La politique du logement est, depuis maintenant plusieurs mois, au cœur de la tourmente. Son coût, plus de 40 milliards d’euros en 2015,  en a fait, selon le ministre du Budget, un « gisement d’économie » important. Depuis ces déclarations dans le courant de l’année 2014, de nombreux rapports et prises de positions publiques ont vertement attaqué la politique du logement « à la française ». Plus récemment encore, le ministre de l’Economie et des Finances déclarait vouloir opérer des économies « conséquentes » dans la politique du logement. De plus en plus coûteuse, de moins en moins efficace, aux objectifs parfois contradictoires et souvent peu clairs, la politique du logement est sujette à de nombreuses critiques.

Concernant le coût global des aides publiques au logement, il est vrai que la France consacre, depuis 20 ans, des montants importants en direction du secteur de l’immobilier et du logement. Rapportés au PIB, ils sont plus importants que chez nos voisins européens mais cet état de fait est ancien. Depuis 1984, la France a toujours alloué près de 2% de son PIB au secteur du logement et ce malgré les tourmentes économiques qu’a pu traverser le pays au cours de ces trente dernières années. De plus, ce système relativement généreux de soutien à l’activité a pour pendant une fiscalité immobilière importante qui s’élevait en 2013 à plus de 60 milliards d’euros.

La critique adressée à l’endroit de l’efficacité de la politique du logement est quant à elle difficilement contestable. Depuis 30 ans, il est vrai que la situation s’est fortement dégradée.  Les prix immobiliers ont quadruplé. De nombreuses études[1] ont souligné la paupérisation massive des locataires depuis plus d’une décennie, et ce qu’ils soient présents dans le parc privé ou dans le parc social. La pénurie de logement dans les zones les plus tendues (Agglomération parisienne, Bassin genevois, PACA, etc.) ne cesse de s’intensifier et ces phénomènes ne semblent pas pouvoir être enrayés par le maintien d’un système à l’évidence inefficient.

Dans ce contexte, bien qu’il existe une forme de consensus sur le besoin de réformer la politique du logement en France, l’affirmation visant à démontrer que cette politique souffre de son trop plein de moyens financiers est pour le moins troublante. Si l’on peut être en accord avec l’idée selon laquelle, au vu des moyens engagés, les résultats ne sont pas à la hauteur, celle laissant penser qu’une amélioration découlerait d’une réduction massive des montants alloués ne peut recueillir l’approbation générale[2], tout du moins pas avant d’avoir correctement distingué les leviers d’action publique qui fonctionnent, de ceux pouvant être améliorés ou dont la suppression pourrait être bénéfique.

En effet, la politique du logement telle qu’on l’entend est composée de plus de 60 dispositifs distincts poursuivant des objectifs divers. Afin de faciliter la lecture et la compréhension des analyses, nous épargnerons au lecteur l’étude exhaustive de chacun d’entre eux et les regrouperons selon leurs objectifs principaux : solvabiliser la demande en logement, favoriser la construction de logements locatifs sociaux, aider les ménages à accéder à la propriété, et enfin inciter à l’investissement locatif privé. Nous nous intéresserons dans un second temps aux autres moyens d’action publique que sont la fiscalité immobilière et les réformes plus institutionnelles.

Des outils et des objectifs multiples

Les outils de la politique du logement sont nombreux mais surtout les objectifs poursuivis sont divers. Alors que la moitié des montants alloués vise à solvabiliser la demande en logement (aides à la personne), l’autre moitié est consacrée au développement et à l’amélioration de l’offre de logement (aides à  la pierre). Ce rapport entre les aides aux consommateurs et les aides aux producteurs de logement a quelque peu évolué au cours des années. Entre 1984 et 1999, la part occupée par les aides à la personne a ainsi presque doublé pour atteindre 60% à la fin des années 1990. Depuis, cette part s’est stabilisée aux alentours de 50%.

Des aides à la personne de moins en moins efficace

Concernant les aides à la personne, la critique la plus souvent déployée est leur effet inflationniste. De nombreuses études[3] ont notamment mis en lumière les phénomènes de captation à l’œuvre sur le marché locatif privé. Les propriétaires utilisent une grande partie de l’aide (entre 60 et 80% selon Gabrielle Fack) pour augmenter les loyers. Il semblerait donc que les augmentations successives des aides personnelles au logement aient nourri la hausse discontinue des loyers depuis 30 ans. Si cette critique est recevable, les conclusions qu’en tirent leurs auteurs sont plus douteuses. Tout d’abord, montrer qu’il existe un effet inflationniste des aides ne montre en rien qu’une diminution de ces aides engendrerait une baisse significative des loyers de marché. D’autre part, il faut rappeler que les aides personnelles au logement sont la prestation sociale la plus importante et la plus redistributive adressée aux ménages les plus modestes. Après transferts sociaux, elles représentent près de 20% du revenu disponible des ménages appartenant au premier quintile de revenu (les 20% les plus pauvres). Les montants alloués au titre des allocations logement sont bien supérieurs aux montants distribués au titre du RSA ou des allocations familiales. De même, leur efficacité bien qu’en diminution n’est plus à prouver puisque, selon l’inspection générale des affaires sociales (IGAS), elles permettent à elles seules de diminuer le taux d’effort des allocataires, c’est-à-dire les dépenses en logement des ménages rapportées à leur revenu, de 36% à 20% et de faire baisser leur taux de pauvreté de 3 points.

L’érosion progressive de leur efficacité s’explique en réalité en grande partie par les contraintes qui pèsent sur les enveloppes budgétaires qui leurs sont affectées. En effet, malgré l’augmentation des loyers et l’appauvrissement des locataires à l’œuvre sur les marchés locatifs privés et sociaux, les aides personnelles au logement n’ont depuis 20 ans représenté « que » 1% du PIB français. Ce maintien de la part des aides dans le PIB  n’a été rendu possible que par la sous indexation massive des plafonds de loyers défini par la loi et permettant le calcul des montants d’aides attribués. Ainsi, entre 2000 et 2010, alors que le loyer moyen des bénéficiaires des aides augmentait de 32%, les loyers plafonds n’étaient eux revalorisés que de 16%.  Cette sous indexation des loyers plafonds  a certes permis de maintenir les montants d’aides distribuées à des niveaux soutenables pour les finances publiques mais a eu pour effet direct une hausse importante des taux d’effort subis par les ménages allocataires, tout euro de loyer supérieur aux loyers plafonds restant intégralement à la charge des locataires puisque non inclus dans le calcul des aides. A l’heure actuelle, plus de 8 locataires sur 10 du parc privé ont un loyer supérieur aux loyers plafonds et le parc social n’est pas épargné puisque plus de la moitié des locataires y ont un loyer supérieur aux loyers définis par la loi.

Il est certain que l’effet inflationniste souligné précédemment laisse à penser qu’une revalorisation importante des loyers plafonds, en plus d’être coûteuse pour les finances publiques, pourrait entraîner une hausse des loyers de marché. Pour autant, compte tenu des taux d’effort subis par les locataires notamment du parc privé, cette revalorisation semble inéluctable. De plus, la mise en place d’un encadrement des loyers tel que celui prévu initialement dans la loi ALUR pour les zones les plus tendues permettrait d’enrayer ces phénomènes de captation. Le bailleur ne pouvant faire croître son loyer d’un montant supérieur à l’indice de référence des loyers (IRL), toute hausse des aides à la personne supérieure à ce montant aurait un impact direct sur le taux d’effort des ménages allocataires.

Evidemment l’augmentation des montants alloués aux allocations logements ne peut résoudre durablement la crise du logement qui traverse la France. Evidemment la solution durable réside dans le développement d’une offre abondante de logements abordables dans les zones les plus tendues. Pour autant, ces deux politiques ne doivent pas être opposées puisqu’elles ne s’inscrivent pas dans la même temporalité. Le temps de la construction est un temps relativement long. Même si une politique volontariste de construction est engagée, alléger à court terme la charge en logement qui pèse sur les ménages les plus modestes est indispensable et cela passe par une revalorisation des aides au logement. En parallèle, la nécessité d’aider le secteur de la construction à produire des logements abordables à la fois pour les classes les plus modestes mais également pour les classes moyennes ; à la fois pour loger à des prix soutenables les ménages ne pouvant l’être actuellement mais aussi tout simplement pour accroître l’offre sur les marchés les plus sujets aux tensions locatives est indispensable.

Des aides à la pierre mal pilotées

Compte tenu du prix important du foncier qui peut atteindre près de 25% du montant global de l’opération dans les zones les plus tendues, et de l’importante progression des coûts de la construction (+48% entre 1998 et 2014 soit 20 points de plus que l’inflation), l’unique moyen de produire ces logements abordables passe par un subventionnement suffisant des pouvoirs publics (Etat, collectivité locale) et privés (1% logement, investisseurs institutionnels) à la fois aux bailleurs sociaux et privés.

Ces dernières années, sous l’effet de la baisse des taux d’intérêt de marché, les avantages de taux accordés au secteur social ont fortement diminué et les pouvoirs publics n’ont pas saisi l’occasion d’accroître leurs soutiens par nature moins coûteux. Malgré tout, la crise traversée par le secteur de construction n’a que relativement peu impacté le secteur social où le nombre de mise en chantier s’est relativement bien maintenu (117 000 logements sociaux financés en 2013 soit 1 200 de plus qu’en 2011 et 14 000 de plus qu’en 2012). Cependant, compte tenu des éléments mis en avant précédemment, ces logements nouvellement construits se voient allouer des loyers de sortie bien plus élevés que leurs prédécesseurs, ce qui ne permet pas aux ménages les plus modestes d’y accéder. Pourtant, les financements existent. Les encours du livret A atteignaient, en 2013, 214 milliards d’euros. Les encours de prêts associés, c’est-à-dire l’ensemble des prêts adressés au secteur de la construction de logement sociaux, ne représentaient alors que 54% de ce montant soit une part historiquement faible. De même, les bailleurs sociaux ont prouvé ces dernières années que leurs fonds propres pouvaient être orientés vers la construction.

A l’heure actuelle, sans aides publiques suffisantes, il est quasiment impossible de produire des logements, privés ou publics, abordables. Le foncier représente dans les zones les plus tendues près de 25% du montant des opérations de construction. De même, les coûts de construction ont augmenté depuis 2000 de plus de 40%, soit un rythme près de deux fois plus élevé que les prix à la consommation.

Selon le Commissariat général au développement durable (CGDD), le besoin en logement est au minimum, c’est-à-dire en tenant compte seulement des situations de non- ou de mal-logement (qui concernent plus de 3 millions de personnes selon la Fondation Abbé Pierre), de 300 000 à 400 000 logements neuf par an[4]. Depuis 1996, le nombre de mises en chantier annuelles n’a dépassé 400 000 qu’entre 2004 et 2007 puis en 2010 et en 2011. Au cours des 18 dernières années, les mises en chantiers de nouveaux logements ont été en moyenne de 380 000 logements chaque année. Ces chiffres sont évidemment largement en deçà des objectifs affichés de 500 000 mises en constructions par an, mais sont également relativement éloignés des besoins mis en lumière par les estimations basses de l’INSEE. Selon ces estimations, le déficit en logement de la France se serait creusé de 360 000 logements depuis 1996 et cela, une fois encore, sans compter les situations de milliers de ménages au logement très dégradé.

Afin d’augmenter l’offre de logements disponibles et donc de faire baisser les prix, il est indispensable d’aider financièrement les investisseurs. Certains diront que ces « perfusions publiques » existent déjà. En effet, l’Etat et les collectivités locales allouent chaque année près de 20 milliards d’euros au titre des aides à la pierre. Mais les résultats ne sont pas au rendez-vous. Les dispositifs d’investissement locatif, particulièrement coûteux pour les finances publiques et initialement créés afin de faciliter le développement d’une offre de logements intermédiaires destinée aux classes moyennes, n’ont non seulement pas eu les effets escomptés mais ne sont pas non plus parvenus à orienter l’offre de logement vers les zones ciblées.

De même, les aides à l’accession du type prêt à taux zéro (PTZ), en plus d’être victime d’une extrême volatilité politique (4 versions du PTZ entre 2011 et 2014), n’ont, compte tenu de la croissance des prix immobiliers, que trop peu solvabilisé les ménages les plus modestes et de nombreuses études ont mis en lumière les effets d’aubaine importants résultant de ces dispositifs. En effet, il semblerait que ces mécanismes d’aides n’aient d’impact qu’auprès des ménages les plus modestes. Les ménages plus aisés (environ 85% des ménages aidés selon une estimation de 2005[5]) utiliseraient le PTZ pour acheter plus grand ou plus cher, nourrissant ainsi la hausse des prix immobiliers.

Dans le parc social, enfin, l’extrême complexité des financements ainsi que le manque de foncier disponible dans les zones les plus tendues n’ont pas permis de créer suffisamment de logements abordables sur les territoires où celui-ci est nécessaire et où le besoin de mixité sociale est le plus fort.

Une réforme des aides à la pierre est donc elle aussi indispensable, mais elle doit s’inscrire dans une réflexion plus globale. La sécurisation de ces aides dans la durée doit être la priorité afin de rétablir la confiance tant réclamée par les acteurs du secteur. En effet, l’importante volatilité des différents dispositifs de soutien aux secteurs de l’immobilier et du logement ne peut que nourrir la frilosité des investisseurs sociaux ou privés. Concernant l’investissement locatif privé, la mise en place d’un système unique de placement au travers par exemple la généralisation des dispositifs adressés aux sociétés civiles de placements immobiliers (SCPI) peut être une piste à privilégier. Ces placements permettent de rendre plus liquide l’investissement immobilier mais aussi d’étendre ce dernier à un ensemble potentiel d’investisseurs plus important. Tous les ménages souhaitant placer leur épargne n’ont en effet pas la capacité ou l’envie d’investir dans un bien immobilier. Afin d’attirer sur le marché locatif ces investisseurs, l’attribution d’avantages fiscaux suffisants à la perception de taux de rendements locatifs attractifs, conjugué à l’attrait historique du placement immobilier comme valeur refuge et à la relative liquidité de ce type de placement, peut permettre d’accroître le nombre d’investisseurs sur le marché tout en sécurisant l’offre nouvelle de logement ainsi créée dans la durée. Evidemment, il convient en contrepartie aux pouvoirs publics d’exiger des loyers de sortie et des conditions d’attributions orientant cette offre nouvelle vers les ménages et les zones les plus sujettes à la pénurie de logement.

Le pouvoir du politique

Dans le parc social, la sous indexation du barème des aides à la personne a, ces dernières années, désolvabilisé les ménages les modestes et les a ainsi empêchés soit d’entrer dans le parc social, soit d’assurer leur mobilité au sein de ce dernier. La complexité des financements ainsi que les coûts croissants du foncier et de la construction ne permettent plus à l’heure actuelle de produire des logements aux loyers de sorties abordables. Parallèlement, les acteurs du parc social sont dans certains cas soumis, au niveau local, à de nombreux blocages, pour certains politiques, qui empêchent l’émergence, dans les zones les plus tendues et où le besoin de mixité sociale est le plus criant, d’une offre sociale suffisante. Bien qu’apporter une solution unique à l’ensemble de ces problématiques est évidemment impossible, des solutions existent et doivent être étudiées.

La libération massive de foncier public (sous des formes diverses : baux emphytéotiques, donation de l’Etat, etc.), dans des contextes locaux où le prix du foncier représente parfois près du quart du prix des logements, est à même de créer dans les zones tendues un choc d’offre aux effets plus que bénéfiques. L’entame d’une réflexion sur le besoin de densification dans les zones aux abords immédiats des agglomérations est également une piste à suivre et les travaux lancés sur ce sujet par nombre de chercheurs[6] sont autant de point de départ.

Enfin, une refonte des politiques d’attribution de logements sociaux (anonymisation, système de cotation, etc.) poursuivant les objectifs de facilitation de l’accès au parc social des ménages les plus modestes et de lutte contre les mécanismes de discrimination qui y sont à l’œuvre permettrait d’améliorer la visibilité des producteurs de logements sociaux. Il en est de même de la simplification des canaux (Etat, collectivités locales, 1% logement) et des outils (subventions, avantages de taux, avantages fiscaux) de financement.

Concernant les blocages politiques locaux, la généralisation d’un plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) auxquels seraient transférés notamment les objectifs de la loi SRU doit être mise en œuvre, et plus largement l’ensemble des prérogatives à l’heure actuelle réservées aux municipalités. Ce PLUI était  initialement prévu par la loi ALUR mais  lors des débats parlementaires le vote d’un amendement offrant aux maires une possibilité de véto sur la décision de transfert du plan local d’urbanisme au niveau de l’intercommunalité l’a presque totalement vidé de son sens. Pour autant, la mise en place généralisée d’un PLUI permettrait de libérer de nombreuses situations de blocages imputables à la trop forte municipalisation de la politique de construction. De même, décentraliser à un niveau supra communal, plus stable politiquement, l’ensemble des objectifs (et donc une grande partie des moyens) afférant à la politique du logement permettrait à la fois de mieux responsabiliser les acteurs locaux, mais également une fois encore de mieux sécuriser la politique du logement qui est actuellement  trop souvent victime des considérations politiques nationales et/ou municipales. A l’heure actuelle, la fiscalité immobilière est déjà assez largement pilotée par les collectivités locales, or fiscalité et politique du logement sont, nous le verrons par la suite, deux outils complémentaires et doivent donc articulés par les mêmes acteurs. Evidemment, pour éviter la divergence des territoires, l’Etat doit établir des règles claires et transparentes pour régir ces transferts de responsabilités.

La fiscalité comme outil de politique économique

D’un point de vue local comme national, la fiscalité immobilière, pendant des aides publiques au logement d’un point de vue des recettes, constitue un levier d’action important. Avec ses 63 milliards d’euros de recettes en 2013, la fiscalité immobilière représente près de 3 points de PIB et donc 7% de l’ensemble des prélèvements obligatoires. A l’image des aides publiques au logement, la fiscalité immobilière regroupe en son sein une multitude de dispositifs fiscaux qu’il se faut de distinguer. Alors qu’une grande majorité d’entre eux visent à taxer la détention de biens immobiliers (taxe foncière, taxe d’habitation, etc.), près d’un tiers sont prélevés lors de la mutation, c’est-à-dire lors de la vente d’un logement. C’est le cas des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) ou encore de l’impôt sur les plus-values immobilières. C’est également le cas des différentes TVA notamment sur l’investissement en logement. Ces prélèvements affectés aux mutations représentaient en 2013 plus de 21 milliards d’euros. Dans un contexte où la mobilité des ménages se trouve bloquée par les importants coûts qu’elle engendre, ces prélèvements sont autant de freins supplémentaires. De même, le régime d’exonération associé à une durée de détention, en vigueur pour la taxation des plus-values, est un non-sens puisqu’il incite les propriétaires à conserver leur bien le plus longtemps possible. De même les DMTO pèsent lourdement sur les transactions immobilières.

Si l’objectif poursuivi est de faciliter les mobilités résidentielles et d’accroître le nombre de transactions tout en évitant la rétention de biens immobiliers (logements vacants, bureaux vacants, etc.) ou de foncier, il semble donc que la fiscalité immobilière doive être refondue. De la même façon, cohabitent sur le marché locatif privé des bailleurs (personnes physiques) aux rendements extrêmement divers. Du fait de l’évolution très importante des prix immobiliers, même comparativement aux loyers de marché, les investisseurs récents accusent des taux de rendements instantanés bien plus faibles que leurs prédécesseurs. Ceci évidemment n’incitant pas à une arrivée massive de nouveaux investisseurs sur le marché. Or, parallèlement, le résultat net des bailleurs personnes physiques, entendu comme la différence entre l’ensemble des ressources des bailleurs (loyers, subventions, etc.) et l’ensemble de leurs charges (charges de copropriété, impôts, intérêt d’emprunt, etc.),  s’est maintenu à des niveaux très élevés et atteignait, en 2013, 24 milliards d’euros, soit 54% de leurs ressources. Cela signifie qu’en moyenne, chaque logement du marché locatif détenu par un bailleur privé rapporte à son propriétaire 4 230 euros par an. Ce résultat net correspond à la différence entre les ressources annuelles générées le logement, c’est-à-dire le loyer (7 870 euros), et la somme des charges annuelle afférentes à sa possession (3 640 euros). Compte tenu des taux de rendements instantanés actuellement observés, il est certain que des inégalités importantes sont à l’œuvre au sein du parc privé. Rééquilibrer ces rapports en adoptant un système fiscal plus juste doit être l’un des objectifs d’une nouvelle politique du logement.

Conclusion

Nous l’avons vu, les politiques du logement sont nombreuses. Chacune d’elles poursuit des objectifs singuliers mais complémentaires et les outils à disposition des décideurs publics sont variés : les aides à la personne, les aides à la pierre, sous forme de subvention ou d’avantages fiscaux, ou encore la fiscalité immobilière. De même, les responsabilités sont le plus souvent éclatées entre les divers acteurs que sont l’Etat, qui fixe les objectifs et construit les politiques ; les collectivités locales qui les appliquent ; les bailleurs privés ou sociaux ou encore les producteurs de logement que sont par exemple les promoteurs.

L’arrivée, au fil des années, d’acteurs et d’outils supplémentaires n’a eu pour effet que d’accroître la complexité d’un système qui n’en avait nullement besoin. Si une refonte en profondeur de ces politiques est nécessaire, elle doit avant tout poursuivre un objectif de simplification et de sécurisation des moyens d’action publique à l’adresse du secteur. Une fois ces derniers assurés, les outils, d’aides mais aussi ceux afférents à la fiscalité immobilière, doivent être revus afin d’accroître la cohérence des objectifs et des moyens à disposition des pouvoirs publics. Les pistes de réflexion et de réformes sont diverses. Renforcer l’efficacité des aides à la personne en les associant à un dispositif de contrôle des loyers ; simplifier, sécuriser et accroître les aides publiques en faveur de la production de logements sociaux et abordables ; attirer les investisseurs privés, individuels ou institutionnels, en leur offrant des aides à l’investissement plus liquides mais aux contreparties mieux encadrées afin d’augmenter l’offre de logement intermédiaire ; réformer la fiscalité immobilière afin notamment de favoriser la mobilité résidentielle mais également de rétablir plus d’équité entre les nouveaux et les anciens investisseurs mais aussi entre les propriétaires occupants, qu’ils soient accédants ou non, sont autant de mesures dont les conditions d’application restent à définir mais dont l’objectif principal est de sortir de la crise du logement que traverse la France depuis maintenant plusieurs décennies.

[1] Voir notamment  « Propriétaires, locataires : une nouvelle ligne de fracture sociale », M. Babès, R. Bigot et S. Hoibian, CREDOC, Mars 2012 et « Quels régulation du marché locatif privé », S. Le Bayon, P. Madec et C. Rifflart, Revue de l’OFCE n°128, 2013.

[2] Voir notamment « Mission d’évaluation de la politique du logement », CGEDD, IGAS et IGF, Présentation des conclusions finales, Document de Travail, 23 juin 2014.

[3] Voir notamment « Pourquoi les ménages à bas revenus paient-ils des loyers de plus en plus élevés ? », G. Fack, Economie et Statistiques n°381-382, 2002.

[4] Voir « La demande potentielle de logements à l’horizon 2030 : une estimation par la croissance attendue du nombre des ménages », CGDD, Le Point sur, n°135, Aout 2012.

[5] Voir notamment « Quels effets économiques du prêt à taux zéro ? », L. Gobillon et D. Le Blanc, Economie et Statistique n°381-382, 2005.

[6] Voir notamment « Comment construire (au moins) 1 million de logements en région parisienne », X. Timbeau, Revue de l’OFCE n°128, 2013.