L’« urgence des déchets » en Campanie est un phénomène apparu à la fin des années 1980 qui a fortement frappé quelques zones de son territoire, les transformant en un carrefour de trafics illégaux de déchets. Or, sa reconstruction historique  fait apparaître le rôle que les pouvoirs mafieux et politiques ont joué dans la production de ce qui a été décrit comme le plus grand désastre environnemental de l’histoire européenne. Mais après une période de déni collectif des problèmes, les autorités étatiques, régionales et judiciaires sont devenues objets d’interrogations de la part de citoyen·ne·s prêts à s’informer, à enquêter, à dénoncer les manquements de la protection de la santé publique.

L’« urgence des déchets » en Campanie est un phénomène apparu à la fin des années 1980 qui a fortement frappé quelques zones de son territoire, les transformant en un carrefour de trafics illégaux de déchets. Pour traiter cette question, je procéderai en trois temps. Je commencerai par avancer quelques propositions à propos de la contribution originale que l’anthropologie urbaine peut offrir pour l’étude de cette urgence. Dans un deuxième temps, je traiterai des dimensions politiques et sociales de ce phénomène, en me concentrant sur la commune de Terzigno, proche du Vésuve dans la province de Naples, où j’ai pu mener une recherche ethnographique pendant trois ans[1]. La reconstruction historique de cette urgence des déchets fera clairement ressortir le rôle que les pouvoirs mafieux et politiques ont joué dans la production de ce qui a été décrit comme le plus grand désastre environnemental de l’histoire européenne. Enfin, j’explorerai le rôle que l’urgence, en tant qu’expérience existentielle, a joué et continue à jouer dans la reconfiguration de l’horizon de sens auquel les habitant·e·s de Terzigno se réfèrent – un horizon qui fait émerger des sujets sociaux sexués, porteurs de points de vue localisés.

Comment comprendre la « crise » des déchets en Campanie ?

L’urgence des déchets en Campanie a commencé « officiellement » en février 1994 quand le gouvernement italien a décidé de déclarer « l’état d’urgence » et a nommé le préfet de Naples, Umberto Impronta, commissaire du gouvernement aux pouvoirs extraordinaires (DPCM 11/02/1994, signé du président du conseil Carlo Azeglio Ciampi). Le Plan régional d’élimination des déchets adopté l’année précédente ne fonctionnait pas. Les déchets qui restaient souvent pendant des jours entassés dans les rues des centres urbains étaient entièrement canalisés vers des décharges saturées. On arriva rapidement à une situation très grave, profondément influencée par les crimes de ce que l’on commençait à appeler « écomafias[2] ». Depuis le début des années 1980, celles-ci avaient consolidé un véritable monopole régional de la gestion des déchets, contaminant irrémédiablement le territoire avec des déchets toxiques issus de trafics illégaux. Le décret prévoyait que l’urgence durerait trois mois (soit jusqu’au 30 avril 1994) mais il a été prolongé chaque année durant les quinze années suivantes, jusqu’en décembre 2009 (Décret-Loi n°195 du 30/12/2009). Actuellement, la situation est toujours critique : les infrastructures régionales sont clairement défaillantes, le tri sélectif n’est toujours pas à un niveau satisfaisant et les écomafias continuent leurs actions criminelles.

La longue durée dans laquelle s’est développée l’urgence des déchets n’est qu’un des indices de l’extrême complexité de cette histoire, où se croisent intérêts politiques et économiques d’acteur·rice·s varié·e·s ne rentrant pas facilement dans un cadre unique cohérent. Il s’agit d’un phénomène qui implique diverses sphères de la vie sociale de cette région méridionale : politique, économique, juridique, géographique, sociale et culturelle. La contribution originale que l’anthropologie urbaine[3] peut offrir à l’étude de cette urgence renvoie à la dimension existentielle du phénomène. Elle permet de comprendre comment les sujets sociaux qui en sont les protagonistes ont vécu la crise environnementale et politique de leur territoire.

Il est en effet nécessaire de prendre en compte la spécificité anthropologique de l’objet de la crise : les déchets. Rebuts et résidus du quotidien, synonymes de désordre et de saleté, parce que situés en dehors de l’ordre symbolico-spatial socialement construit, les déchets sont « universellement » identifiables comme des éléments « ob-scènes ». Leur gestion est codifiée selon des pratiques rituelles précises afin de protéger l’intégrité du corps individuel et social, c’est-à-dire des corps qui, pour pouvoir être pleinement symboliques, doivent être capables de transcender leur nature organique[4]. Les processus d’exclusion et d’expulsion des rebuts répondent à un impératif de démarcation de la frontière qui sépare le sale du propre[5], une « constante anthropologique » que l’on peut considérer comme constitutive de l’expérience existentielle humaine. L’acte de « nettoyer » un espace – en définissant une série de pratiques de gestion des déchets – constitue un processus ontogénétique permettant de « transformer le chaos en cosmos », et ainsi de confirmer la continuité de l’ordre social. La gestion de la saleté et de la propreté est donc l’un des processus à travers lesquels les sujets humains réussissent quotidiennement, et difficilement, à construire la stabilité de leur existence et à affronter la fragilité de leur « présence[6] ».

Afin d’expliciter les pratiques et les représentations à travers lesquelles chaque sujet humain se situe face à ses rebuts, il est fondamental de considérer la dimension spatiale du sale et du propre. Les déchets sont capables de perturber significativement les rapports entre le sujet et l’espace. La manière de les traiter à l’intérieur de réalités sociales simultanément locales et globales renvoie à l’organisation sociale du monde et de l’espace, à l’enracinement, à l’habiter et à la constitution des groupes humains dans des environnements déterminés[7].

Dans les sociétés urbaines occidentales, l’impératif de démarcation de la frontière séparant le sale du propre a pris la configuration particulière du « mode de déchetation moderne[8] » capitaliste. Il s’agit d’une manière socialement partagée de gérer les rebuts des processus de production et de consommation par la mise en pratique systématique de politiques hygiénistes, ayant pour but d’éloigner les déchets des espaces urbains. L’histoire du mode de déchetation capitaliste est clairement celle de l’assainissement des villes, apparu au cours du XIXe siècle, et consistant à créer des espaces marginaux où l’on invisibilise systématiquement les déchets, en les soustrayant aux yeux des citoyen·ne·s consommateur·rice·s. C’est une façon d’endiguer leur dangerosité, symbolique et sanitaire. Ainsi est apparu ce que je nommerai le « paradoxe des sociétés d’opulence », à savoir le fait que l’impératif de garder les villes propres a pour conséquence la « nécessité » de salir les marges et de les contaminer irrémédiablement. Cette marge n’est jamais définitivement tracée, elle se déplace en fonction des processus continuels d’urbanisation. De nouvelles configurations spatiales sont donc apparues et le géographe Simone Maurano parle à ce propos de « territoires déchetés[9] », zones, au nord comme au sud, dans lesquelles des parties du territoire deviennent l’objet d’une ségrégation spatiale liée à l’élimination des rebuts de la production. Cette concentration inégalitaire de la pollution est justifiée en termes d’utilité sociale pour la collectivité. Dans l’imaginaire d’une « culture urbaine[10] » (désormais étendue à l’échelle planétaire), ces territoires tendent à être représentés comme des « espaces géométriquement vides[11] » que l’on peut remplir infiniment. Les coûts environnementaux, économiques et sociaux sont habituellement ignorés des consommateur·rice·s, peu au fait de ce qui advient de leurs rebuts.

Une fois jetés dans la poubelle ou dans le conteneur, les déchets semblent cesser d’exister dans l’imaginaire de celui·le qui les a pourtant produits. Pour interpréter ce phénomène d’occultation perceptive et en proposer une grille de lecture, j’avance l’idée que les déchets font l’objet de processus de « scotomisation collective ». Le terme « scotome » – du grec σκότωμα, obscuration, obnubilation – signifie dans le discours médical une lacune du champ visuel due à une insensibilisation de certains points de la rétine qui crée un cône d’ombre obscurcissant littéralement un objet à la vue de l’observateur·rice. Ici, le terme scotomisation renvoie à l’opération psychologique inconsciente par laquelle le sujet exclut de sa conscience ou de sa mémoire un événement ou un souvenir désagréable ou dégradant. Dans une perspective anthropologique, le concept de scotomisation peut être utilisé pour décrire une « vision de la réalité » ne prenant pas en considération certains éléments qui en font pourtant partie[12]. Si l’on considère la réalité comme le produit de processus de construction sociale[13], on peut interpréter la scotomisation comme un élément constitutif de ces processus : l’acte quotidien d’observer et de construire une réalité de significations socialement partagées implique en effet la nécessité de sélectionner quelques éléments et d’en exclure d’autres. Les déchets font partie de ces éléments, car leur matérialité semble cesser d’exister dès qu’ils sont jetés. Comme chaque processus culturel, la scotomisation est différenciée, changeante et toujours incomplète : les marges doivent être reconstruits quotidiennement selon une dynamique d’exclusion continuelle.

Que se passe-t-il quand le « dehors » commence à menacer le « dedans », quand les « espaces de séparation », loin des lieux densément peuplés, ne contiennent ni ne cachent plus la dangerosité symbolique et sanitaire des déchets ? Qu’arrive-t-il quand la marge s’approche dangereusement du centre, voire l’envahit, comme c’est le cas en Campanie ? Pour chercher une réponse à ces questions, il peut être utile d’inscrire le cas exceptionnel de la Campanie dans un cadre plus large et de l’interpréter à la lumière d’une histoire globale, celle des résistances naissant parmi les populations qui habitent les « territoires déchetés ». Si la création de ces espaces a rendu possible la croissance incontrôlée du capitalisme avancé, leur existence se transforme de fait en un obstacle. Le capital « produit des espaces et des corps contaminés[14] » et, de ce fait, génère des processus de subjectivation. Les sujets marginaux, subalternes, considérés comme étant incapables de réagir, peuvent néanmoins devenir les protagonistes de la scène en conquérant le pouvoir de résister et de lutter. La marge peut sortir de l’oubli, se soustraire à l’invisibilité et menacer la stabilité et la durabilité du système entier. Elle peut interférer dans les logiques économiques, politiques et sociales les condamnant, par contamination, au silence, à la maladie, à la mort.

C’est ce qui est arrivé à Terzigno, où la population qui a subi l’élimination des déchets de toute l’Italie s’est montrée capable de réagir à la dévastation de l’environnement. Est ainsi né un mouvement de résistance collective, qui a su déclencher une véritable garbage war, une guerre des déchets[15], et qui s’inscrit dans la lignée des « mouvements pour la justice environnementale ». Ce mouvement se compose de communautés locales qui se battent pour avoir leur mot à dire[16].. Ainsi à Love Canal[17] ou à Los Angeles[18], la population s’est mobilisée et les activistes ont réagi aux politiques de gestion des déchets en se transformant en véritables expert·e·s, prêt·e·s à lutter pour défendre leur santé et leur territoire. Dans ce sens, le cas de Campanie peut être considéré comme paradigmatique des territoires où les populations désavantagées se rebellent contre des pouvoirs qui mettent en danger leur survie. Il s’agit d’un cas d’« avant-garde » dans lequel il est possible de voir une anticipation de tendances globales.

Cumuls d’ordures

Pour comprendre la situation d’« urgence » des déchets il est nécessaire d’en reconstruire l’histoire. À la fin des années 1970, l’élimination des déchets industriels commençait à se présenter comme un secteur d’affaires lucratif. En Campanie, une région historiquement caractérisée par la présence diffuse de réseaux criminels dans l’administration du pouvoir, des individus dotés d’un contrôle sur le territoire ont réussi à conquérir le monopole quasi complet de l’élimination des déchets, obtenant, auprès d’une classe politique corrompue, les autorisations nécessaires. Une fois le pouvoir d’ouvrir des décharges gagné, il a été facile de les utiliser de manière illégitime en tirant profit de l’inertie des institutions locales. Sur cette situation d’illégalité diffuse se sont greffés, au cours des années 1980, les trafics criminels des déchets toxiques. Des décharges « légales », autorisées à traiter les déchets urbains solides, ont été utilisées pour déverser les déchets industriels provenant d’entreprises italiennes mais aussi du reste de l’Europe.

Le phénomène a fait tache d’huile et de nombreuses portions du territoire ont été sacrifiées à l’élimination des déchets par les clans de la Camorra. Les effets de cette politique sur l’aménagement du territoire sont clairement visibles. Les premiers espaces utilisés pour ces activités illégales ont été les carrières abandonnées, qui sont devenues des décharges potentielles. Anna Fava observe que

« le cycle des déchets commence dans les carrières. Les cavités y sont d’abord remplies de déchets toxiques (en Italie, chaque année se “perdent les traces” d’environ 31 millions de tonnes de déchets industriels), puis aplanies et transformées en terrain constructible – en Campanie, des dizaines de centres commerciaux et de quartiers ont été abusivement construits sur des déchets toxiques. Ou bien on transforme le terrain en décharge légale, en payant les gestionnaires de la carrière et en faisant tout pour éliminer les preuves d’utilisation illégale et de déversement de déchets toxiques, en les recouvrant avec des montagnes de déchets urbains indifférenciés[19] ».

Sur demande des procureurs de Naples et de Santa Maria Capua Vetere, une Commission d’enquête parlementaire s’est penchée sur le cycle des déchets et sur ces activités illicites[20]. Le processus de contamination du territoire de Campanie a été reconstitué. Selon le journaliste Bernardo Iovene,

« l’agence régionale pour l’environnement de la région Campanie recense 2 551 sites potentiellement contaminés, c’est-à-dire le double de la Lombardie, avec 1 300. La plus grande partie est concentrée entre les provinces de Napoles et de Caserta, dans les plaines de Campanie, où les aquifères sont polluées de déchets provenant de liquides dangereux et cancérogènes. Cela signifie que les substances toxiques, dont les dissolvants de peinture et d’autres poisons industriels, ont été directement versées dans le sol[21]. »

Ainsi, durant les trente dernières années, s’est déroulé ce qui a été décrit comme le plus grand désastre environnemental de l’histoire européenne. Les données sont terrifiantes[22]. Selon Roberto Saviano, qui a su transposer ce drame en littérature, aucune autre partie du monde occidental n’a connu de déversement aussi important de déchets illégaux.

« Si les déchets qui ont échappé, en Italie, au contrôle officiel était rassemblés, ils formeraient une chaîne montagneuse de quatorze millions de tonnes : pratiquement une montagne de 14 600 mètres avec une base de trois hectares. Étant donné que l’Everest n’a que 8 844 mètres de hauteur, cette montagne de déchets inconnus des registres officiels serait la plus grande montagne sur terre[23]. »

Le chapitre le plus dramatique de cette histoire s’est ouvert lors des quinze ans au cours desquels une structure extraordinaire d’exercice du pouvoir – le commissariat extraordinaire – a servi à protéger les intérêts privés de lobbies d’affaires ayant su profiter de la situation d’urgence. Ainsi le désastre at-il été aggravé de manière dramatique par ceux·lles qui auraient dû le résoudre.

La structure de commissariat, instituée en 1994 pour affronter en six mois une situation définie comme urgente, a soumis pendant quinze ans la région Campanie à un régime de pouvoir extraordinaire, suspendant le jeu démocratique classique. L’institution du commissariat s’est traduite par la création d’un « état d’urgence », un espace inédit de pouvoir autoritaire, où les limites de la légalité ont pu être enfreintes délibérément. La logique du profit a ainsi dominé celle de la défense des biens communs et de la santé publique, aux dépens des citoyen·ne·s de Campanie, contraint·e·s de subir le drame de la contamination environnementale.

En 1998, sur l’ordre du ministre de l’Intérieur Giorgia Napolitano, le commissariat a procédé au lancement d’un appel d’offres de gestion intégrée des déchets en Campanie. Selon Paolo Rabitti[24], de nombreux et graves délits autour de cet appel d’offre ont pu être observés. Dans la rédaction du cahier des charges, les principes contenus dans l’ordonnance ministérielle, conforme aux normes européennes en matière de gestion des déchets, ont été ignorés. Les installations à construire (notamment pour l’incinération) ont été surdimensionnées par rapport aux exigences réelles. Le système technique aurait dû être fondé sur l’instauration progressive du tri sélectif et sur l’incinération des combustibles dérivés des déchets (CDD), produits en aval du tri sélectif. L’énergie produite avec les CDD aurait ainsi profité de primes publiques (CIP6) destinées à encourager la production d’énergies alternatives, dans la limite de la moitié des déchets solides produits en Campanie, afin d’éviter la tentation de saboter le tri sélectif.

A l’issue de cette procédure pour le moins discutable[25] et en dépit d’un projet défaillant sur le plan technique et d’un manque de garanties suffisantes, le marché public a été attribué au groupement temporaire d’entreprises Fisia-Impregilo. Ce dernier a obtenu le droit de décider des localisations de ses installations, sans aucune obligation de concertation ou d’évaluation de l’impact sur l’environnement[26]. Par ailleurs, au moment de la signature du contrat, le projet a été modifié par rapport à celui présenté lors de l’appel d’offres, ne répondant plus au cahier des charges. Ce projet modifié a été formalisé dans les contrats paraphés avec la région, signés en 2000 par Antonio Bassolino[27]. Deux clauses fondamentales avaient alors disparu. La première obligeait l’entreprise à éliminer à ses frais et hors du territoire de Campanie les CDD produits dans la période précédant l’entrée en service des incinérateurs. La seconde limitait l’affectation des primes du CIP6 à l’énergie produite en brûlant des déchets provenant du traitement de moins de la moitié des déchets urbains solides. En l’absence de contraintes contractuelles, la Fisia-Impregilo a décidé d’accumuler les CDD dans les territoires limitrophes aux installations en attendant de les brûler plus tard dans ses incinérateurs. Chaque fois que les terrains de dépôt étaient saturés, les immondices étaient laissées dans les rues. La situation s’est aggravée lorsque l’on a découvert que les installations de production de CDD construites par Fisia-Impregilo n’étaient pas aux normes légales. Des expert·e·s techniques ont ainsi qualifié les CDD de « déchets en tant que tels » : il s’agissait de déchets broyés et empaquetés mais non traités selon les procédures standard et donc impropres à l’incinération. Il fallait donc les stocker dans les décharges. Entre 2000 et 2008, en Campanie, les déchets, plutôt que d’être éliminés selon les règles, ont été transformés en CDD non conformes, et stockés. En janvier 2008, étaient ainsi accumulés jusqu’à 5 millions de tonnes de déchets en attente de destruction.

En outre, n’ayant pas été collectés régulièrement, les déchets s’accumulaient souvent dans les rues de la région, en créant de graves risques hygiéniques et sanitaires, ainsi que des problèmes d’ordre public liés aux contestations portées par les mouvements pour la justice environnementale, qui remettaient en cause, point par point, les décisions du commissariat. Celui-ci continuait imperturbablement à préconiser une seule solution : celle de (r)ouvrir de nouvelles et d’anciennes décharges. Ainsi les installations d’élimination et les dépôts de déchets se trouvent quasiment toujours dans des lieux déjà contaminés et dans des sites potentiellement à risque, comme des carrières désaffectées et non conformes, inadéquates pour des raisons sanitaires et/ou structurelles et géographiques.

L’exemple de Terzigno

C’est le cas de Terzigno, lieu symbolique de la catastrophe qui a par ailleurs frappé beaucoup de territoires agricoles de Campanie, les transformant en territoires de déchets. Terzigno regroupe 17 565 habitants et s’étend sur 23,53 km2 sur le versant oriental du Vésuve. On y trouve le Parc national du Vésuve, qui fait partie, depuis 1995, de la Réserve de la biosphère MAB-UNESCO « Somma-Vesuvio e Miglio d’oro[28] ». À l’intérieur de cette zone protégée, a été rouverte, en juillet 2007, une ex-décharge pour l’élimination de déchets urbains. L’histoire de cette décharge montre de quelle façon la structure du commissariat s’est transformée en un organe de pouvoir antidémocratique, antagoniste des impératifs environnementaux.

Le territoire dans lequel s’étend la décharge, à quelques centaines de mètres des habitations, a été acquis par la société S.a.r.i. (Società Agricola Recuperi Industriali) qui, en 1988, avait obtenu de la région une autorisation provisoire pour ouvrir une décharge de déchets urbains et assimilables dans des carrières en sa possession[29]. La présence des frères La Marca parmi les associés propriétaires renseigne sur les activités illicites, présumées ou avérées, qui se sont déroulées dans cette décharge : arrêtés le 30 mars 1993 pour association de malfaiteurs à caractère mafieux liée à l’affaire des « décharges d’or », les La Marca seront d’ailleurs condamnés en deuxième instance pour les délits commis dans la décharge Di.fra.bi de Pianura[30].

Dès 1989, les premiers comités citoyens se formèrent pour déposer plainte auprès des autorités compétentes, en demandant la fermeture de la décharge, en collaboration avec l’association écologiste Lega per l’ambiente[31]. Un mouvement de résistance aux politiques d’élimination des déchets sur le territoire du Vésuve s’est donc constitué, notamment pour protéger le Parc national du Vésuve. En 1994, la justice a décidé la fermeture de la décharge S.a.r.i. au motif d’utilisation abusive mais, à la surprise générale, le premier commissariat extraordinaire, Umberto Impronta, a décrété sa réouverture l’année suivante. La décharge se trouvant aux limites du Parc national, les dirigeants de ce dernier ont immédiatement entamé une lutte institutionnelle qui s’est prolongée pendant cinq ans[32] pour aboutir, en 1999, à une décision du Conseil d’État en faveur des « défenseurs » du Parc.

Pourtant, en 2007, le commissaire Giudo Bertolaso[33] a réussi à dépasser toute normativité tendant à protéger les territoires : « en dérogation des dispositions spécifiques en vigueur en matière d’environnement, paysagère, territoriale, de planification pour la défense du sol, ainsi qu’en matière hygiénique et sanitaire » (DL n°61 du 11/05/2007), la réouverture de la décharge S.a.r.i. a été décidée par voie législative par le gouvernement de Romano Prodi (coalition de centre-gauche). Pourtant, Bertolaso avait eu connaissance des résultats d’une Évaluation du risque sanitaire et environnemental de l’élimination des déchets urbains et dangereux, enquête qu’il avait lui-même commanditée en tant que chef du département de la Protection civile italienne (position qu’il a occupée de 2001 à 2010) et dans laquelle des chercheurs experts démontraient que, sur le territoire de la décharge, existaient « des excès de mortalité pour causes prénatales et malformations congénitales[34] ». Comme le relevaient les auteurs de l’enquête, la connaissance du risque sanitaire et environnemental auquel les habitant·e·s de Terzigno avaient été exposés aurait dû inciter le chef de la Protection civile à avoir recours à des vérifications et des assainissements nécessaires. Or, se souciant peu du mouvement de contestation populaire déclenché en 2007 à Terzigno pour la défense du territoire du Vésuve, Bertolaso décida en 2008 de faire ouvrir une seconde décharge, la Cava Vitiello, adjacente à la S.a.r.i, et destinée a devenir le plus grand dépotoir d’Europe, toujours au cœur du Parc national du Vésuve (DL n°90 du 23/05/2008). L’année suivante, en juin 2009, il fit rouvrir la S.a.r.i. par la force, en utilisant toute la violence du dispositif militaire échafaudé par le gouvernement Berlusconi – qui, avec le décret-loi n°90 du 23/03/2008, a marqué le point culminant de la « crise » des déchets en Campanie[35], en déclarant le périmètre de la décharge comme « zone d’intérêt stratégique national ».

Dix mois plus tard, en avril 2010, suite à une condamnation par la Cour de Justice européenne, le versement de 300 millions d’euros du fonds structurel pour le Mezzogiorno a été suspendu[36]. La condamnation faisait suite à un recours de la Commission Européenne, accusant le gouvernement italien de ne pas avoir respecté les obligations en matière d’installations de récupération et d’élimination des déchets, de protection de la santé et de limitation de production des déchets. Cette mise en garde de l’Union européenne arrivait à un moment où s’intensifiait la contestation des populations locales, contestations qualifiées de « justifiées » et « raisonnables » par un groupe d’expert·e·s de la Commission Pétitions du Parlement européen, en visite en Campanie du 28 au 30 avril 2010. L’autonome 2010 se présentait donc comme une nouvelle saison d’affrontements : des fuites concernant l’ouverture prochaine de la Cava Vitiello provoquèrent une réaction d’une violence sans précédents dans l’histoire locale. Des milliers de personnes furieuses descendirent dans la rue, opposant avec vigueur leurs corps à un État accusé de violence et d’incapacité de gérer la salubrité de l’environnement et la santé des citoyens. L’affrontement avec les forces de l’ordre fut frontal, donnant lieu à une série d’épisodes de guérilla urbaine catapultant le cas sur le devant des scènes médiatiques nationale et internationale. Les manifestant·e·s contrôlaient ainsi toutes les voies d’accès à la S.a.r.i., empêchant le passage des camions vers la décharge. En seulement vingt jours, dix-sept de ces camions furent incendiés. Après un mois d’affrontements serrés – on parle d’un « octobre de feux » –, les citoyen·ne·s du Vésuve purent fêter leur victoire : l’ouverture de la Cava Vitiello fut annulée par un décret du Premier ministre Silvio Berlusconi (D.L. n°196 du 26/11/2010), qui a ainsi publiquement reconnu les arguments des activistes.

Vivre parmi les déchets

L’histoire de la décharge S.a.r.i. est emblématique de ce qui se passe dans beaucoup de territoires de Campanie, territoires condamnés à payer chèrement les coûts de l’urgence des déchets. La contribution originale que l’anthropologie urbaine peut offrir à l’étude de ce phénomène touche à sa dimension existentielle : la manière dont les habitant·e·s de Terzigno ont vécu la crise environnementale et politique de leur territoire et la signification qu’il·elle·s lui ont donnée. La reconnaissance des divers points de vue possibles, superposés les uns aux autres, dans un contexte social d’« urgence » représente la trame de cette recherche ethnographique. Au début de la collecte des matériaux autobiographiques oraux, j’ai pu constater l’existence, dans le sens commun local, d’une conscience diffuse du fait que, depuis la fin des années 1980, le territoire du Vésuve avait été transformé en un carrefour de trafics illégaux de déchets. « Ici, en dessous, ils nous ont enseveli de tout » est une phrase qui n’a pas tardé à être prononcée durant les entretiens. Mais si tou·te·s savaient, tou·te·s ne s’étaient pas interrogé·e·s sur les effets épidémiologiques des déversements et sur le danger sanitaire qu’ils représentaient. Comme s’il s’agissait d’un banal fait divers, d’un élément bien connu mais non problématisé, dont les conséquences étaient négligeables, voire inutiles à raconter.

Dans un premier temps, je n’ai pas réussi à interpréter ces éléments et j’ai continué à me demander comment ces gens pouvaient avoir connaissance de déversements de déchets toxiques sans pour autant se préoccuper des dangers liés à la contamination environnementale. J’ai finalement saisi que mon analyse souffrait d’une erreur de perspective qui m’empêchait de comprendre le point de vue de mes interlocuteur·rice·s. Poursuivant le travail de terrain, j’ai compris que ce qui m’apparaissait d’abord comme une connaissance diffuse était davantage une réalité notoire, mise à part et inscrite dans la mémoire locale selon une dynamique particulière de présence/absence. Les nouvelles concernant les déversements ne constituaient pas plus que de simples « rumeurs », des rumeurs entendues mais jamais vérifiées, des faits bien connus dont on parlait de temps en temps sans trop se poser de questions. Cette dynamique de présence/absence concernait aussi l’espace sur lequel est bâti la décharge S.a.r.i. Contrairement à mes attentes, les habitant·e·s de Terzigno parlaient de la décharge et de son existence, sans pour autant réellement en connaître l’histoire. C’est Liliana, activiste du front anti-décharge de Terzigno, une de mes informatrices privilégiées, qui m’a fourni une piste interprétative particulièrement féconde.

« – Mais comment c’est possible qu’ils restent tellement indifférents ? Ils savent qu’il y avait une décharge pendant des années ?

Bien sûr qu’ils le savent. Terzigno est un village. Ils le savent tous. Ou au moins ils le savaient. De deux choses l’une : ou bien ils font semblant de ne plus se souvenir, ou bien ils ont oublié. C’est comme avec les déchets toxiques enfouis. Tous savent qu’ils les ont enfouis là sur la montagne. Mais ils ne regardent pas. Il suffit qu’ils ne regardent pas, et ils sont contents. Il leur suffit qu’on leur enlève les ordures depuis leur maison, ensuite tu peux les amener où tu veux, pour autant qu’on ne les voit plus. Avec la décharge c’est exactement pareil. On ne la voit pas. Et ils vivent tranquilles, comme si de rien n’était. »

À partir des témoignages de Liliana, j’ai commencé à m’interroger sur la possibilité de « ne plus voir les ordures », ni les espaces dans lesquels elles sont abandonnées ou enfouies, en dépit du fait que cela continue à être un élément caractéristique et contaminant du lieu où vivent les gens. Le mécanisme qu’elle décrivait correspondait effectivement à la réalité que je voyais : ces personnes connaissaient la décharge et les déversements passés, puisqu’ils en parlaient spontanément. De leurs récits ressortait pourtant une donnée : l’histoire du lieu, la présence des déchets toxiques souterrains, la pollution du territoire étaient autant d’éléments occupant une place marginale dans leur vision du monde et dans leur vie quotidienne. C’étaient des éléments scotomisés et scotomisants, présents sans vraiment l’être.

La tendance à scotomiser les espaces de déversement de déchets peut être comprise, d’une part, à partir de la dimension symbolico-culturelle de l’immondice et de l’attitude globale à scotomiser les déchets, typique de la culture urbaine occidentale. D’autre part, cette tendance s’explique par des pratiques particulières de gestion du pouvoir dans le contexte local. Les réseaux mafieux et clientélistes et le système politico-administratif ont réussi à exercer une capacité de contrôle du territoire, ce qui explique comment les déchets enfouis, abandonnés aux bords des chemins ou déversés dans des décharges sauvages, sont effectivement devenus invisibles aux yeux d’une bonne partie de la population locale au cours du temps. N’oublions pas que nous sommes dans un territoire où l’idéologie clientéliste du « s’occuper de ses propres affaires[37] » fonctionne comme un principe régulateur de la vie publique donnant un sens et une valeur à une réalité socialement partagée, et où les innombrables délits concernant l’élimination des déchets ne peuvent ni ne doivent être l’objet d’observations ou de discussions de la part des citoyen·ne·s. L’attitude d’obéissance et d’acceptation passive des décisions prises en haut lieu, l’habitude de ne pas regarder et de ne pas dénoncer les délits commis par les « administrateurs du pouvoir » sont certainement des variables qui peuvent engendrer les processus de scotomisation collective.

Repenser collectivement les déchets

A partir d’une série d’événements concomitants est née une dynamique de changement culturel, à travers laquelle une part toujours croissante des citoyen·ne·s de Terzigno a « découvert » l’urgence environnementale. Cette « découverte » peut être définie comme un processus culturel à partir duquel les déchets commencent à être considérés – ou plutôt construits – comme objets d’une connaissance et d’une réflexion critiques. Réfléchir consciemment et s’informer de manière constante sur un objet traditionnellement sans importance nécessite de changer la manière de se situer face aux déchets. D’éléments marginaux dans la vision du monde et de la vie, ils deviennent un ingrédient central et un objet d’intérêt modifiant définitivement les représentations. Soudainement, les « rumeurs » concernant les déversements de déchets toxiques sont devenus objets d’attention et d’approfondissement à partir desquels ont été « dévoilés » les dangers sanitaires liés à la contamination environnementale. Beaucoup d’habitant·e·s de Terzigno ont ainsi découvert que l’élimination illégale des déchets a un impact nocif sur l’environnement, provoquant la contamination pérenne du territoire et le développement de pathologies potentiellement mortelles.

Cette dynamique culturelle est particulièrement intéressante puisqu’on peut lui associer une série de changements politiques importants. La « découverte de la question des déchets » est intrinsèquement liée à la naissance de formes de désaccord collectif, en réaction à la décision gouvernementale d’ouvrir les décharges. Autour d’une question qui, pour quelques citoyen·ne·s, est devenu absolument prioritaire, des processus de mobilisation politique ont engendré des changements dans les manières « traditionnelles » de vivre le temps et l’espace public. C’est à cause d’une question de vie et de mort qu’une multitude d’habitant·e·s ont décidé en 2007 et en 2010 de s’impliquer dans la lutte contre l’ouverture de la S.a.r.i., puis de la Cava Vitiello, se montrant prêts à se battre contre les intérêts des puissant·e·s et à briser ou, au moins, à mettre en discussion l’idéologie clientéliste qui les avait réduit·e·s au silence pendant des années. Au nom du souci de la santé publique et de la protection de l’environnement, ces nouveaux sujets politiques ont porté des demandes de participation aux prises de décision territoriale, en appelant aux principes de transparence et du respect de la légalité, négligés pendant les années de gestion du commissariat. Beaucoup ont découvert pour la première fois les fonctions du contrôle démocratique liées à la citoyenneté.

La prise de conscience de la question écologique s’est ainsi transformée en un processus d’émancipation politique tout à fait original : à partir de la conscience de la nocivité environnementale des déchets, beaucoup de citoyen·ne·s de Terzigno ont non seulement commencé à revendiquer leurs droits face aux administrations publiques, mais il·elle·s se sont montrés prêts à assumer un rôle politiquement actif pour faire en sorte que ces droits soient effectivement garantis. Ce rôle a dû passer par la mise en discussion critique des déclarations officielles des administrateur·rice·s. Les autorités étatiques, régionales et judiciaires sont devenues objets d’interrogations de la part de citoyen·ne·s prêt·e·s à s’informer, à enquêter, à dénoncer les manquements de la protection de la santé publique. Les activistes de Terzigno ont démontré avec leurs protestations et leurs revendications que le vrai problème n’a jamais été l’accumulation d’ordures dans les rues. Leur action a empêché de déclarer comme résolue une crise politique et écologique qui concerne avant tout le risque épidémiologique lié à la contamination de l’environnement.

[1] Pour les détails méthodologiques, C. Caputo, « La crise des déchet à Terzigno, en Campanie », in D. Corteel, S. Le Lay (dir.), Les travailleurs des déchets, Toulouse, Erès, 2011, p. 93-119.

[2] Pour une définition du terme « écomafia », voir http://www.legambiente.eu/onal/rapporti_ecomafia.php.

[3] Pour une définition de l’« anthropologie urbaine », voir A. Signorelli, Antropologia Urbana. Introduzione alla ricerca in Italia, Milano, Guerini, 1999.

[4] M. Douglas, Purity and danger. An analysis of concept of pollution and taboo, London, Routledge & Kegan Paul, 1966.

[5] Y. Cochin, D. Lhuilier, Des déchets et des hommes, Paris, Desclée de Brouwer, 1999.

[6] Sur le concept de « présence », d’origine heideggérienne, et sur la « crise de la présence », lire E. De Martino, Il mondo magico, Torino, Bollati Boringhieri, 1973 (1948) ; E. De Martino, Sud e Magia, Milano, Feltrinelli, 2003 (1959).

[7] C. Pasquinelli, La vertigine dell’ordine, Milano, Baldini Castoldi Dalai, 2004.

[8] E. Sori, Il rovescio della produzione. I rifiuti in età preindustriale e paleotecnica, Bologna, Il Mulino, 1999. Le néologisme « déchetation » a été forgé pour rendre compte du jeu de mots que véhicule le mot italien « rifiutazione », signifiant à la fois « réfutation » et « mise en déchet » [NdT].

[9] S. Maurano, Territori rifiutati. Geografia dei rifiuti e conflitti ambientali. Un’analisi transcalare del caso campano, thèse de doctorat en géographie du développement, Université de Naples « L’Orientale », 2009.

[10] M. Castells, La question urbaine, Paris, Maspéro, 1972.

[11] G. Viale, Governare i rifiuti, Torino, Bollati Boringhieri, 1999.

[12] A. Signorelli, « Il pragmatismo delle donne. La condizione femminile nella trasformazione delle campagne », in S. Piccone-Stella, C. Saraceno (dir.), Genere. La costruzione sociale del femminile e del maschile, Bologna, il Mulino, 1996 ; A. Miranda, « Les multiples représentations du risque dans la région de Naples », in F. Walter, B. Fatini, P. Delvaux (dir.), Les cultures du risque, Genève, Presses d’Histoire Suisse, 2006, p. 153-158.

[13] P. L Berger, T. Luckmann, La construction sociale de la réalité, Paris, Meridiens Klincksieck, 1986 (1966).

[14] L’expression est empruntée à l’historien de l’environnement Marco Armiero, qui l’a utilisée dans son discours d’ouverture de l’Agorà dei movimenti in difesa dei territori e per la giustizia ambientale, Naples, 4-6 mars 2016.

[15] D. N. Pellow, Garbage wars : the struggle for environmental justice in Chicago, Cambridge, MIT Press, 2002.

[16] M. Armiero, Seeing like a protester : nature, power, and environmental struggles, Left history, 13/1, 2008, p. 59-76.

[17] A. G. Levine, Love Cana : science, politics, and people, Lexington, Lexington Books, 1982.

[18] L. Pulido, « Rethinking environmental racism : White privilege and urban development in Southern California », Annals of the Association of American geographers, 90/1, p. 12-40.

[19] A. Fava, « Per chi suona la Campania », in AA. VV., Campania chiama Europa. La distruzione del paesaggio e il rischio del collasso ecologico, Napoli, La scuola di Pitagora editrice, 2011.

[20] Des données supplémentaires peuvent être trouvées sur http://www.camera.it/_bicamerali/rifiuti/nota.htm.

[21] B. Iovene, Campania Infelix, Milano, BUR, 2008.

[22] Lire A. Iacuelli, Le vie infinite dei rifiuti. Il sistema campano, Napoli, Altrenotizie.org, 2007. La question a été abordée au cinéma dans le film Gomorra (2008) de Matteo Garrone, et dans les documentaires Biùtiful cauntri (2007) de E. Calabria, A. D’Ambrosio et G. Ruggiero G., et Una montagna di balle (2009) de N. Angrisano.

[23] R. Saviano, Gomorra, Milano, Mondadori, 2006.

[24] P. Rabitti, Ecoballe, Reggio Emilia, Aliberti, 2008.

[25] Voir le rapport établi par le député Paolo Russo pour la commission d’enquête parlementaire, 26 janvier 2006 : http://www.camera.it/_dati/leg14/lavori/stenbic/39/2006/0126/INTERO.pdf.

[26] G. Gribaudi, Il circolo vizioso dei rifiuti campani, Milano, il Mulino, 2008.

[27] Président de la région Campanie et commissaire extraordinaire de l’Urgence Déchets en 2000, Antonio Bassolino a déclaré à la justice avoir signé les contrats sans les avoir lus.

[28] Cette réserve a été inscrite en octobre 1997 sur la liste des réserves mondiales de la biosphère.

[29] A. Genovese, « Nota sulla discarica di Terigno », 7 mai 2009 : http://www.angelogenovese.it/rifiuti_campania.

[30] Voir le rapport de la Commission d’enquête parlementaire sur le cycle des déchets du 29 mars 2000 : http://www.camera.it/_bicamerali/rifiuti/ressten/homefr.htm.

[31] A. Genovese, « Denunce e diffide della Lega Ambiente », 2009 : http://www.angelogenovese.it/rifiuti_campania.

[32] G. Corporente, « Una discarica di prima categoria nel Parco Nazionale del Vesuvio ? », 2000 : http://www.angelogenovese.it/rifiuti_campania.

[33] Chef du commissariat entre octobre 2006 et juillet 2007 sur nomination du gouvernement Prodi, puis de mai 2008 à décembre 2009 sur nomination du gouvernement Berlusconi. Pendant les deux périodes, Bertolaso était également le chef du département de la Protection civile italienne.

[34] L. Musmeci (a cura di), Valutazione del rischio sanitario e ambientale nello smaltimento di rifiuti urbani e pericolosi, Roma, Istituto Superiore di Sanità, Rapporti ISTISAN 04/5, 2004.

[35] En 2008, Silvio Berlusconi, réélu Premier ministre à la tête d’une coalition de centre-droite, décide d’affronter l’urgence avec l’utilisation de la force militaire, dans un certain consensus national. Le décret-loi du 23 mars 2008 transforme ainsi tous les sites de traitement des déchets en zones d’intérêt stratégique national, sous contrôle de l’armée.

[36] A. Pollice, « Per i rifiuti in Campania l’Europa condanna l’Italia », Il Manifesto, 05 avril 2010.

[37] Signorelli observe que l’idéologie clientéliste du « farsi i fatti propri » (s’occuper de ses propres affaires) représente un principe régulateur de la vie sociale servant de base aux systèmes de relation du type familial-clientéliste. Il s’agit d’un principe de réciprocité où chacun·e peut penser à ses propres affaires et poursuivre ses propres intérêts, sans que personne n’interfère. Il s’ensuit une situation perceptive que l’on peut qualifier d’« indifférence alerte ». A. Signorelli, Chi può e chi aspetta. Giovani e clientelismo in un’area interna del mezzogiorno, Napoli, Liguori Editore, 1983.