Entre l’assassinat d’Eloi Machoro le 12 janvier 1985 puis le massacre de la grotte d’Ouvéa le 5 mai 1988, le mouvement en faveur de l’indépendance de la Nouvelle Calédonie se développe et s’intensifie dans les milieux d’extrême-gauche. Des comités se forment en faveur de la Kanaky. Dans la ligne de mes combats anti-coloniaux, j’y adhère aussitôt. Lors d’une réunion parisienne nous recevons avec émotion Léopold Jorédié et Yeweiné Yeweiné et sommes aussitôt impressionnés par leur présence et leur discours où un humour vaillant – notamment à l’égard de leur mort possible – se mêle à l’éloquence militante. De cette rencontre sont nés ce poème, un autre dédié à Machoro devenu depuis une chanson, et un portrait de Djibaou qu’après sa mort, j’avais proposé à son épouse.

Djibaou Yeweiné

un deuil comme jamais

J’ai perdu terre et mère

père et ciel

Djibaou Yeweiné

à travers sang et larmes vous riez

d’espoir et de confiance

non en notre parole que vous saviez truquée

mais dans la certitude

que viendrait tôt ou tard

mieux vaut tard que jamais

le droit pour la peau noire et les cheveux crêpus

les vrais tenants des terres chassés tués exclus

de vivre et d’apprendre

désirer entreprendre

comme tel ou telle qui depuis sa peau claire

se fit roi juge et dieu

 

Djibaou Yeweiné

ceux qui vous firent taire

parlent tous à présent de votre intelligence

courage bonté vaillance

c’est l’humour qui était la plus exacte mesure

de votre modestie et de votre orgueil

de cette lutte folle et lente

de cette foi rusée patiente

stoïque et immortelle

en l’équité !