L’idée selon laquelle l’âge peut constituer un critère de discrimination ainsi qu’une dimension de la « diversité » est, en France, assez récente. Cet article retrace l’histoire de cette émergence en distinguant les deux dynamiques à travers lesquelles s’est opérée la diffusion de la notion de discrimination sur l’âge, qui trouvent toutes deux leur impulsion au ni-veau de l’Union européenne : d’un côté, la préoccupation pour le niveau d’emploi des seniors ; de l’autre, une dynamique anti-discriminatoire. Ces deux dynamiques ne sont pas porteuses des mêmes enjeux : la finalité de la première est économique alors que la seconde est susceptible d’ouvrir sur une lutte plus large contre l’âgisme. Au-delà, cet article souligne que la discrimination sur l’âge est une réalité ambivalente, qui mêle exclusion et protection, nombre de mesures d’âge étant liées à la protection sociale. La perspective d’une société neutre du point de vue de l’âge doit donc être considérée avec prudence.
En France |1|, l’histoire récente de la lutte contre les discriminations est marquée par la mise en équivalence croissante, sur le plan législatif, des différents motifs de discrimination ainsi que par l’adjonction de nouveaux critères, en particulier celui de l’âge. La question de l’âge se trouve ainsi posée en des termes inédits, du moins dans le cadre hexagonal puisque la question n’est pas nouvelle dans d’autres pays : aux États-Unis, l’idée que l’âge peut constituer un motif de discrimination s’est imposée dans les années 1960 et a trouvé une traduc-tion législative dans l’Age Discrimination in Employment Act de 1967, voté dans le sillage du Civil Rights Act de 1964 ; en Grande-Bretagne, la question est apparue dans les années 1930 et elle est revenue en force dans le débat public depuis la fin des années 1980 |2|. Voyons donc comment s’est ouvert, en France, ce nouveau front de la lutte contre les discriminations : revenir sur les grandes étapes de cette histoire et dé-gager les logiques qui ont présidé à l’émergence de la notion de discrimination sur l’âge permettra de mieux en percevoir les enjeux.
Une diffusion récente, une acception particulière
L’étude des occurrences de la notion de discrimination sur l’âge (dans ses différen-tes variantes : discrimination par l’âge, fondée sur l’âge, liée à l’âge, etc.) dans cinq titres de la presse quotidienne nationale (Le Figaro, Libération, Le Monde, La Tri-bune et Les Echos) entre 1997 et 2008 permet d’observer que le nombre d’articles ayant recours à cette expression augmente régulièrement, passant de 4 (en 1998) à 45 (en 2006) avec, cependant une baisse en 2007 (28 articles) et en 2008 (22 articles). L’analyse de ces articles montre aussi que la notion s’est diffusée en recevant une ac-ception particulière, marquée par une double réduction de son champ de pertinence potentiel. D’une part, elle s’est focalisée, pour l’essentiel, sur les seniors : les jeunes sont rarement désignés comme relevant de ce type de discrimination (sauf au moment de la crise du contrat premier embauche). Il convient d’ailleurs d’ajouter que la catégo-rie de « seniors », elle-même très ambivalente, s’entend ici dans le sens spécifique de salariés âgés ou d’actifs âgés – et nullement dans le sens plus large de « personnes âgées » ou de personnes ayant dépassé tel ou tel âge. D’autre part, les discours relatifs à la « discrimination sur l’âge » concernent surtout l’emploi et abordent rarement d’autres domaines comme, par exemple, l’accès aux soins, l’accès au logement ou en-core le droit de souscrire certaines assurances, de louer une voiture ou de contracter un prêt, tous domaines dans lesquels des pratiques discriminatoires existent à l’encontre des plus âgés. En résumé, lorsque la presse quotidienne nationale parle de « discrimi-nation sur l’âge », elle évoque, en général, la question de l’« emploi des seniors », ce qui constitue une acception très restrictive de la notion.
Une émergence ambivalente : les deux voies de diffusion de la discrimination sur l’âge
Cet usage croissant, dans les années 2000, de la notion de discrimination sur l’âge est le fruit de deux dynamiques, qui trouvent l’une et l’autre leur origine au niveau européen. L’une est la préoccupation pour le niveau d’emploi des seniors, qui apparaît dans le cadre de la stratégie européenne pour l’emploi et trouve sa traduction dans l’objectif, fixé lors du sommet de Stockholm de 2001, d’un taux d’emploi de 50 % pour les 55-64 ans en 2010 – objectif dont la France, qui a privilégié une « culture de la sortie précoce » |3|, est éloigné. L’autre est la dynamique anti-discriminatoire qui trouve sa source dans l’article 13 du traité d’Amsterdam et les directives Race (2000/43) et Emploi (2000/78) du Conseil de l’Union européenne.
Ces deux dynamiques, en se déclinant dans l’espace national français, ont, chacune à leur manière, contribué à la diffusion et à l’usage de la notion de discrimination sur l’âge. Elles ne sont certes pas parfaitement étanches. Par exemple, la présence de l’âge parmi les discriminations interdites par la directive Emploi se trouve principalement justifiée dans un registre proche de celui qui se trouve au cœur de la stratégie euro-péenne pour l’emploi, la directive soulignant « la nécessité d’accorder une attention particulière à l’aide aux travailleurs âgés pour qu’ils participent davantage à la vie pro-fessionnelle. » |4| Plus largement, l’engagement de l’Union euro-péenne dans le combat contre les discriminations a partie liée avec des considérations économiques libérales et avec l’objectif de construction d’un marché unique, qui sup-pose la libre circulation des personnes : la campagne en faveur de l’article 13 du traité d’Amsterdam a ainsi été fondée sur ce type d’arguments, l’idée étant que « pour que la libre circulation des personnes soit effective, il fallait des mesures pour que les per-sonnes d’origine immigrée ne craignent pas de faire l’objet de discrimination ethnique ou raciale. Le racisme était en quelque sorte l’ennemi du marché. » |5|
Ces deux voies de diffusion de la notion de discrimination sur l’âge se sont cepen-dant développées de manière relativement autonome et, comme nous allons le voir, elles sont porteuses d’enjeux différents. Elles n’ont pas eu non plus la même portée : si la question de l’emploi des seniors a constitué, dans un premier temps, le cadre d’usage privilégié de la notion de discrimination sur l’âge, cette voie s’est finalement révélée être une impasse ; à l’inverse, la dynamique anti-discriminatoire a intégré l’âge de façon plus discrète, mais a finalement conduit à une inscription plus pérenne de la lutte contre la discrimination sur l’âge dans le paysage institutionnel français.
La question de l’emploi des seniors, une impasse pour la discrimination sur l’âge
Au cours des dix dernières années, la question du niveau d’emploi des salariés âgés a occupé, parallèlement à celle des retraites, une place croissante sur l’agenda public national. C’est dans ce cadre que la notion de discrimination sur l’âge a fait l’objet d’une première appropriation. On la trouve ainsi utilisée dans la production institu-tionnelle sur l’emploi des seniors (rapports publics, accord national interprofessionnel sur l’emploi des seniors d’octobre 2005, plan national d’action concertée de juin 2006). Elle est alors plus particulièrement employée, sur le mode du constat, pour désigner les difficultés que rencontrent les chômeurs âgés pour retrouver un emploi, comme dans l’action n° 18 du plan pour l’emploi des seniors, intitulée « Refuser la discrimination par l’âge lors du recrutement ». Force est cependant de constater que son usage reste peu fréquent : l’objectif d’augmentation du taux d’emploi des seniors se trouve plus souvent formulé en termes de « gestion des âges » qu
e de « discrimina-tion sur l’âge ». Du point de vue des entreprises, cette préférence renvoie à un double avantage de la notion de gestion des âges par rapport à celle de discrimination sur l’âge. D’une part, elle efface la dimension victimaire, et donc la part de responsabilité des entreprises dans les comportements discriminatoires. D’autre part, elle invite à fo-caliser l’attention non plus sur les recrutements, mais sur la gestion interne des âges (l’aménagement des postes, l’amélioration des conditions de travail, la motivation des salariés en seconde partie de carrière, le maintien de leur employabilité, etc.), ce qui place les entreprises sur un terrain qui leur est plus familier et les positionne non plus en tant qu’accusées, mais comme actrices de leur propre devenir. Avec la gestion des âges, ce n’est donc plus le langage de la morale, de la dénonciation ou de la sanction qui est tenu aux entreprises, mais celui de leur propre intérêt économique : l’article 2 de l’Accord National Interprofessionnel sur l’emploi des seniors du 13 octobre 2005, significativement intitulé « Gestion des âges et performance économique », souligne ainsi qu’« il s’agit de convaincre chaque entreprise qu’il existe un lien entre sa prati-que de gestion des âges et sa performance ». Ainsi, entre « discrimination sur l’âge » et « gestion des âges », le déplacement est du même ordre qu’entre « discrimination » et « diversité » : alors que les entreprises sont embarrassées par la première notion, qui met l’accent sur les contraintes juridiques et leur responsabilité dans les discrimina-tions, elles s’approprient plus facilement la seconde, qui ouvre sur un possible « ma-nagement de la diversité » qu’elles présentent comme conforme à leurs « valeurs » et comme un vecteur de leur performance économique |6|.
Dans les rapports sur l’emploi des seniors, la discrimination sur l’âge en vient aussi parfois à désigner, de manière rétrospective, l’ancienne politique de l’emploi favorable aux pré-retraites – cette culture de la sortie précoce aujourd’hui condamnée. Mais, là encore, le vocabulaire de la gestion des âges fait concurrence à celui de la discrimina-tion. Plus précisément, se dessine une opposition, entre deux types de « gestion des âges », tant aux niveaux des politiques publiques que des politiques d’entreprise : d’une part, la « gestion par les âges », c’est-à-dire la gestion segmentée des âges, qui amène à développer des mesures destinées spécifiquement aux seniors ; d’autre part, la « gestion de tous les âges » qui, elle, ne cible pas une tranche d’âge donnée, mais envi-sage les carrières dans leur évolution, avec une visée de préservation de « l’employabilité ». La « gestion par les âges » se trouve alors renvoyée du côté de la discrimination par l’âge, la « gestion de tous les âges » étant présentée comme la voie permettant d’y échapper. Ainsi se déclinent, dans le cas particulier de l’âge, deux grandes logiques, différentialiste (qu’illustre, par exemple, la création d’un CDD se-nior pour les plus de 57 ans) et égalitariste (qui promeut une neutralisation de l’âge).
L’âge, un passager longtemps clandestin dans la dynamique anti-discriminatoire
En contraste avec la dynamique de l’emploi des seniors, qui n’a fait qu’un usage rhétorique et sans lendemains de la notion de discrimination sur l’âge, un second mou-vement lui a assuré une existence plus pérenne à travers la traduction dans la législa-tion nationale des lois communautaires anti-discriminatoires.
Lorsqu’à la fin des années 1990 se déploie, dans le débat public français, le thème des discriminations, celles-ci sont essentiellement qualifiées d’« ethniques » ou de « raciales », renvoyant aussi bien à la race qu’à la couleur de peau, au patronyme, à l’origine, voire à la religion. C’est dans ce contexte qu’a été préparée, discutée et votée la loi relative à la lutte contre les discriminations du 16 novembre 2001. Si cette loi a interdit les discriminations dans l’emploi fondées sur plusieurs critères, parmi lesquels figure l’âge, il convient d’observer que l’âge n’a été inscrit que tardivement dans le texte législatif. En effet, le texte adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, le 12 octobre 2000, à la suite d’une proposition de loi déposée par le groupe socialiste, ne mentionnait pas le critère d’âge. Mieux, un amendement visant à ajouter l’âge par-mi les critères de discrimination prohibés par la loi a été explicitement repoussé lors de la discussion en commission, le rapporteur s’y étant opposé après avoir « observé que l’âge constituait un critère essentiel des politiques de l’emploi. Il faut prendre garde à ce que ce sous-amendement ne remette pas en cause les dispositifs existants en faveur des jeunes et des personnes âgées ». C’est lors de l’examen du texte au Sénat que l’âge a été introduit, les sénateurs invoquant notamment l’article 13 du traité d’Amsterdam et la directive Emploi, qui venait d’être adoptée. En deuxième lecture à l’Assemblée nationale, l’ajout de l’âge dans la liste des motifs de discrimination a été entériné, mais a été accompagné d’un nouvel article : à l’instar de la directive Emploi, celui-ci pré-cise que « les différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une dis-crimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un objec-tif légitime, notamment par des objectifs de politique de l’emploi, et lorsque les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires. » Cette inscription tar-dive de l’âge dans la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discrimina-tions témoigne de la difficulté à considérer, à l’époque, que la lutte contre les discrimi-nations pouvait aussi concerner l’âge. D’une part, au début des années 2000, alors que la directive Emploi venait à peine d’être adoptée, l’âge était encore très périphérique dans la lutte contre les discriminations. D’autre part, l’idée que l’âge constituait, dans le domaine de l’emploi, un critère spécifique était très présente : avant d’être un fac-teur de discrimination, il constituait un critère de protection. Nous y reviendrons.
Parmi les exigences de l’Union européenne en matière de lutte contre les discrimi-nations, figurait l’obligation pour les États-membres de se doter d’un organisme indé-pendant ayant pour fonction de recevoir les plaintes des personnes discriminées. Ce qui a conduit, en France, à la création de la Haute autorité de lutte contre les discrimi-nations et pour l’égalité en 2004. Cette étape a été fondamentale pour la reconnais-sance de l’âge comme motif illégitime d’inégalités, même si, comme pour la loi de 2001, l’intégration de l’âge dans le processus de création de la Halde s’est faite de ma-nière très discrète. Ainsi, dans la lettre de mission adressée par le Premier ministre à Bernard Stasi pour le charger de dessiner les contours de la future Haute autorité, celle-ci fait l’objet d’une présentation duelle. D’un côté, le courrier définit de manière très générale le mandat confié à Bernard Stasi, indiquant que cette Haute autorité sera chargée de « lutter contre l’ensemble des discriminations dont peuvent être victimes les personnes résidant en France. » De l’autre, il s’arrête de manière privilégiée sur les sources de certaines formes de discriminations telles que le racisme, l’intolérance reli-gieuse, le sexisme, l’homophobie et le handicap. Ces deux manières de présenter la Haute autorité ne sont pas contradictoires. Mais, pour ce qui est de l’âge, elles ne sont pas équivalentes : d’un côté, il se trouve pris en compte, au même titre que les autres motifs de discrimination ; de l’autre, il est laissé au second plan au profit d’autres cri-tères qui apparaissent plus centraux.
Pendant toute cette période de gestation de la Halde, si l’âge est demeuré peu visi-ble, l’essentiel a cependant résidé dans le fait qu’il est devenu un critère de discrimina-tion à part entière, énoncée systématiquement avec les autres critères en cas d’énumération des motifs de discrimination. Ainsi, même si le rapport Stasi s’est peu préoccupé de l’âge, il a joué un rôle fondamental dans sa légitimation comme motif de discrimination : d’une part, en plaidant pour la création d’une structure unique, plutôt que pour un « système reposant sur plusieurs structures spécialisées » ; d’autre part, en proposant de faire référence « aux critères mentionnés à l’article 13 du traité instituant la Communauté européenne (sexe, race ou origine ethnique, religion, convictions, handicap, âge ou orientation sexuelle) |7| ».
La discrimination sur l’âge, un phénomène désormais reconnu et quantifié
Si le processus ayant conduit à la création de la Haute autorité a contribué à légiti-mer l’âge comme motif de discrimination tout en le laissant au second plan, la Halde, une fois créée, a poursuivi ce travail de légitimation tout en assurant à l’âge une plus forte visibilité. C’est ainsi que ses rapports annuels et son site internet présentent l’âge comme l’un des treize critères de discrimination prohibés par la loi et pouvant faire l’objet d’une plainte. Dans son rapport 2005, l’âge s’est même trouvé « promu » comme l’un des principaux motifs de discrimination, donnant lieu – au même titre que l’origine, la santé et le handicap, le sexe, l’appartenance syndicale et la situation de famille – à un développement spécifique.
La reconnaissance de la discrimination sur l’âge doit aussi beaucoup à la quantifica-tion des discriminations. On sait, en effet, le pouvoir de légitimation du chiffre. Or, une fois opérée la mise en équivalence des différents motifs de discrimination, l’étape suivante a consisté dans la mesure de leur importance respective. De ce point de vue, même si les classements produits ont été assez variables, l’idée qui s’en dégage est que l’âge constitue un critère important de discrimination, voire l’un des plus importants. La Halde, en publiant la répartition des réclamations par critère de discrimination in-voqué, a constitué l’une des sources de ces classements des discriminations. Certes, la Halde ne cherchait pas à hiérarchiser les discriminations. Mais, certains commentaires ont franchi le pas, comme cet article du quotidien Le Monde, rendant compte du rapport 2006 et intitulé « L’origine reste le premier critère discriminant en matière d’emploi |8| ». Davantage que les rapports de la Halde, cependant, ce sont les testings réalisés par Jean-François Amadieu et l’Observatoire des discriminations pour le compte de la société d’intérim Adia qui ont conduit à un véritable classement des discriminations. En effet, la méthode utilisée, dite de l’« audit par couple », fondée sur la comparaison des taux de retour positifs de curriculum vitae envoyés en réponse à des offres d’emploi et qui ne varient que sur un seul critère par rapport à un curriculum vitae de référence, invite à hiérarchiser les différentes discri-minations, ce que les rapports d’enquête ne se privent pas de faire : « L’âge est la pre-mière forme de discrimination. Un candidat de 48-50 ans reçoit en effet 3 fois moins de réponses positives que notre candidat de référence âgé de 28-30 ans » lit-on ainsi dans le compte rendu du Baromètre Adia- Observatoire des discriminations de no-vembre 2006. Et les nombreuses recensions médiatiques de ces testings retiennent éga-lement l’idée d’une hiérarchisation des critères de discrimination : « Les handicapés et les Maghrébins sont les premières victimes des discriminations à l’embauche » titre Le Monde après la publication du premier testing, en 2004, « L’âge et l’origine, principales discriminations à l’embauche |9| » lit-on en tête de l’article qui, dans le même quotidien, présente les résultats de l’enquête de 2006 |10|. Avec les résultats de cette dernière enquête, l’âge se trouve ainsi propulsé en tête du « palmarès » des discriminations.
Vers un élargissement des contours de la discrimination sur l’âge ?
La Halde n’a cependant pas seulement joué un rôle essentiel dans la légitimation de la notion de discrimination sur l’âge. Elle a aussi contribué à en élargir les contours. Certes, le plus souvent, les recommandations de la Halde qui traitent de l’âge concer-nent l’emploi des seniors, ce qui est conforme à l’acception de la discrimination sur l’âge qui s’est imposée et que l’on trouve dans la presse quotidienne nationale. Mais, le point important est que certaines recommandations ont commencé à en déplacer les contours, à la fois pour la catégorie d’âge concernée – non pas seulement les seniors, mais aussi les jeunes – et du point de vue du sujet traité. Ainsi, une recommandation du 23 avril 2007 condamne la « résolution d’une assemblée générale de copropriétaires visant à interdire la location à des colocataires distincts |11| » dont le but était, en fait, de réduire la présence des étudiants, considérés comme des « locataires provoquant des nuisances » : la Halde a considéré « que cette résolution constituait une instruction de discriminer à raison de la situation de famille, des mœurs et de l’âge. » Une autre re-commandation, en date du 20 octobre 2008, concerne le projet de loi sur le revenu de Solidarité active (RSA) auquel la Halde,
saisie par le Gisti (Groupe d’information et de soutien aux travailleurs immigrés), reproche des dispositions discriminatoires sur la nationalité ainsi que sur l’âge. Sur ce dernier point, la Halde s’interroge sur la condi-tion d’âge de 25 ans minimum fixée pour bénéficier du RSA, soit le maintien du seuil ouvrant droit au RMI : elle considère que si, pour le RMI, « la condition d’âge pouvait paraître adaptée au but visé, lequel consistait à éviter de faire du RMI “une trappe à inactivité” susceptible de dissuader les jeunes de moins de 25 ans de se former ou de travailler », il n’en va pas de même avec le RSA dont la finalité « paraît sensiblement différente » puisqu’il s’agit d’assurer un complément de revenus aux travailleurs pau-vres.
L’âge, une dimension de la diversité ?
La dynamique anti-discriminatoire ayant connu, ces dernières années, une inflexion notable avec la montée en puissance de la notion de diversité, la question se pose de savoir dans quelle mesure celle-ci a concerné l’âge. Sur ce plan, il convient d’observer que la notion de diversité est traversée par une tension entre une acception spécifique, focalisée sur le seul critère ethno-racial et une acception générique, qui englobe tout un ensemble de critères (non seulement ceux que recouvre la dimension ethno-raciale, mais aussi le sexe, le handicap, l’âge, et parfois d’autres critères encore).
L’accord national interprofessionnel relatif à la diversité dans l’entreprise, signé en octobre 2006 par les partenaires sociaux, est révélateur de cette tension. En effet, tout en retenant une acception restreinte de la diversité puisqu’il porte sur « l’origine sup-posée, la couleur de la peau, l’apparence physique, le patronyme, le lieu de rési-dence », cet accord reconnaît dans le même temps qu’il en existe une définition plus large : son préambule rappelle que le concept de diversité, qui « constitue une appro-che complémentaire et dynamique » par rapport à la notion de non-discrimination, « revêt plusieurs formes » et « touche aux questions liées » à l’ensemble des critères prohibés par la loi sur les discriminations.
La notion de diversité reste certes fréquemment utilisée aujourd’hui dans son accep-tion spécifique (comme en témoigne, par exemple, le champ de compétences du haut-commissaire à la diversité et à l’égalité des chances, ou encore le récent rapport sur la diversité dans l’enseignement supérieur et la recherche |12|), acception qui est d’ailleurs elle-même traversée par la tension, très présente dans l’espace républicain français, entre approche ethno-raciale et appro-che sociale des inégalités, la seconde intégrant ou servant d’écran à la première de fa-çon plus ou moins explicite |13|. Cependant, une évolution vers un usage élargi de la notion de diversité se dessine, en particulier dans le monde des entreprises. C’est ainsi qu’en passant de la Charte de la diversité, lancée en octobre 2004, au label diversité, apparu en septem-bre 2008, la notion a connu une évolution très révélatrice : alors que la Charte, inspirée par les réflexions de l’Institut Montaigne, se préoccupait de la diversité ethnique et culturelle, le label concerne l’ensemble des critères prohibés par la loi (sauf le sexe, puisque l’égalité entre hommes et femmes fait l’objet d’une autre certification, le label « égalité »). De même, des manifestations publiques estampillées « diversité » abor-dent désormais la dimension de la diversité selon l’âge : l’Oréal, après avoir organisé des forums de recrutement « Emploi et diversité » à destination des « jeunes diplômés des quartiers sensibles ou des minorités visibles », a été à l’initiative d’un autre type de forum « Emploi et diversité », intitulé cette fois « optimiser sa seconde partie de car-rière » et qui s’est tenu le 22 avril 2008. Ainsi, la notion de diversité, qui a été le vec-teur particulier à travers lequel des préoccupations portant sur les inégalités ethno-raciales ont pénétré dans l’entreprise (au même titre que l’« égalité professionnelle » ou la « mixité » pour le critère de genre, ou l’« insertion » pour le handicap), s’émancipe de plus en plus de ces origines. Elle tend aujourd’hui à constituer une ca-tégorie englobante (et potentiellement diluante, nous y reviendrons), qui permet de fédérer des actions visant à diversifier le recrutement sur un ensemble varié de critères et de les inscrire dans le cadre d’une politique générale de diversité.
La lutte contre la discrimination sur l’âge, entre visée économique et combat contre l’âgisme
Au total, il est possible de faire une double lecture de l’émergence et de la diffusion, en France, de la lutte contre la discrimination sur l’âge.
D’un côté, on peut considérer que ce mouvement n’a pas grand-chose à voir avec un quelconque combat contre les injustices faites aux plus âgés – et encore moins contre les injustices faites aux plus jeunes – et qu’il trouve son principe dans un raisonnement d’ordre économique qui amène à poser que les quinquagénaires – voire les sexagénai-res – sans travail coûtent cher, qu’ils ne contribuent pas au financement des retraites et, plus fondamentalement, que leur situation constitue un énorme gâchis à l’heure où il faut mobiliser toutes les ressources disponibles dans la compétition internationale. De ce point de vue, la lutte contre la discrimination sur l’âge apparaît comme un instru-ment pour remettre au travail une frange de la population dont la participation est ju-gée insuffisante : à l’instar d’autres outils, comme la réforme des retraites ou la forma-tion tout au long de la vie, elle vise à lever les barrières d’âge dans l’emploi, à prolon-ger la vie active et, donc, à promouvoir le vieillissement dit « actif » ou « produc-tif » |14|. Elle s’inscrit ainsi dans cette vaste entreprise contem-poraine qui consiste à mobiliser diverses catégories de la population, jugées insuffi-samment présentes sur le marché du travail (les femmes, les handicapés, les seniors) ou indûment hors travail (les chômeurs, les Rmistes) afin de les faire participer à la compétition économique internationale.
D’un autre côté, la lutte contre la discrimination sur l’âge s’inscrit dans une autre dynamique qui est, elle, davantage soucieuse de faire reculer les injustices fondées sur l’âge et qui est porteuse d’un élargissement de la question à d’autres domaines que l’emploi et à d’autres catégories que celle des actifs âgés. La Halde constitue le lieu institutionnel privilégié de cette dynamique alternative, qui pourrait bientôt être ren-forcée par une nouvelle directive européenne, annoncée par la commission en juil-let 2008 et qui vise à étendre l’interdiction des discriminations fondées sur l’âge – ain-si que sur l’orientation sexuelle, le handicap et les croyances religieuses – à la santé, l’éducation et l’accès aux biens et services. Dans cette seconde dynamique, la lutte contre la discrimination sur l’âge tend à devenir un combat contre l’« âgisme ». La notion est certes elle-même ambiguë puisqu’elle peut, selon les cas, désigner les préju-gés et les discriminations à l’encontre des personnes âgées ou, plus largement, ceux qui sont liés à l’âge |15|. Si elle est d’usage courant en Angleterre et aux États-Unis, à la fois dans le champ scientifique et dans le champ politique où la lutte contre l’âgisme constitue l’une des préoccupations des associations de défense des personnes âgées comme l’AARP (American Association of Retired Persons) aux États-Unis ou Age Concern au Royaume-Uni, elle était jusqu’à présent très peu utilisée en France. Or, la dynamique engagée contre la discrimination sur l’âge s’est accompagnée des prémices d’un mouvement de lutte contre l’âgisme. C’est ainsi qu’après avoir contesté auprès de la Halde le fait que certaines enquêtes de l’Insee ou de l’Ined s’arrêtent à un seuil d’âge donné (60 ans ou 75 ans), un collectif d’experts du champ de la gérontologie a créé un « observatoire de l’âgisme » qui se fixe pour objectif de combattre « toutes les formes de discrimination, de ségrégation, de mépris fondées sur l’âge », quel que soit l’âge. Cet observatoire assure un rôle de veille, réagissant aux déclarations qui véhicu-lent des préjugés négatifs liés à l’âge ou qui visent à établir des barrières d’âge arbi-traires (il s’est, par exemple, élevé contre l’idée d’une démission automatique des jurés du prix Goncourt à un âge donné).
La discrimination liée à l’âge, entre exclusion et protection
Comme nous l’avons noté plus haut, les usages des catégories de discrimination et de diversité demeurent fluctuants : ces notions peuvent aussi bien être utilisées dans un sens restreint, renvoyant alors le plus souvent au seul critère de l’origine, que dans un sens élargi, faisant référence à une pluralité de critères. Il est clair, cependant, qu’en dix ans, la mise en équivalence des critères a progressé : elle est aujourd’hui une réali-té juridique et institutionnelle, et l’âge s’est imposé comme constituant un motif de discrimination parmi les autres. Cependant, si elle se justifie sur le plan juridique, cet usage extensif de la notion de discrimination, présente, d’un point de vue sociologique, l’inconvénient de gommer ce qui est propre à chaque type de discrimina-tion |16|. Aussi convient-il de se poser la question de la spécificité de la discrimination sur l’âge. Ce qui amène à souligner son ambivalence, la tension entre exclusion et protection qui la traverse. L’image de l’employeur qui refuse d’embaucher un quinquagénaire à cause de ses préjugés à l’encontre des seniors n’illustre en effet qu’un aspect – le plus simple – de la question. Un autre aspect, plus complexe, tient au fait que le traitement différentiel des personnes selon un critère d’âge peut constituer un acquis social.
Cette ambivalence apparaît, par exemple, dans une prise de position de la Plate-forme Age, qui défend les intérêts des personnes âgées auprès de la Commission euro-péenne et qui, tout en appelant de ses vœux une directive interdisant la discrimination sur l’âge dans l’accès aux biens, services et équipements, n’en défend pas moins le maintien d’« exceptions » pour les tarifs préférentiels liés à l’âge |17|. C’est aussi cette ambivalence qui explique cet épisode que nous avons rappelé et qui a vu l’Assemblée nationale rejeter, en octo-bre 2000, un amendement qui proposait d’introduire l’âge parmi les motifs prohibés de discrimination, de crainte qu’il ne remette en cause les dispositifs de la politique de l’emploi « en faveur des jeunes et des personnes âgées ».
Historiquement, en effet, nombre de mesures d’âge sont liées à la protection sociale. Comme l’écrit Annick Percheron, « la police des âges est l’instrument et le produit de l’État-providence |18| ». Il faut se souvenir, par exemple, que la première loi sociale votée en France, celle qui, en 1841, interdit le travail des enfants de moins de 8 ans et limite la durée du travail pour ceux qui sont âgés de moins de 16 ans, est fondée sur un critère d’âge. Plus tard, lorsque le système des retraites se met peu à peu en place, il s’organise autour du critère d’âge, qui prend le pas sur le critère « fonctionnel » de l’inaptitude physique et sur celui de la durée, à la fois pour des raisons de simplification administrative et parce que l’âge ap-paraît « comme un critère objectif et neutre, comme un garant d’un traitement équita-ble et bureaucratique des dossiers, et donc des vies de chacun et de tous |19| ».
Aussi la lutte contre la discrimination sur l’âge peut-elle conduire à la remise en cause des dispositifs sociaux qui reposent sur l’âge. C’est ainsi que l’âge obligatoire de la retraite se voit aujourd’hui contesté au motif qu’il constitue une discrimination. Pourquoi, en effet, interdire de travailler, à partir d’un âge donné, à ceux qui en sont encore capables et qui le souhaitent ? Cependant, le droit à travailler plus longtemps et à une retraite « à la carte », s’il correspond aux vœux d’une frange de quinquagénaires et de sexagénaires désireux de poursuivre une activité professionnelle épanouissante, pourrait bien se transformer en injonction à travailler pour d’autres qui n’auront pas suffisamment cotisé et qui seront incités à accepter des « petits boulots », quand bien même ils seraient usés par des années de travail ou connaîtraient des problèmes de san-té (ce qui est le cas d’une partie des quinquagénaires sortis de manière précoce du marché du travail). Carcans pour les uns, les seuils d’âge constituent ainsi une protec-tion pour les autres. En témoignent les réactions contrastées au vote, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale de 2009, d’un recul à 70 ans de l’âge de retraite obligatoire (le seuil en deçà duquel les entreprises ne peuvent mettre leurs sala-riés à la retraite d’office). De même, le recul de l’âge de la cessation d’activité obliga-toire pour les navigants de l’aviation civile à 65 ans, qui figure dans la même loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, a provoqué la colère de huit organisa-tions syndicales, qui ont appelé à la grève pour en exiger le retrait, alors que des asso-ciations de pilotes (PNT 65) et d’hôtesses et stewards (Avenir navigant) en soutenaient le principe, après avoir déposé, auprès de la Commission européenne, une plainte contre la France pour discrimination fondée sur l’âge.
On peut donc se demander si on ne se trouve pas aujourd’hui à un moment de bas-culement pour ce qui concerne le recours au critère d’âge dans les politiques sociales et dans la régulation des existences. C’est sans doute parce que ce recours apparaît moins légitime qu’il peut être considéré comme relevant d’une discrimination. Alors que, longtemps, l’utilisation de seuils d’âge dans les politiques sociales a été considé-rée comme une protection, c’est désormais leur possible caractère discriminatoire qui se trouve interrogé, les critères d’encadrement généraux et uniformes tels que l’âge paraissant trop rigides et impersonnels pour pouvoir prendre en compte les singularités des individus et de leur parcours.
Si l’âge ne joue plus, à l’avenir, le même rôle dans la régulation sociale des existen-ces individuelles, par quoi est-il susceptible d’être remplacé ? Deux critères, eux-mêmes concurrents, se trouvent déjà sollicités. D’une part, le critère de durée – qui n’avait pas disparu, mais s’était effacé devant la notion de seuil d’âge |20| – revient sur le devant de la scène, notamment à la suite des réformes suc-cessives des retraites qui, si elles n’ont pas supprimé le seuil symbolique de la re-traite |21|, mettent la durée de cotisations au cœur de son fonctionnement. La durée est, en effet, un critère qui, plus facilement que celui de l’âge, s’adapte à la diversité des trajectoires individuelles. D’autre part, le critère de compétence, qui vise à faire abstraction de toutes les caracté-ristiques sociales de l’individu (son sexe, son âge, son origine, etc.) pour ne retenir que ses savoir, savoir-faire et savoir-être utiles à l’employeur, permet de se prémunir contre la discrimination par l’âge, mais au prix d’une remise en cause de la régulation des carrières fondée sur l’âge et l’ancienneté – donc sur la durée. Dans cette logique, ce serait donc à chacun selon ses qualités, ses compétences, son énergie, quel que soit son âge. Aussi l’utopie d’une société neutre du point de vue de l’âge, qui se déploie aujourd’hui sous la bannière de la lutte contre les discriminations sur l’âge, doit-elle être considérée avec prudence puisqu’elle nécessite l’invention de nouvelles formes de protection sociale et exige de « reconfigurer la protection sociale » |22|.
|1| Cet article, issu d’une recherche financée par la DREES-MiRe, reprend des idées développées dans la première partie d’un article à paraître dans les Cahiers Internationaux de Sociologie, vol. CXXVII, décembre 2009.
|2| J. MCNICOL, Age discrimination, Cambridge University Press, Cam-bridge, 2006.
|3| A.-M. GUILLEMARD, L’âge de l’emploi, Armand Colin,Paris, 2003.
|4| P. LANGLOIS, « Que faire de l’interdiction de la discrimination selon l’âge ? », Droit social, n°2, 2006.
|5| V. GUIRAUDON, « Construire une politique européenne de lutte contre les discriminations : l’histoire de la directive “RACE” », Sociétés contemporaines, n°53, 2004.
|6| M. DOYTCHEVA, M. HACHIMI ALAOUI, De la lutte contre les discriminations ethno-raciales à la « promotion de la diversité ». Une enquête sur le monde de l’entreprise, Rapport pour la DREES-MiRe, 2008.
|7| B. STASI, Vers la Haute Autorité de Lutte Contre Les Discriminations et pour l’Egalité, Rapport au Premier Ministre, février 2004, p.65.
|8| Le Monde, 13 avril 2007.
|9| Le Monde, 21 mai 2004.
|10| Le Monde, 22 novembre 2006
|11| Il faut entendre par là des co-locataires ne constituant pas une « unité familiale ».
|12| M. WIEVIORKA, La Diversi-té. Rapport à la Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Robert Laf-font, Paris, 2008.
|13| Cette tension est présente, par exemple, dans le rapport Sabeg de mai 2009 pour la diversité et l’égalité des chances : d’un côté, il contient des propos favorables à « la mesure et l’évaluation de la diversité » ethno-raciale ; de l’autre, il préconise un ensemble de mesures en faveur des boursiers et des quartiers défavorisés.
|14| A. JOLIVET, « La politique européenne en faveur du vieillissement actif », Re-traite et Société, n°36, 2002.
|15| B. PUIJALON et J. TRINCAZ, Le droit de vieillir, Fayard, Paris, 2000.
|16| D. FASSIN, « L’invention française de la discrimination », Revue française de science politique, vol.52-4, 2002.
|17| AGE, Building the case for more action at european level to combat age discrimination in access to goods, facilities and services, October 2007.
|18| A. PERCHERON, « Police et gestion des âgés », in A. PERCHERON, R. REMOND (eds), Age et politique, Economica, Paris, 1991, p.111.
|19| Ibid., p.117.
|20| A. PERCHERON, op.cit.
|21| Elles l’ont cependant dédoublé, avec un premier seuil à 60 ans auquel les sala-riés peuvent faire valoir leurs droits à la retraite et un second, fixé désormais à 70 ans, à partir duquel l’employeur peut mettre le salarié à la retraite.
|22| A.-M. GUILLEMARD, op.cit.