100, c’est un beau chiffre. Nous sommes d’autant plus content·es de pouvoir l’imprimer que la dernière décennie de l’édition et du monde des revues de gauche a été rien moins que facile. Un numéro 100, c’est un bon prétexte pour combiner retour en arrière et prospective. En cette année 2019, quand on a 21 ans et pour sous-titre « des idées et des luttes », il aurait été incompréhensible que nous passions à côté du mouvement des Gilets jaunes, de ne pas essayer de comprendre ce conflit, ce qu’il nous dit du monde social, des transformations du politique, de la gauche et finalement des classes.
Mais de quelles classes s’agit-il et comment en parler ? Dans un XXIe siècle où le capital, le salariat et la politique ont tous trois profondément changé, l’enjeu ne peut être de revenir à la lecture proposée par le marxisme « classique », laquelle a dominé le XXe siècle et le discours des partis socialistes et communistes. Le grand récit liant la théorie de la valeur-travail, l’existence de l’exploitation par appropriation de la plus-value, l’usine, la condition ouvrière et le rôle de sujet historique du prolétariat n’est plus de mise. L’horizon politique de l’émancipation et de l’égalité s’est enrichi d’autres enjeux et questions. Les rapports à la nature et la poursuite des logiques d’extraction des ressources sont ainsi insolubles dans la promesse de la fin de l’exploitation par l’appropriation collective des moyens de production, la planification et le progrès technique. Un tel constat de mort du « sujet historique », unique et messianique, n’a évidemment rien à voir avec la fin des classes et de leur lutte au sens de l’existence de groupes sociaux fondés sur les communautés de statut socioéconomique, la place dans les rapports de production et de consommation, l’accès différencié aux revenus. L’enjeu est plutôt de comprendre les nouvelles configurations de classe engendrées par les reconfigurations profondes du salariat, la généralisation des formes d’emploi précaire, le chômage de masse, le travail de plateforme et l’auto-entreprenariat.
Si les analyses de classe sont impactées par les transformations des clivages, des lieux et des rapports où leur conscience s’actualise, elles ont également été fondamentalement reconfigurées par la prise en compte de la pluralité des modes de domination. La revue s’est fait l’écho de l’impérieuse nécessité de saisir l’imbrication des rapports sociaux de pouvoir, en particulier le genre, la race et la classe, c’est-à-dire de penser un ordre hiérarchique du monde social qui n’est pas construit de manière unidimensionnelle sur la position socioéconomique.

Le dossier de ce numéro 100 propose donc deux formes de confrontation à la complexité du mode contemporain d’existence des classes : par les luttes, avec le mouvement des Gilets jaunes, la lecture que l’on peut en faire et ce qu’il nous dit de la nouvelle question sociale ; par les catégories, avec un retour sur ce qui est, depuis longtemps, une des marques de fabrique de la revue, la revendication de « l’intersectionnalité » comme approche de la pluralisation des modes de domination classe/race/genre (mais aussi âge, sexualité, nationalité….), pour l’analyse comme pour la mobilisation.

Programme Débats (20h-21h30) et Soirée (21h30-…)
 
20h, Débat 1 :  1998-2019. Itinéraire de Mouvements et enjeux pour l’espace des revues de gauche (45 mn) 
Avec des ancien.nes de Mouvements et des représentant.es de revues alliées.
 
20h45, Débat 2 : “Classe !” Présentation du numéro 100
Avec les coordinateur.rices et des auteur.rices du numéro
 
21h30 : Fête