consensus minier a été remis en question non seulement par les compagnies minières locales (SLN et « petits mineurs ») et les leaders anti-indépendantistes (qui ne constituent d’ailleurs pas un bloc uni à cet égard) mais aussi au sein du camp indépendantiste. Ces divergences, qui se sont exprimées fortement dans le « conflit des rouleurs » de 2015 (analysé par Christine Demmer dans ce numéro) renvoient aussi au pluralisme institutionnel interne aux dispositifs politico-administratifs du territoire. Plusieurs couches étatiques interagissent : l’État métropolitain, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et les trois provinces. Il y a un accord en faveur d’un interventionnisme combinant de manière originale différents instruments politiques : une stratégie minière explicite, une large gamme de lois et régulations (avec au centre le code minier) et une prise de participation publique dans le capital minier et métallurgiques. Mais le récent « conflit des rouleurs » montre toutefois des divergences nettes qui renvoient à des interprétations différentes de la notion de nationalisme des ressources, entre la variante maximaliste qui vise à contrôler le capital minier et industriel, et une vision moins interventionniste portée par les partis anti-indépendantistes (hors Calédonie ensemble) et certains secteurs de l’Union calédonienne (voir Christine Demmer dans ce numéro).

Un autre élément vient interférer sur la politique minière et les visions divergentes qui opposent les acteurs (politiques, industriels, coutumiers, syndicaux) de l’arène minière à l’échelle de la Nouvelle-Calédonie. Les conflits locaux autour des ressources en particulier minières qui émergent un peu partout dans les années 1990 mobilisent des répertoires politiques divers et leurs trajectoires sont très dépendantes des contextes locaux [25]. Ces conflits apparaissent comme des expressions d’une « souveraineté par le bas »[26] et ils réinterprètent sur un mode localisé l’équation identité-souveraineté tout en renouvelant les modalités de la revendication foncière. Les massifs miniers étant pour l’essentiel situés sur des espaces domaniaux, les populations kanak passent d’une revendication d’attribution de terres sous la forme juridique de « terres coutumières » dans le cadre de la réforme foncière lancée en 1978 à une demande de reconnaissance d’antériorité comme base de négociation d’accord locaux[27]. L’analyse détaillée de ces accords dont les premiers datent de la fin des années 1980 montre un déplacement progressif de la focale, des relations sociales de production vers les relations sociales de compensation[28] : en d’autres termes, la question du travail en vient à occuper une place subordonnée par rapport aux enjeux environnementaux et aux négociations de compensations (incluant emplois et contrats de sous-traitance) face aux dommages occasionnés hors du site d’extraction proprement dit. On observe aussi, à partir des années 2000, un déplacement dans le discours, marqué par une référence croissante aux référentiels globaux de l’autochtonie, du développement durable et de la responsabilité sociale d’entreprise. En même temps, les formes de souveraineté locale qui se cristallisent dans la négociation d’accords locaux de type Impact and Benefit Agreements (IBA)[29] avec les firmes minières combinent ces discours globaux avec des expressions normatives et politiques qui mettent en jeu la définition même et l’extension territoriale de la communauté concernée. Si les partis indépendantistes mettent en avant la nation kanak (dans une acception non ethnique) comme collectif concerné par la stratégie du nationalisme des ressources, les instances néo-coutumières raisonnent en termes de peuple autochtone kanak en abstraction de la question de l’indépendance. Ces positionnements nationaux interférent dans les conflits avec des définitions plus localisées mais également diverses des collectifs, et qui reproduisent dans une certaine mesure la dichotomie entre nationalisme et autochtonie : on a d’un côté des réseaux de clans et/ou de chefferies (incluant ancêtres et acteurs non humains), de l’autre des discours mettant en avant, dans certaines localités, une communauté localisée, trans-ethnique, correspondant aux frontières municipales, et qui fait place aux différentes strates historiques du peuplement néo-calédonien.

Conclusion : le destin commun face aux désarticulations historiques et aux segmentarités politiques

L’histoire de la Nouvelle-Calédonie est ainsi marquée par une série de désarticulations dont j’ai seulement esquissé les contours dans ce texte. Le fonctionnement social et politique de la société y est également très segmentaire. Cet héritage rend délicate la projection dans un futur souverain partagé, un destin commun, d’autant plus que ces désarticulations imprègnent aussi les mémoires et les interprétations du passé comme du présent (en particulier les différences pour partie générationnelles dans la qualification – coloniale ou postcoloniale – de la situation actuelle[30]). Désarticulations et segmentarités touchent, on l’a vu, la question minière, pourtant structurante pour l’histoire du pays comme dans le cadre de la négociation de la décolonisation. Elles sont également au cœur des différends intra-kanak quant à la définition d’une citoyenneté postcoloniale.

La conjonction de ces disjonctions historiques, politiques et mémorielles complique sérieusement la tâche du destin commun comme pratique discursive et politique. En témoigne la tendance non reconnue à construire des projets et projections politiques portant souvent la marque de l’inachèvement, comme a pu le montrer l’exercice collectif sur la citoyenneté, en lien en particulier avec la question foncière, réalisé dans le cadre de la réflexion prospective NC2025[31]. On peut ici reprendre l’essai de modéliser la configuration politico-institutionnelle néo-calédonienne comme modalité particulière de la démocratie consociative[32] . Cette forme d’ingénierie institutionnelle vise à apporter des réponses politiques à des clivages existants (ethniques, religieux, linguistiques) que le cadre démocratique classique (une personne, une voix) ne permet pas de résoudre ou dépasser. Dans le cas néo-calédonien, les lignes de clivage sont l’héritage de la politique de ségrégation raciale et spatiale choisie pour mener la colonisation de peuplement, et qui a structuré la société en fonction de critères portant sur l’appartenance ethnique, l’autochtonie et l’antériorité. Point essentiel concernant le discours du destin commun, « le cadre institutionnel est amené à jouer une double fonction en ce qu’il est à la fois un régulateur des relations politiques et un élément moteur dans la fondation d’un sentiment national »[33].

Ces deux fonctions paraissent actuellement se contredire. Les instruments de la régulation politique, en particulier la provincialisation et le gouvernement collégial de la Nouvelle-Calédonie, adossés aux accords de Matignon-Oudinot et Nouméa, ont engagé le pays dans une dialectique étrange où la préparation du futur – le référendum sur l’autodétermination – s’accompagne d’un sentiment d’apesanteur baignant dans un multiculturalisme incomplètement assumé, fait de la juxtaposition et de la cohabitation de communautés socio-ethniques servant d’ersatz à la construction d’un sentiment national. Le trop-plein de l’héritage historique de la Nouvelle-Calédonie, ses fractures et ses tourments encore actuels pour les groupes et les personnes qui la constituent semblent se muer en « non-histoire »[34], retour des désarticulations et des segmentarités, quand vient la question du futur du pays, retour symbolisé par les résultats du 1er tour des élections présidentielles du 23 avril 2017, marqué par l’abstention indépendantiste et la très forte poussée du Front national côté loyaliste. Comme le dit l’un des membres de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle- Calédonie, « on avait un peu oublié que le référendum allait arriver »[35].

 

Notes

[1] Les trois provinces (Nord et Îles à majorité kanak, Sud à majorité non kanak) ont été créées par les accords de Matignon-Oudinot dans une logique de décentralisation quasi fédérale et consociative (nous reviendrons sur cette notion en conclusion). Leurs compétences dans différents secteurs (développement, environnement, etc.) sont très étendues et leur découpage garantit l’exercice du pouvoir aux indépendantistes dans deux des trois provinces. Elles constituent de facto un facteur clé de désarticulation/ré-articulation de l’histoire segmentaire néo-calédonienne.

[2] J. Belich, Replenishing the Earth: The Settler Revolution and the Rise of the Anglo-World, 1783-1939, Oxford, Oxford University Press, 2009.

[3] S. Hall, « On Postmodernism and Articulation : An Interview with Stuart Hall », in : L. Grossberg, D. Morley, K.-H. Chen (eds.) Stuart Hall : Critical Dialogues in Cultural Studies, London, Routledge, p. 131-150, 1996.

[4] Les artistes réunis dans Le destin commun. Les artistes témoignent de leur époque, Nouméa, Galerie reservoart, 2009, témoignent du caractère polysémique de l’expression, oscillant dans leurs œuvres entre des images de métissage et l’hybridité comme horizon possible, les logiques d’alliance et la construction de passerelle entre mondes séparés, nécessaires à son avènement, et les clivages et les exclusions qu’elle risque de masquer ou de reconduire.

[5] E. Glissant, Le discours antillais, Paris, Gallimard (Folio Essais), 1997 (1ère éd. 1981).

[6] F. Hartog, Régimes d’historicité. Présentisme et expériences du temps, Paris, Seuil, 2003

[7]  Y. Bonilla, Non-Sovereign Futures. French Caribbean Politics in the Wake of Disenchantment, Chicago, The University of Chicago Press, 2015, p. 137.

[8]  I. Merle, De la « légalisation » de la violence en contexte colonial : le régime de l’indigénat en question, Politix 17 (66), p. 137–162, 2004.

[9] R. Aldrich, France and the South Pacific since 1940, Honolulu, Hawai’i University Press, 1993.

[10] J. Freyss, Économie assistée et changement social en Nouvelle-Calédonie, Paris, IEDES, PUF, 1995 ; S. Bouard, J.-M. Sourisseau, V. Géronimi, S. Blaise, L. Ro’i (dir.), La Nouvelle-Calédonie face à son destin : quel bilan à la veille de la consultation sur la pleine souveraineté ?, IAC-Karthala-GEMDEV, Paris, Karthala, 2016.

[11] J. Belich, op. cit., p. 178-9.

[12]  D. Chappell, The Kanak Awakening. The Rise of Nationalism in New Caledonia, Honolulu, University of Hawai’i Press, 2013.

[13] J. Barker, Sovereignty Matters: Locations of Contestation and Possibility in Indigenous Struggles for Self-determination, University of Nebraska Press, 2005, p. 17

[14] S. Graff, Autodétermination et autochtonie en Nouvelle-Calédonie. L’effacement progressif de la question coloniale., Thèse de doctorat, Genève : IHEID, 2015 ; C. Levacher, De la terre à la mine ? Les chemins de l’autochtonie en Nouvelle-Calédonie, Thèse de doctorat en socio-anthropologie, Paris, Ecole des Hautes Études en Sciences Sociales, 2016

[15] La colonisation a mis en place des chefferies à deux niveaux (tribu et district, unités administratives coloniales), qui mobilisaient de manière très partielle le registre des légitimités précoloniales, d’où le qualificatif « néo-coutumier ». Les accords de Matignon ont parachevé le dispositif à l’échelon de la Nouvelle-Calédonie avec la création des aires coutumières (les huit « pays kanak »), chacune dotée d’un conseil d’aire, et le Conseil consultatif coutumier qui deviendra le Sénat coutumier avec l’accord de Nouméa. Le bouclage à l’échelon national de ce dispositif néo-coutumier a été traversé de fortes controverses politiques, entre indépendantistes et loyalistes tout comme entre indépendantistes et chefferies loyalistes dans les années 1970 et 1980 (pour une analyse détaillée, voir C. Demmer, C. Salomon, A propos du Sénat coutumier. De la promotion mélanésienne à la défense des droits autochtones, in : C. Demmer, B. Trépied (dir.) La coutume kanak dans l’État. Perspectives coloniales et postcoloniales sur la Nouvelle-Calédonie, Paris, L’Harmattan, 97-134, 2017).

[16] Sénat coutumier, Charte du peuple kanak. Socle commun des valeurs et principes fondamentaux de la civilisation kanak, Nouméa, 2014.

[17] Les travaux d’Eric Rau, nommé juge de paix en 1933 en Nouvelle-Calédonie, constituent une exception à cet égard (E. Rau, Institutions et coutumes canaques, Paris, L’Harmattan, 2005 [(1ère éd. 1944]) et on peut considérer l’essai récent du regretté juriste et magistrat Régis Lafargue de réfléchir à l’intégration de la coutume dans le droit comme un héritier de ce lointain précurseur (R. Lafargue, La coutume face à son destin. Réflexion sur la coutume judiciaire en Nouvelle-Calédonie et la résilience des ordres juridiques infra-étatiques, Paris, LDGJ, collection « Droit et société », 2010).

[18] C. Demmer, « Autochtonie, nickel et environnement. Une nouvelle stratégie kanake », Vacarme 39, p. 43-48, 2007 ; C. Levacher, op. cit.

[19] . Cf. H Mokaddem, Le discours politique kanak : Jean-Marie Tjibaou, Rock Déo Pidjot, Eloi Machero, Raphael Pidjot, Expressions, Province Nord, 2011.

[20] C. David, J.-M. Sourisseau, S. Gorohouna, P.-Y. Le Meur, « De Matignon à la consultation sur l’indépendance. Une trajectoire politique et institutionnelle originale », in : S. Bouard, J.M. Sourisseau, V. Géronimi, S. Blaise, L. Ro’i, op. cit., p. 24-67.

[21] Accord signé par la SMSP, Eramet, sa filiale locale la SLN et les trois ministères de l’Économie et des finances, de l’Industrie et de l’Outre-mer, en présence de la Caisse française de développement (CFD devenue depuis l’AFD, Agence française de développement).

[22] J. Emel, M.T. Huber, M.H. Makene, Extracting sovereignty : Capital, territory, and gold mining in Tanzania, Political Geography 30 (2), p. 70-79, 2011.

[23] S. Grochain, Les Dynamiques Sociétales du Projet Koniambo, Nouméa : Editions IAC, 2013.

[24] C. Levacher, op. cit.

[25] L.S. Horowitz, Translation Alignment : Actor-Network Theory, Resistance, and the Power Dynamics of Alliance in New Caledonia, Antipode 44 (3), p. 806-827, 2012 ; P.-Y. Le Meur, L.S. Horowitz, T. Mennesson, “Horizontal” and “vertical” diffusion : The cumulative influence of Impact and Benefit Agreements (IBAs) on mining policy-production in New Caledonia, Resources Policy 38 (4), p. 648-656, 2013 ; C. Demmer, De la diversité des enjeux du nickel, Ethnies 37-38 (dossier Émancipations kanak dirigé par C. Demmer et C Salomon), p. 134-157, 2015 ; C. Levacher, Penser la ressource minière en Nouvelle-Calédonie. Souveraineté, développement et valeur des lieux, Développement durable et territoires 7 (3) http://developpementdurable.revues.org/114292016, 2016 ; P.-Y. Le Meur, Conflict and agreement. The politics of Nickel in Thio, New Caledonia, in : C. Filer & P.-Y. Le Meur (eds.) Large-Scale Mines and Local-Level Politics. Between New Caledonia and Papua New Guinea, Canberra, ANU Press, 2017 (sous presse).

[26] P.-Y. Le Meur, C. Levacher, Mining and competing sovereignties in New Caledonia, ASAO Conference, Working session ‘Contested Sovereignties in the French (Post)Colonial Pacific’, 7-11 February 2017, Kauai (Hawai’i), 2017.

[27] P.-Y. Le Meur, Locality, Mobility and Governmentality in Colonial/Postcolonial New Caledonia : The Case of the Kouaré Tribe (xûâ Xârâgwii), Thio (Cöö), Oceania 83 (2), p. 130–146, 2013 ; J.-B. Herrenschmidt, P.-Y. Le Meur, Politique foncière et dynamiques coutumières en Nouvelle-Calédonie et dans le Pacifique, Nouméa-Koné, IRD-Province Nord, 2016.

[28]C. Filer, P.-Y. Le Meur, Large-Scale Mines and Local-Level Politics, in C. Filer, P.-Y.Le Meur Eds, op. cit.

[29] Voir C. O’Faircheallaigh, Community development agreements in the mining industry : an emerging global phenomenon, Community Development 44 (2), p. 222-238, 2013.

[30] T. LeFevre, Temporal Refusal : Kanak Youth and the Colonial Present in New Caledonia, ASAO Conference, Working session ‘Contested Sovereignties in the French (Post)Colonial Pacific’, 7-11 February 2017, Kauai (Hawai’i), 2017.

[31] NC 2025, Schéma d’aménagement et de développement de la Nouvelle-Calédonie. Orientations et moyens : propositions, Nouméa, Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, 2013.

[32] David et al., op. cit.

[33] Ibid., p. 26.

[34] E. Glissant, op. cit.,p. 224.

[35] Entretien avec D. Bussereau, Les Nouvelles Calédoniennes, 06/05/17, p. 2